Femmes en vue: le classement de Forbes
Dans toutes les sociétés, et particulièrement dans le secteur économique, les femmes ont un handicap, physique et affectif. Elles portent et mettent au monde les enfants, elle en assurent l'élevage pendant plusieurs années, et ne s'en remettent pas volontiers à d'autres pour accomplir cet accompagnement. Leur amour pour leurs enfants constitue le socle sur lequel ils pourront bâtir leur personnalité et leur adaptation sociale.
Les sociétés humaines ont longtemps considéré comme allant de soi une séparation des rôles. Enfants, cuisine et maison pour les femmes. Chasse* et guerres pour les hommes. Les développements du savoir et de l'instruction ont maintenu la séparation. Nécessaire à la compétition des hommes dans les sociétés modernes, l'instruction poussée était considérée comme superflue pour les femmes. L'égalité formelle qui leur a été finalement reconnue n'a pas été suivie d'effet immédiat. Leur carrière en pointillé en contraint encore beaucoup aux postes subalternes, et la modération de leurs exigences salariales arrange bien leurs employeurs.
Nous sommes maintenant dans une phase où la capacité des femmes accède à la visibilité, tant dans le monde des affaires qu'en politique. C'est encore exceptionnel. Sur les 27 états qui composent l'Union Européenne, un seul est dirigé par une femme, l'Allemagne. Ce n'est pas encore arrivé en France.
Dans le monde des entreprises, notre société est plus exemplaire. Si, dans le classement de "Forbes"** les femmes dirigeant des entreprises anglo-saxonnes, occupent les premières places, Anne Lauvergeon, PDG d'Areva, est à la huitième, et d'autres françaises occupent les six dernières d'un classement qui se limite à seize. Sept françaises sur seize est un nombre très significatif qui devrait relativiser la victimisation de nos femmes, image symétrique de notre sentiment de culpabilité à leur égard.
Tant il est vrai que, connaissant le mode de fonctionnement de nos entreprises, nous nous posons encore la question: "mais comment font elles?"
Anne Lauvergeon, dont j'ai saisi au vol ce qui semblait bien une réponse à ma question, expliquait ce qu'elle avait pratiqué dans son entreprise (nationale) pour l'adapter aux besoins des femmes, dont elle-même: plus de réunions en soirée, le samedi ou le dimanche. Pas de rallonges des horaires de bureau.
Areva est une entreprise publique sur un créneau très particulier et "sensible", dont la stratégie dépend de l'État. Dans le contexte inverse, l'exigence d'avoir à soutenir une concurrence peut naturellement conduire à un "management" de combat, sacrifiant la vie privée des personnels de tous rangs, mais plus particulièrement des cadres. Même s'il n'est pas démontré que c'est indispensable, que le succès de l'entreprise ne doit rien de précis à la fièvre entretenue, il s'agit d'une culture très profondément enracinée dans notre passé de chasseurs et de guerriers, obsédés par la mauvaise surprise, la fuite du gibier, ou l'attaque subite de l'ennemi***.
Il reste à souhaiter que sous la pression d'un nombre croissant de femmes P.D.G., le monde des entreprises pratique l'auto-critique de ses méthodes de gestion des ressources humaines. Elle ne pourra jamais, cette gestion, s'aligner sur celle des services publics, à personnel protégé par un statut, et dont l'objet est devenu secondaire. Mais elle pourrait s'éloigner de l'esprit "forces spéciales" qui sied aux militaires et policiers d'élite.
Sceptique
*La chasse, d'abord, puis les travaux des champs et la gestion des troupeaux, à partir du néolithique.
**"Forbes", magazine économique américain, du nom de son fondateur.
***cf dans "Citadelle", d'Antoine de Saint-Éxupéry, les méditations sur la sentinelle endormie, paradigme du manquement au devoir.