Burqa : raison garder!
La colonisation militaire et politique du monde musulman à partir du XIXème siècle, prolongée par une colonisation économique, bilatérale, mais déséquilibrée: pétrole et matières premières contre produits manufacturés à forte valeur ajoutée, a provoqué une réactivation de la religion musulmane, ciment identitaire et réparation d'un amour-propre mis à mal. La création de l'État d'Israël a exacerbé l'ensemble de ces réactions.
Si la colonisation d'administration directe et de peuplement a pris fin depuis longtemps, trop d'inégalités de fait entretiennent la tension. Les indépendances acquises pacifiquement ou, plus souvent, de haute lutte, n'ont pas effacé miraculeusement les déséquilibres. C'est encore chez l'ex-colonisateur qu'on peut gagner correctement sa vie. Mais comme il n'est pas spécialement accueillant et ouvert, le communautarisme est une réponse à l'indifférence du pays d'accueil. Et quel meilleur moyen de souder une communauté que la pratique religieuse? Et de provoquer le pays d'accueil, de l'obliger à s'interroger, à s'émouvoir, en arborant ses signes distinctifs?
À propos du port de la burqa, qui émeut notre pays et sa classe politique, Madame Nathalie Heinich, sociologue au CNRS, réagit, dans le "Monde" du 14 Août, aux propos de Monsieur Fahrad Khoroskhavar, enseignant à l'EHESS, publiés le 1er Août. Son analyse de ses propositions n'est pas éloignée des miennes*.
Elle reprend également le point de vue d'un anthropologue américain, qui s'inquiète de l'atteinte à la vie privée que serait une interdiction, en lui répondant que le port de la burqa est "en public". Le nombre de porteuses, inférieur à 400 selon la police ,n'a pas à être pris en considération**. Si elle ne voit pas la nécessité d'une loi interdisant la burqa, ce n'est pas en raison du faible développement du phénomène, mais parce qu'il existe déjà des textes exigeant que les passants et passantes doivent pouvoir être identifiés, conformément à NOS coutumes.
Un argument plus faible, discutable, suit le précédent: la dignité humaine doit être défendue, au nom du bien commun, et cette valeur serait gravement mise en cause par le port de la burqa. Le visage "ferait" l'humanité de l'être humain. Il me semble que c'est là une "promotion à l'ancienneté" de notre propre point de vue, mais qu'il n'est pas universel(atteintes rituelles). Par ailleurs, ces femmes, interrogées, témoignent de leur militantisme, de leur volonté d'affirmer leur supériorité spirituelle sur leurs congénères mécréantes. C'est la démonstration d'un phénomène assez général: une association d'intelligences normales peut se transformer en une bêtise collective et prétentieuse.
Puisque les lois existent, les agents de police seront en droit d'exiger que le voile soit relevé en même temps que la présentation de la carte d'identité. Mais le feront-ils sans hésitation? J'en doute. On leur reproche assez de harceler les jeunes immigrés de deuxième ou troisième génération par de multiples contrôles. Les intéressés s'empressent de protester contre ce "délit de faciès"***.
Faire comme si on ne les voyait pas, ces dames, qui, à leur manière, donnent généreusement à voir, serait à terme la meilleure des dissuasions.
Sceptique
*Voir mon billet:"Signes d'appartenance religieuse et laïcité" du 7/08/09
** Madame Heinich fait une comparaison hasardeuse avec la criminalité, dont la fréquence ne conditionne pas sa prévention et sa répression.
***L'exécution d'un attentat sous ce costume modifierait immédiatement la donne. Je crois plus à la surveillance des groupes islamistes susceptibles de préparer de tels projets, qu'à des contrôles des lieux publics autres que les aéroports, les gares, les entrées des salles de réunion.