La social-démocratie. Sa place en France
J'ai pu écouter hier, en fin d'après midi, une émission de LCI, d'un intérêt toujours soutenu, "Politiquement show".
Sont habituellement réunis autour de Michel Field trois journalistes, un de gauche, Denis Olivennes, un de droite, Alexis Brézet, et un barbiériste, Christophe Barbier. S'ajoutent un Professeur de Sciences Po, Olivier Duhamel, dont les sympathies, souvent mises à mal, vont à la Gauche, et un invité politique, parlementaire de droite ou de gauche. Hier, c'était Yves Jego, ancien secrétaire d'État à l'Outremer, et député UMP.
Un mot, tout de suite, sur ce dernier, dont le "réveil" m'a surpris, tellement j'avais gardé de lui l'image d'une tête à claques brutalisée à la fois par Élie Domota, l'agitateur guadeloupéen, et le gouvernement qui l'avait envoyé au casse-pipe. Il avait fini par en être sorti, hors de combat. Libéré de ses obligations gouvernementales, bien cicatrisé, il était cependant, soit idéaliste, soit prudent , par fidélité à son camp.
Le sujet de fond était le sort de la social-démocratie européenne, à la lumière des dernières élections, européennes, puis allemande et portugaise. Son recul parait évident à cette échelle de l'Union Européenne. Le cas particulier de la Social-Démocratie française, représentée(?) par le Parti Socialiste* était examiné à cette lumière.
La Social-Démocratie est elle un "astre mort", ou lui reste-il une espérance de ressusciter, de redevenir cet outil de transformation qu'elle a été pour toutes les sociétés européennes? Celles-ci portent toutes sa marque, irréversible, indélébile: protection sociale sous tous ses aspects: droit du travail, assurances chômage, santé, et retraite. Elles ont toutes souffert du même handicap: cherté du travail, lourdeur des services publics, fortement développés, face au phénomène de la mondialisation de l'économie, qui les les a mises en concurrence avec des sociétés pourvues des capacités à satisfaire n'importe quel besoin des consommateurs, mais libres de toute obligation à l'égard de leurs travailleurs.
La crise, qui a brutalement mis en panne la belle machine de l'économie mondialisée, transférant vers le tiers-monde une bonne partie de la prospérité atteinte par le monde occidental, a cloué le bec des néo et ultra-libéraux qui déifiaient le marché, régulateur "naturel"de tous les dysfonctionnements provisoirement douloureux. La crise a, au contraire, dévoilé toutes les faiblesses et les turpitudes associées au libéralisme, et a fait monter au créneau les politiques, un moment tenus à distance.
Pourquoi la Social-Démocratie n'a-t-elle pas été ressuscitée, réhabilitée, plébiscitée, en raison de sa compétence en matière de justice sociale? Pourquoi, au contraire, a-t-elle été finalement une victime collatérale de la crise économique?
La social-démocratie a une clientèle, celle qui profite en toute sécurité de ses bienfaits, au premier plan les agents des services publics et ceux de l'État, au statut jalousement protégé. Elle a globalement laissé les agents des services publics se considérer comme les propriétaires jaloux de leur charge et mettre au second rang leur mission. Et elle a été incapable d'empêcher la défaite des activités secondaires(entreprises industrielles) ou primaires(agriculture et pêche), face à la concurrence internationale. De plus, les acteurs de ces activités exposées et mises à mal n'ont pas eu le sentiment que les sociaux-démocrates étaient capables de surmonter leur clientélisme, ou de l'élargir en le rééquilibrant. Les plus souffrants se sont tournés vers l'extrême gauche, et les autres, glissant vers une paupérisation, ou, au contraire, parties prenantes de la prospérité générale, se sont raccrochés à une droite pragmatique et volontariste.
En Allemagne et en France, les sociaux-démocrates sont de toute évidence affaiblis par leur alliance avec l'extrême-gauche, qui est tout, sauf démocrate**. Ne pouvant à eux seuls atteindre une majorité leur donnant accès au pouvoir, les sociaux-démocrates doivent chercher des alliances. Ces éventuels alliés posent des exigences dénaturant complètement la dimension "démocrate", à savoir l'expression des électeurs. Celle-ci doit être conforme à l'attente, assujettie à une doctrine. Faute de quoi, elle est récusée***.
C'est pourquoi, sans dire que la social-démocratie est un astre mort, je la vois plutôt comme cette chanteuse soit-disant sous l'influence de son imprésario, caricaturée dans un sketch, où elle simulait une décharge électrique envoyée à distance, dès qu'elle disait une bêtise.
Sceptique
*Le Parti Socialiste d'aujourd'hui a honte de sa réputation de "social-démocrate". Il éprouve plus douloureusement la nostalgie de la séparation d'avec le Parti Communiste de 1920. Les vrais socio-démocrates en son sein sont d'ailleurs minoritaires, tandis que les marxistes purs et durs rentrent leurs griffes pour ne pas effaroucher les électeurs. On peut donc s'interroger sur la sincérité de la glose que je viens de rapporter.
**L'extrême-gauche est révolutionnaire. Le pouvoir doit être conquis par une violence juste, et conservé de même.
***"Le peuple a voté contre le Gouvernement? il faut dissoudre le peuple.(Bertold Brecht)