Roselyne Bachelot au Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro
Notre Ministre de la Santé était hier soir la protagoniste du trio de chats du Grand Jury. Il me semble qu'il n'y a pas si longtemps qu'on l'a vue dans cette émission. Mais il est vrai que la grippe A(H1-N-1) la propulse au premier rang.
Les premières questions, appuyées, intrusives, portent cependant sur les rumeurs qui accompagnent l'engagement de ministres dans la campagne des régionales. Poussés à s'engager, mais promis à la démission forcée en cas de victoire, afin de se consacrer pleinement à leur nouvelle tache, on se doute que les états d'âme ne doivent pas les épargner. Pas du tout, répond la Ministre, qui, en politique, a du métier, "j'obéirai au Président de la République".
Même si la force du parti présidentiel réside dans sa discipline, il est difficile de croire que les personnalités qui en sont les piliers ont un esprit de "Marie-Louise"*. Il faut cependant se mettre dans la peau du Président. La décentralisation poussée très loin par Jean-Pierre Raffarin a abouti à ce que l'opposition, non handicapée par des responsabilités nationales peu compatibles avec des promesses démagogiques, a trusté les majorités régionales en 2004.
L'obsession de ces majorités, de leurs présidents, est la guerre avec l'État, accusé de pingrerie, de ne pas transférer intégralement les financements, en même temps que les responsabilités.
Les régions "font danser l'anse du panier", augmentent à deux chiffres les impôts régionaux, et n'ont pas de mal, tenant l'opinion à travers leur réseau de maires et de conseillers généraux, à en faire porter le chapeau à l'État. La structure féodale de la France s'est reconstituée en quelques années, quelques siècles après la reprise de contrôle par la Monarchie, maintenu par la République, de l'ensemble du territoire.
L'avantage de mettre en avant les ministres dans la campagne, c'est leur renommée, leur poids politique. Les présidents de région sont globalement inconnus de leurs administrés. Élus, les Ministres se transformeront en "missi dominici"**.
Sur la grande affaire du moment, la grippe A, la Ministre a la pleine possession de son dossier. Sa compétence professionnelle l'y avait préparée. L'obligation de résultat est dictée par le contexte politique, devenu structurel. Elle a donc asséné les grandes lignes et les détails de la tactique de la Santé Publique face à l'épidémie, laissant sans voix ses interlocuteurs, sauvés par le gong de la mi-temps.
Le deuxième sujet brûlant est le déficit de l'Assurance Maladie, aggravé par la crise et sa baisse des recettes. La grosse artillerie du "père sévère" Philippe Seguin, ci-devant Président de la Cour des Comptes, est déviée sur elle. Mais, pas née de la dernière pluie, elle sait ce que la recette Seguin a coûté à la droite: la défaite de Chirac face à François Mitterand en 1988. Alors, elle se range du côté des assurés: pas question d'alourdir leurs charges en ce moment. Le forfait hospitalier sera augmenté, mais il n'est pas payé par tous les malades, et généralement réglé par les mutuelles. Des économies pas trop douloureuses sont cherchées ça et là, et, pour ce qui est des recettes, des cotisations sur les plus values mobilières sont envisagées. Elles ne concerneraient, pour le moment, que les boursicoteurs et les banques (voir à ce sujet les suggestions de Jean Gatty et Louis Gautier en page 24 du "Monde" daté du 19 Septembre, page 24). Les épargnants qui ont subi la baisse de la bourse n'en sont pas encore à constater une plus value sur leurs titres.
Il me semble évident que toute mesure importante sur ce dossier est inenvisageable dans l'environnement économique et politique actuel, car il compromettrait la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012***
Sceptique
* Les "Marie-Louise": les jeunes recrues engagées dans la campagne de France, à la suite du désastre de la campagne de Russie.
**Les représentants de l'empereur Charlemagne dans les territoires formant son empire.
***Entre l'élection de Nicolas Sarkozy en Mai 2007 et le renouvellement de l'Assemblée Nationale en Juin, le "pavé" de la TVA sociale faillit compromettre l'élection d'une majorité, qui fut moins importante qu'attendue.