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Sceptique
11 janvier 2009

Culs-terreux de toutes les cambrousses, vous n'êtes plus rien!

La République, héritière du royaume patiemment rassemblé pendant dix siècles, a sûrement souffert du poids politique d'une ruralité, sur-représentée à la fois dans les esprits et les institutions politiques. Sénat, sûrement; Assemblée Nationale aussi, comme les puristes de la démocratie le rappellent à chaque révision du découpage des circonscriptions électorales . Tout au long de sa construction, la nation française a disposé d'un principe unificateur, sa monarchie d'abord, sa République, ensuite. Le soubresaut centrifuge de la Révolution s'est réglé par une guerre civile et la victoire du camp jacobin, suivie par le Consulat et l'Empire, qui ont mis fin à toutes les tentations centrifuges de l'ensemble français. La défaite sur les champs de bataille de l'Europe des armées napoléoniennes a permis le rétablissement de la monarchie, qui sous des formes diverses, a recouvert toutes les expériences de vie démocratique portées par la Révolution. C'est la défaite du Second Empire qui a permis, presque par hasard, le retour de la République. Une nouvelle guerre civile a opposé les bourgeois "versaillais" et les radicaux "communards", héritiers de la première révolution, populaire. La victoire finale des "versaillais" a permis l'installation d'une République "soft", respectant les structures de la société française. L'unité de la nation reposait alors sur une centralisation administrative, accentuée par le Premier Empire. Tous les dossiers passaient par Paris et des Ministères. Les rapports entre le gouvernement et les départements étaient assurés par les préfets. La capitale pesait d'un poids très lourd sur la gestion de l'ensemble français, ralentissait de façon caricaturale la mise en oeuvre des décisions d'un pouvoir politique instable. L'administration était le pole de stabilité. C'est alors que l'idée d'une décentralisation s'est faite de plus en plus forte, et s'est concrétisée par des projets de loi, d'abord par la Gauche (Defferre), puis par la droite (Raffarin). Ces lois ont abouti à créer des pouvoirs régionaux et à leur transférer des responsabilités dans les divers domaines, non "régaliens". L'ambivalence a été continue tout au long de la mise en place de ces réformes du fonctionnement national. Les pouvoirs locaux voulaient bien du "pouvoir", mais pas des "responsabilités" qui lui sont normalement associées. Notamment d'augmenter les fiscalités locales. L'État était sommé de compenser intégralement le prix des transferts de compétences. Prix dont il ne contrôlerait plus le montant. Certains personnels de statut national acceptaient mal de le voir se transformer en statut de collectivité territoriale. Des services habitués à une direction parisienne partageant avec les fonctionnaires décentralisés une culture commune redoutaient d'échoir à des élus locaux présumés incompétents, voire parfaitement "béotiens". L'élitisme de notre administration faisait entendre sa voix, quand même prudente. Le sentiment d'appartenir à une élite reste intime. Avec le recul, on observe qu'une évolution centripète de la nation française se manifeste de plus en plus clairement: les conflits entre les régions et l'État sont constants et plus durs. La répartition des voix des élections locales subit une influence "gravitationnelle": les villes, même de taille modeste, disposant de plus de recettes, permettant une amélioration des équipements et des services offerts aux habitants, en attirent toujours davantage et grossissent vite. Les communes rurales, qui n'ont comme ressources que les taxes locales payées par les habitants qui ont prix l'option de vivre à la campagne, bien que n'y travaillant pas*, ne peuvent plus vivre sans subventions diverses et transferts de recettes fiscales à la merci des pouvoirs départementaux et régionaux. Les maires sont jugés sur ces performances locales et non sur la vie nationale. C'est une situation qui profite à l'opposition. Le glissement vers l'opposition des pouvoirs locaux des villes moyennes est difficile à freiner. Chaque élection locale confirme cette tendance. Le gouvernement, porté par une majorité parlementaire de droite, a tout intérêt à contenir ce glissement à gauche des pouvoirs locaux, qui n'ont à y pratiquer que la politique locale, distributrice et peu risquée. Mais les règles constitutionnelles, basées sur la représentativité liée au nombre des électeurs, s'y opposent, et poussent dans le sens d'un parfait découplage entre politique nationale et politique locale. La politique nationale ne peut être exagérément distributrice. Se résumer à la somme des intérêts particuliers. Elle doit constamment rappeler l'intérêt national dont l'évidence n'est jamais la préoccupation première du citoyen, quelle que soit sa position politique. Les déceptions liées à la vie quotidienne vont irrésistiblement pousser l'opinion vers l'opposition. Les représentants locaux de la majorité sont "ficelés" par leur engagement majoritaire. Les représentants de l'opposition ont toute la liberté de choisir les sujets qui fâchent et en faire leur beurre. De plus en plus souvent, ils ne s'estiment même pas tenus par les lois de la République. En toute logique, les populations campagnardes devraient perdre peu à peu toute représentativité, dans toute instance locale ou nationale. Si la composition du Sénat, qui avantage le monde rural par le poids des élus des petites communes, est alignée sur les principes de représentativité mathématique, même en conservant le scrutin uninominal à deux tours, le monde rural sera écarté, tout en continuant d'exister. Les acrobaties concoctées pas le gouvernement et ses parlementaires viennent d'être"retoquées" par le conseil constitutionnel. Non seulement le monde rural continuera d'exister dans ses "cambrousses", mais aussi, sous une forme occulte, dans la majorité des esprits. Nous n'avons pas, me semble-t-il, un intérêt évident pour la vie démocratique, nationale, et même locale. Pour les français, une élection délègue à leurs élus le pouvoir sollicité et les responsabilités qui vont avec, et les en décharge complètement. Très peu, à travers des associations ou un parti politique, participent à la vie démocratique. Les élus sont et seront jugés aux résultats, sur des critères immédiats. Quelles seront les conséquences de ce glissement vers un clivage de type féodal de la nation française, qui vivra un confit permanent entre un pouvoir national majoritaire, quelque soit l'option politique, et des pouvoirs locaux qui se draperont dans l'opposition? Si, actuellement, l'opposition, de gauche, profite localement des mécontentements ou des doutes semés par le gouvernement majoritaire, un changement de majorité profitera, à terme, à ce qui deviendra l'opposition. Ce qui ne changera pas, c'est le conflit entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central. Il deviendra constitutif de la vie politique française. Faut-il accepter avec fatalisme cette perspective? N'aurions-nous pas mis, avec légèreté, le doigt dans un engrenage fatal, par méconnaissance de notre histoire? Sceptique *Les entreprises agricoles se sont concentrées et mécanisées, et fonctionnent maintenant avec un seul travailleur, parfois le propriétaire lui-même, qui utilise successivement les engins spécialisés. Elles ne payent pas de taxe professionnelle. Les taxes sur le foncier non bâti sont très faibles. Note complémentaire: le rejet, salué par le" Monde", devenu très sévère pour le Président Sarkozy, par le Conseil Constitutionnel d'une partie du projet de Loi portant sur le découpage électoral, trahit-il, aussi, un mouvement d'humeur de ses deux prédécesseurs ? Ce dernier venait de déclarer:"je préfère être un omni-président qu'un roi fainéant!" Il vaut mieux être sourd qu'entendre ça!
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Commentaires
C
C'était un autre...
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S
est bien parvenu, en double exemplaire, même. J'ai répondu, sous le titre "Présent et avenir".
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C
Hier j'avais rédigé un long commentaire, disparu après une mauvaise manœuvre, je suppose. Je renonce à recommencer...
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S
Merci encore pour toutes ces précisions et vos remarques stimulantes. <br /> Élu au conseil municipal en 2008, j'ai en mains le dossier des budgets 2007 (réalisation) et 2008(projet à adopter). Ma commune a 230 habitants dont 5 agriculteurs dont le plus important exploite un peu plus de 100 hectares. La commune ne perçoit aucune Taxe Professionnelle.<br /> Me reportant à l'exercice 2007, je vois à la ligne recettes:Impôts locaux (sans distinction entre TF et TH): 41.038 E, pour un budget prévisionnel de 149.867 E. <br /> La couverture par les recettes communales n'est donc que de 27,5%. Le reste des recettes provient de subventions diverses.<br /> Je ne trouve pas du tout injuste ce principe de redistribution. Mais il est moralement pénible pour les maires de communes obligées de solliciter la solidarité à ses divers niveaux. D'où l'attirance pour les flux financiers offerts par les éoliennes, par exemple. Et le danger d'en couvrir inutilement tout le territoire.<br /> <br /> Politiquement, la France rurale est encore bien représentée. Mais au prix d'une distorsion des ratios populations/sièges. Contre laquelle lutte l'opposition, à l'assise électorale essentiellement urbaine.<br /> <br /> On ne peut contester la justesse de cette cause, mais elle comporte un risque de rupture pour la structure de la nation, l'apparition d'un conflit permanent entre les collectivités locales et l'État. Il n'y a plus actuellement aucun contrepoids qui fonctionne. L'État s'est dessaisi de trop de fonctions. Les pouvoirs locaux le lui reprochent tout en en profitant politiquement.<br /> On soulignait autrefois les inconvénients, réels, d'une excessive centralisation. Mais elle avait en fait des raisons historiques qu'on a cru effacer par un volontarisme. Maintenant, quand ce n'est plus la lenteur de l'administration qui est en cause, c'est l'impossibilité de trouver localement les ressources suffisantes qui freine les dossiers urgents.<br /> Note:les établissements publics payent au moins les taxes sur les salaires. De plus, leurs agents participent à la vie économique, justifient des services comme les écoles, des investissements divers. On aime toujours les voir arriver, jamais les voir partir.
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C
Votre billet porte sur la politique institutionnelle, la décentralisation, la gestion des collectivités locales, etc., mais, comme lors de mon premier commentaire, je me limite à votre renvoi qui porte sur la TFNB, du point de vue du contribuable, sous l'angle de l'équité (ou justice) fiscale.<br /> <br /> "Les entreprises agricoles se sont concentrées et mécanisées, et fonctionnent maintenant avec un seul travailleur, parfois le propriétaire lui-même, qui utilise successivement les engins spécialisés. Elles ne payent pas de taxe professionnelle. Les taxes sur le foncier non bâti sont très faibles."<br /> <br /> Si les taxes foncières sont des taxes sur le capital immobilier, il faut comparer la TFNB (foncier non bâti) à la TFB (foncier bâti). En regardant mon cas, les taux d'imposition sont proches par rapport aux valeurs vénales de mes terres et de ma maison. Les bases d'imposition, en l'absence de révision des valeurs (indéfiniment reportée), suivent de la même manière l'inflation.<br /> <br /> Si on considère que les taxes foncières portent essentiellement sur l'outil de travail de professions (cultivateurs et sylviculteurs) qui ne paient pas la taxe professionnelle, comme vous semblez le faire, il faut essayer de comparer à activité comparable. C'est pourquoi je mentionnais que mes 60 ha. exploités en "grande culture" sont l'outil de travail d'une seule personne. Ne sachant pas ce que paie telle ou telle entreprise artisanale, industrielle ou commerciale par emploi, je ne sais pas s'il y a équité. Vous avez plus de connaissances et peut-être plus de temps que moi pour enquêter...<br /> Il me semble que la taxe professionnelle a une base multiple, mais de plus en plus en fonction de la valeur ajoutée? On se rapprocherait donc d'un impôt supplémentaire sur le revenu, concernant seulement certaines professions.<br /> Dans la réflexion:<br /> - Les activités d'élevage ne sont pas taxées localement (elles le sont maintenant par les Agences de l'eau et autres taxes /pollution). Or il existe des élevages "hors-sol"...<br /> - Les taux des taxes foncières sont très différents d'une commune à l'autre.<br /> - Les taxes professionnelles sont de plus en plus partagées au sein des communautés de communes.<br /> - De nombreuses activités professionnelles ne paient aucune taxe professionnelle, principalement les établissements publics. La campagne profonde est moins concernée, mais il y en a de plus en plus! Et de moins en moins de professionnels contribuables (ou contribuables professionnels)!<br /> <br /> Sur la représentation démocratique, juste une observation: En dépit de l'inégalité des circonscriptions, il se trouve que de toute la Ve République la majorité des députés élus a toujours coïncidé avec la majorité des suffrages. Le Sénat n'a pas le dernier mot.<br /> Quant au poids électoral, les médecins, avocats, enseignants et autres fonctionnaires se défendent bien!
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Sceptique
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