Luc Chatel au Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro

Luc Chatel a deux casquettes, porte-parole du Gouvernement,et Ministre de l'Éducation Nationale.

La parole du gouvernement étant un trésor convoité, il est normal qu'elle soit enfermée dans une mallette à serrure à combinaison, attachée au poignet du ministre par une chaînette.

La première partie de l'entretien a été consacrée à parler du contenu de la mallette. Bien pleine ou ne contenant qu'un petit billet de cinq lettres? La soif de confidences des trois journalistes était bien légitime, l'impression de brouillage en provenance du Président et des Ministres étant comme toujours très forte. Il est vrai que personne ne s'est encore vraiment fait à cette appartenance du dernier mot au Président de la République sur n'importe quel sujet, et à l'apparent désaveu de François Fillon, qu'il faut attendre dès qu'il a ouvert la bouche.

Qu'avait promis exactement le Président à Cécile Duflot, chef de file des Verts, qui casserait le travail du premier Ministre? Comme on le connaît, le Président, il avait du donner aux Verts un "je vous ai compris" très honnête. Car il est vrai qu'on peut "comprendre" toutes les prises de position de toutes les fractions politiques. Ce n'est même pas la peine de leur dire qu'elles ne sont pas applicables. Elles le savent bien.

Idem pour le casse-tête du déficit de l'assurance-maladie. Faire de la bonne médecine avec peu d'argent, il n'y a que les bien-portants à avoir sur la question de bonnes idées. Mais "c'est un état précaire qui ne présage rien de bon"*! Dans notre société à vie prolongée, les mal-portants sont majoritaires. Ils ont déjà montré, en 1988**, qu'il pouvaient être rancuniers. Donc, "botus et mouche cousue". Il faudra faire quelque chose, mais on ne peut dire encore quoi.

Après l'intermède du résumé des informations et de la pub, Luc Chatel revient avec sa casquette de Ministre de l'Éducation Nationale, job autrement plus politique et casse-gueule que celui de porte-parole. Il arrive à ne pas se faire plaindre, à ne pas se faire présenter à l'avance les plus sincères condoléances***. Pour le moment tout va bien, la rentrée s'est bien passée, avec un nombre de couacs qu'il défie tout autre d'éviter.

Comment faire de la bonne éducation avec des effectifs en réduction programmée? Pas de problème. La réduction des effectifs de la fonction publique par le non remplacement d'un partant à la retraite sur deux fait partie de l'engagement présidentiel. Il n'est pas démontré que le plancher soit atteint dans l'Éducation Nationale. La revalorisation de la fonction d'enseignant, en discussion avec les syndicats des intéressés, devrait apaiser leurs inquiétudes.

Le Ministre, fort de son expérience de DRH****, se sent à l'aise dans la tâche délicate qui s'apparente aux prouesses demandées tous les jours aux DRH, justement. Il fait corps avec l'institution, défendant le collège unique toujours très attaqué, et il récuse, à bon escient, une réforme de l'orthographe (dont beaucoup d'utilisateurs se chargent eux-mêmes et à leur convenance). L'orthographe est un code, qui doit rester le bien de toutes les générations. Pour le moment, donc, Luc Chatel se place dans la durée, dans la perspective de sa réussite, celle d'une paix (armée) avec les enseignants, d'une réforme réussie et pacifique des lycées, qui, selon lui, ne préparent pas assez bien aux études supérieures. Il serait inconvenant de lui casser le moral en raison de ses propres doutes.

Sceptique

*"Knock ou le triomphe de la médecine", comédie de Jules Romains

**1988:réélection de François Mitterand et retour de la Gauche au pouvoir. Les décrets Seguin pour l'Assurance Maladie, rejetés tant par les médecins que par les assurés ont eu un certain poids dans le désaveu du gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac.

***Cf mon billet "Cherche Ministre de l'Éducation Nationale désespérément"

****Directeur des Ressources Humaines. Son principal travail est le "plan social".