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Sceptique
15 septembre 2009

Cachez-moi cette prison que je ne saurais voir!

C'est une de ces informations qui ne méritent pas la une, qui ne se périment pas, mais qui ont une forte signification.

La ville de Nice dispose d'une prison conforme aux normes françaises, c'est à dire vétuste, dégradée et surpeuplée. La ville de Nice est une cité prospère, donc à la fois "écrémée" par une pègre nombreuse et variée, et capable de s'offrir une belle prison moderne, aux normes recommandées par l'Europe.

Mais, coincée entre mer et montagne, la ville ne dispose pas du terrain suffisamment déployé pour recevoir un établissement pénitentiaire digne de ce nom. Des terrains adéquats, il n'y a que ceux que la nature a créés, aux dépens de la montagne, les vallées creusées par les rivières. Il y a le Var, et le Paillon.

Mais avec l'affaiblissement de l'idée de République, les communes sont devenues autant de petits royaumes, aux droits imprescriptibles de rester entre soi, de n'accepter de l'État que les beaux cadeaux, mais en aucune manière de participer aux désagréments collectifs. Que l'État garantisse l'accès par la route, la distribution d'électricité, d'eau, du courrier, des secours incendie et médicaux, normal! Qu'il demande de faire une petite place à une oeuvre d'intérêt collectif, une autoroute, une voie de chemin de fer, ou une prison (beurk, trois fois beurk!), il aura sur le dos tous ceux que ça dérange, bien chauffés par les professionnels de la défense de la Nature (ni l'humanité, ni les turpitudes qui lui sont propres, n'en font partie). L'expropriation pour cause d'utilité publique a perdu de sa force avec les restes de l'esprit civique, et des armées d'avocats sont prêts à voler au secours des pauvres véritables maîtres du Moloch, devenu leur esclave. Procès, appel, cassation, cour européenne, conseil d'état, conseil constitutionnel. Pendant le temps que ça dure, "on" est tranquille!

Cette attitude française, qui s'est développée à la faveur de l'affaiblissement des droits de l'État (pas de ses devoirs, rassurons-nous) est un trait authentiquement culturel, le rejet de l'étranger, par définition ou par action. Le délinquant, sauf pour ses proches, est devenu un étranger, du fait de son passage à l'acte, tout comme le fou l'est devenu par son...étrangeté. L'un comme l'autre font peur, par leur dangerosité potentielle, par leur contagiosité (la croyance en la contagiosité de la folie est répandue). Si, dans les villes, "l'autre" échappe à la vigilance des "moi", en se noyant dans leur foule, à la campagne, dans les villages, "l'étranger" est vite repéré. On l'a à l'oeil! Si c'est un habitant qui s'est distingué par une dérive quelconque, il n'a pas intérêt à se pointer. Lui et sa famille sont "classés". Il suffit de changer une lettre!

Au final, notre société a les prisons...qu'elle tolère, du bout des lèvres, toujours trop près, toujours trop chères. Même ceux qui s'émeuvent de cette situation ne signeraient pas des deux mains une pétition pour leur amélioration ou la construction d'une nouvelle, près de chez eux.

Alors, quelle solution, satisfaisant à la fois la nécessité de priver de leur liberté les individus malfaisants, et l'ostracisme viscéral de notre société, qui n'en veut rien savoir?

L'État pourrait acheter quelques uns de ces beaux paquebots de croisière dont nos voisins italiens ont la pratique (ils n'ont pas que des défauts, les italiens!). Ils seraient aménagés de manière à ce que l'équipage soit à l'abri de toute intrusion; de manière à ce que les détenus puissent admirer le paysage sans succomber à la tentation de se jeter à l'eau. Les personnels pénitentiaires n'auraient pour mission que d'empêcher les détenus de reconstituer leurs hiérarchies tribales. Les cabines ne seraient pas transformées en cellules, la circulation dans la partie réservée du paquebot serait libre. Le navire ne toucherait jamais terre, passant à distance respectueuse des côtes. Il serait ravitaillé en mer, et en même temps, les gardiens et les équipages seraient relevés, et les familles pourraient faire une grosse bise à leurs détenus, et plus, si affinité.

Chiche?

Sceptique

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Commentaires
E
Oui, la résistance est un des éléments de la réalité dont tout un chacun doit tenir compte et savoir prendre ses désirs pour une simple possibilité "en puissance" me paraît en effet le b a ba.<br /> Je sais que je ne suis pas "interchangeable", comme tu l'exprimes et que le monde ne tourne pas selon mon désir; cela ne m'empèche pas de l'exprimer.<br /> <br /> En tout cas je trouves dégradant pour une société, la notre en l'occurence, de réserver un sort si dégradant à ceux qui assument le support du mal existant dans le vivre en société.<br /> Peut-être suis-je par trop sensible au fait d'être ou tenter d'être un humain parmi des humains.<br /> * Hier sur France 2, nous avons pu voir les épisodes 3 et 4 du "feuilleton" basé sur le réel de la second guerre mondiale, éloquent sur "le mal".
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S
J'aimerais que tu te convainques, Éric, qui tu n'es pas un échantillon interchangeable de l'humanité ou, à une échelle plus modeste, de la société française. Quand tu dis "en vain" à propos de ton désir qui ne se réalise pas, ce n'est pas ta puissance qu'il faut interroger, mais la résistance que tu constates.<br /> Le mal existe, il met en péril les sociétés, il les oblige à se défendre. Mais il y a diverses manières de se défendre, et en Europe, c'est celle que nous avons choisie qui pose problème. La responsabilité se partage entre tous, du Ministre de la justice, aux porteurs de pancartes du Paillon, en passant par les juges qui condamnent, les syndicats des personnels pénitenciers, les députés qui votent les budgets, et les conseillers municipaux qui s'opposent aux implantations. J'en oublie, sûrement!<br /> <br /> voir l'article du Monde du 8 Septembre 2009, p.13
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E
Je ne dis pas casser les murs des prisons et lâcher dans la nature sans précautions, les faisant mal dangereux.<br /> Je parle de briser l'aspect étouffant, déshumanisant des prisons, j'incite à casser, à faire casser les habitudes mortifères.<br /> <br /> Je ne cesse de répéter « en vain » que ce n'est pas parce que quelqu'un se comporte d'une manière inhumaine que nous devons porter sur lui ou elle un regard de même tonalité. <br /> J’ai constaté qu’en général cela ne sert à rien de le dire; c'est comme qui dirait et selon l'expression consacrée: "Comme pisser dans un violon pour jouer la Marseillaise".<br /> <br /> Je sais que cela ne sert à rien de le dire et le redire, mais ça soulage et puis je me dis que peut-être, un jour ou l'autre, il pourra se faire que cela entre dans un cerveau ici ou là... et que s’amenuise la tendance à ostraciser si développée dans la mentalité française en particulier.<br /> <br /> Rien n’interdit d’espérer ou de rêver !!
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Sceptique
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