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Sceptique
24 décembre 2008

Crise de l'enseignement: l'horizontal contre le vertical.

Un article de Jean-Michel Dumay dans le Monde du 21-22 Décembre 2008 apporte un éclairage important à la crise des lycées, et la transforme en un problème structurel plutôt que conjoncturel. S'appuyant sur des observations de l'évolution d'une société pourvue de nouveaux moyens de communication à la portée de toutes les bourses et largement prisées par la jeunesse, il montre que ce développement horizontal des échanges s'oppose, non pas frontalement, mais par une dérobade coordonnée, une dissolution dans un fluide mouvant, à la transmission verticale de l'autorité, professorale, habituellement, politique, épisodiquement, quand, par l'intermédiaire du Ministre, le pouvoir politique démocratiquement élu veut faire valoir son droit d'inventaire et de réforme. On ne peut que constater l'efficacité de cette résistance de l'eau au coup d'épée, de l'insoumission propagée par le téléphone portable. Elle a mis à mal tous les gouvernements qui ont prétendu gouverner ce qui, jusqu'à présent, n'a pas été proclamé ex-territorialisé. Pour ce qui est des droits, les lycéens et les étudiants ne s'en démettent pas, bien au contraire. Dans l'intimité, les enseignants se plaignent de l'inaccessibilité de leurs élèves, de l'indifférence parfois incontournable qu'ils leur opposent, de leur frustration d'anciens bons élèves, passionnés par leurs propres études, de ne pouvoir transmettre, faire partager leur passion. Mais ils ont du mal à admettre que l'État, tout missionné par l'électeur qu'il soit, vienne se mêler de leur travail, leur dicter leurs méthodes, manipuler les programmes, renforcer et alourdir toujours plus la pyramide hiérarchique. Et le dit État ne sait effectivement pas proposer autre chose qu'une Nème réforme, inspirée des principes de Carnot: pour améliorer le rendement, si on ne veut augmenter la puissance du moteur, il faut alléger le véhicule, et agir sur la manière de le conduire. Alors? Laisser faire, laisser se débrouiller les enseignants et leurs syndicats? Laisser les élèves grappiller les connaissances où ça leur chante, sans se soucier de la sortie de leur âge? Considérer que ce développement horizontal de la société est une fatalité irréversible dont tout pouvoir devra s'accommoder? Or, les projections faites à partir de cet état de fait, montrent qu'il réduit les chances des plus faibles, intellectuellement et moralement, qu'il avantage ceux qui sont mieux protégés, poussés, encadrés, par leurs familles aisées. Que ce nivellement spontané et idéalisé contribue à mettre en panne l'ascenseur social, à appauvrir le niveau culturel des masses, sans les rendre heureuses. Si la jeunesse se trompe, fait fausse route, suit innocemment un joueur de flûte sorti de son rang, peut-on s'en laver les mains? Quelle énergie peut produire un lac qui clapote sous des vents tourbillonnants? Hannah Arendt, me rappelle un ami professeur, désigne l'école comme un conservatoire. Certes! D'un principe: le savoir DOIT être transmis, et d'un contenu, dont rien n'est négligeable. On ne peut qu'être d'accord avec ces fondements. Les professeurs, auxquels on demande un très haut niveau de connaissances dans leur matière pour obtenir leur diplôme, acceptent mal les allégements* de programmes qui cherchent à tenir compte de l'inappétence des élèves. Ils vivent cette réduction de l'offre comme un désaveu de leur propre effort, comme une blessure d'amour propre. Ils se réservent le droit au découragement, qui finit par les gagner, et à l'amertume qui l'accompagne. De part et d'autre, enseignants et politiques, il faudrait arriver à un consensus sur la vanité de toute mesure globale. Le contenu des programmes, le nombre d'heures offertes, ne peuvent rien sans l'adhésion individuelle des élèves, sans leur prise de conscience qu'ils ne seront pas toujours jeunes, qu'il n'auront pas toujours papa-maman pour les loger et les nourrir, et que de toute façon, ce "coucouning" prolongé sera réciproquement insupportable. On comprend que la faible probabilité actuelle de cette prise de conscience inquiète les responsables politiques. Elle devrait les inquiéter TOUS, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Car si les sociétés semblent changer, s'adapter aux situations, les lois naturelles de la vie, elles, ne changent pas. Sceptique *Allégements qui sont plutôt des dilutions, car on ne veut rien oublier.
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