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Sceptique
25 septembre 2008

Lumières sur l'esprit civique

C'est une histoire qui a commencé il y a quelques années. Peut-être pas plus de trois à quatre. Le temps passe si vite! En ce temps là, Gilus Robienus était le Ministre des transports, charge on ne peut plus délicate, car si les engins qui circulent sur les routes sont en acier, leurs conducteurs sont en fine porcelaine de Limoges. Leur maniement exige des mains douces. Gilus Robienus était présumé posséder cet avantage. Dans l'histoire que je vais vous raconter, les efforts de délicatesse du Ministre furent totalement vains: sans même qu'on les touche, les conducteurs de porcelaine se fissurèrent ou s'ébréchèrent presque tous, à en devenir invendables. La situation méritait pourtant qu'on fasse quelque chose: les conducteurs gaulois avaient pour principe qu'ils étaient seuls sur les routes. Que chacun d'eux était seul, pour être précis, et faisait ce qu'il voulait. Le calcul de probabilité, plutôt que la protection de Toutatis, avait pour conséquence que la majorité arrivait à destination à bon port. Mais une trop importante minorité trouvait le moyen d'entrer en collision avec un autre. L'acier des véhicules était froissé, mais la porcelaine des conducteurs pouvait être pulvérisée, irrécupérable. Les réparateurs de porcelaine, judicieusement répartis sur le territoire, ne manquaient pas de travail, et le faisaient bien, parvenant à remettre en état, suffisamment pour qu'ils recommencent, un certain nombre de conducteurs. Le travail des réparateurs était facilité par l'intervention, sur les lieux des accidents, des "numéroteurs de débris". Tout en faisant ce travail, ils ne pouvaient s'empêcher de s'intéresser aux circonstances de ces collisions inopportunes. Ils en vinrent à la conclusion, qu'ils ne gardèrent pas pour eux, que dans un grand nombre de cas, les conducteurs entrés en collision ne s'étaient pas vus d'assez loin. Trop tard pour s'éviter. Comme il n'était pas question de réduire encore la vitesse autorisée, que les"bons" conducteurs, blessés dans leur amour-propre, refusaient pour leur compte, une idée, qui venait des tristes pays où régnaient les ciels bas, les pluies et le brouillard fut proposée: laisser allumés, même en plein jour, les phares dont disposent les voitures pour la conduite de nuit. Il était évident que ces lueurs révélaient l'approche de véhicules dont la couleur était le plus souvent neutre et se fondait dans le paysage. Donc le Ministre Gilus Robienus pria, avec tous les égards et la courtoisie qu'il sied avec les gaulois, les conducteurs de bien vouloir allumer leurs feux de croisement à l'occasion de tous leurs trajets de jour, comme ils le pratiquaient la nuit et dans le brouillard, assez fréquent un certain mois de l'année, baptisé pour cette particularité, Brumaire, lors d'une période de l'histoire. Cette nomination fut abandonnée parce qu'un coquin de Corse choisit ce mois de faible visibilité pour s'emparer du pouvoir! Le peuple gaulois comporte une puissante tribu, celle des Motards, qui use de véhicules à deux roues, inspirées par la bicyclette mais puissamment motorisées, avec lesquelles elle circule en prenant TOUS les risques. Tellement, que les débris de Motards jonchent les routes, et ne permettent que rarement une réparation complète. Non sans mal, un prédécesseur de Gilus Robienus les avait convaincus de laisser allumé, jour ou nuit, leur unique phare, afin qu'on les voit arriver, de loin, à une vitesse toujours supérieure au maximum autorisé. Ils avaient fini par considérer cette obligation comme un élément de leur identité, une sorte de quartier de noblesse. La demande de Gilus Robienus n'était qu'une prière, que les conducteurs gaulois n'étaient pas tenus d'exaucer. Mais il était statistiquement probable qu'un certain nombre, estimant la mesure sensée, à commencer pour eux-mêmes, l'appliqueraient. Deux phares contre un, un vrai crime de lèse-majesté, rugirent les Motards, rabattus dans le tiers-état*. Mais ils n'attendirent pas trop la restitution de leur privilège. Il s'avéra rapidement que non seulement les conducteurs gaulois furent peu nombreux à exaucer la prière du Ministre, mais qu'en majorité, au contraire, ils firent en sorte de s'en moquer, en n'allumant plus leurs feux de croisement, non seulement par temps de brouillard, mais aussi par temps de pluie, à l'aube ou au crépuscule. Il va sans dire qu'aucun effet sur la quantité de porcelaine cassée ne fut observé pendant les quelques mois de validité du voeu pieux. Le gouvernement fut d'ailleurs remanié, et Gilus Robienus reçut un autre ministère, qui ne s'occupait plus de porcelaine, mais d'oeufs. Si je vous raconte cette histoire déjà oubliée, c'est que la fédération qui a fini par prendre la relève de l'Empire Romain d'Occident est venue au secours des autorités de la Gaule en généralisant la mesure à partis de l'an 2011. Sceptix *Sur les routes, la noblesse appartient sans conteste aux camions, qu'on ne peut pas ne pas voir, parce qu'ils sont hauts et souvent de couleurs vives. Personne ne se risque à manquer du respect qui leur est dû. Les Motards constituent le" clair-j'ai", et les automobilistes le tiers-état.
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P
bravo!
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Sceptique
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