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Sceptique
20 septembre 2008

Géorgie: un point de vue d'André Glucksmann*

En dehors des américains, ceux qui sont les plus sévères à l'encontre de Vladimir Poutine et de sa nostalgie de l'empire soviétique, et qui préconisent une "fermeté" dont on voit mal le contenu, sont d'une part les européens de l'Est, qui ont eu sur le dos l'occupant russe pendant quarante ans et craignent son retour, et les penseurs, parmi lesquels les "Nouveaux Philosophes", anciens sympathisants crédules de l'idéologie communiste, qui en ont subitement découvert la fausseté et la brutalité primitive. C'est une sorte de "n'ayez pas peur", à la manière de Jean-Paul II et de Benoît XVI, qu'énonce André Glucksmann, à partir de considérations très différentes. Il dresse un tableau peu discutable de la Russie réelle, encore bien malade de ses soixante-dix ans de communisme. "Le pays reste exsangue, en proie à l'ivrognerie, aux mafias, à la tuberculose et au sida, à la prostitution et à la vertigineuse chute démographique, puisque l'espérance de vie y est celle du tiers-monde". Et alors? ai-je envie de répondre à ce philosophe que j'estime beaucoup. Comme si la faiblesse réelle empêchait les rodomontades des responsables politiques. "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts", "la route du fer est coupée": ces paroles sont de chez nous, quelques semaines avant le désastre de Mai-Juin 1940. Quelques années plus tôt, le coup de force d'Hitler sur la zone démilitarisée de la frontière rhénane, avait anticipé sur sa puissance réelle. La Russie est encore un ours blessé, donc méchant. Vladimir Poutine, son chef réel, flatte tous les aspects du nationalisme du peuple russe, jusqu'aux plus sots, et place une bonne partie de l'argent du gaz et du pétrole dans l'instrument militaire, auquel il a redonné des moyens et le moral, perdus au cours des premiers dix ans de l'ère post-soviétique. Non seulement la seule force militaire, dont l'arsenal nucléaire est intact, est regonflée, mais Poutine tient les anciennes républiques soviétiques par le chantage énergétique, chantage qu'il peut appliquer à l'Europe s'il lui plaît, même si c'est à son préjudice temporaire. Nous nous sommes nous-mêmes exposés à ce chantage, par excès de confiance. Que je ne reproche à personne en particulier. Il faut un minimum de confiance pour mener une politique. Mais, pour le moment, notre marge de manoeuvre est très limitée. L'action purement diplomatique de l'Europe a réussi à préserver ce qui était essentiel à la Géorgie, sa souveraineté sur le territoire qui ne lui est pas discuté, mais dont l'occupation partielle, si elle s'était maintenue, aurait paralysé son économie et aurait fini par faire tomber le Président Mikheil Saakachvili, légitimement élu, mais haï par l'ennemi russe. La Géorgie est contrainte par la réalité de mettre une sourdine sur ses propres revendications nationalistes, et de se passer d'une appartenance à l'OTAN, à la fois intolérable pour les russes et réellement immpuissante. Plusieurs années seront nécessaires pour que l'Europe puisse s'affranchir de sa dépendance énergétique en diversifiant ses combustibles et ses sources d'approvisionnement, et pour qu'une Géorgie neutre et prospère fasse envie à ses voisins abkhases et ossètes, pour le moment entretenus dans la soumission à l'empire russe. Sceptique * "Le Monde" du 18 Septembre 2008
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