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Sceptique
19 novembre 2009

Du chimpanzé à Monsieur Jourdain, un petit gène de rien!

En attendant que ses ennemis aient sa peau, la science est une récréation pacifique*, qui nous console des vilenies de la politique, de la finance, des guerres de toutes sortes, civiles ou internationales.

Ce n'est pas que le monde animal soit pacifique, tendre ou généreux, mais "homo sapiens sapiens" a porté les vices de la nature à un niveau vertigineux d'efficacité et de raffinement de cruauté, grâce à une aptitude unique, celle de parler.

Elle est tellement banale, cette aptitude, qui nous définit en tant qu'espèce, et nous permet TOUT. Oui, TOUT, y compris notre imagination débordante, dont une bonne part est réservée au mal.TOUT ça, parce que, comme Monsieur Jourdain, nous faisons de la prose, de la glose, de la "tchatche", sans le savoir.

Il n'est toujours pas bon, dans la société humaine, de ne pas avoir la cap acité de parler, même si certaines causes, comme la surdité congénitale, ont trouvé une solution. L'autisme commence à peine à être pris correctement en charge. Mais le fait de parler n'est pas toujours suffisant. Il faut encore être compris, et si ce n'est pas le cas, comme celui du délire, l'exclusion en est la sanction immédiate.

Cela faisait un moment que les savants se demandaient pourquoi cette aptitude nous séparait si radicalement du singe qui nous ressemble le plus, le chimpanzé, alors que les génomes** des deux espèces diffèrent si peu.

Une famille britannique frappée par un handicap transmissible, touchant l'aptitude à articuler et à organiser le langage, a attiré l'attention sur elle. L'étude du génome étant devenue banale, "on" a cherché parmi les milliers de gènes que nous possédons celui "qui n'allait pas". Et "on" l'a trouvé, au bout de dix ans de recherches. Il avait déjà été repéré, et nommé: "forkhead box P2", en abrégé FOXP2. Celui de la famille étudiée présentait une minime mutation, responsable de la perte d'efficacité. Mais cette mise en accusation dévoilait en même temps son rôle originaire: c'était lui qui avait rendu possible l'aptitude au langage, et, dans la foulée, sa comparaison avec son homologue dans le génome du chimpanzé ne montrait qu'une différence portant sur deux acides aminés***!

Cette découverte excitante en a permis d'autres. FOXP2 est un gène "coordinateur" qui avantage soixante-et-un gènes subordonnés, et en désavantage cinquante-cinq autres. Et voilà pourquoi votre fille n'est pas muette!

La suite repose sur la perversité des chercheurs. Ils (et elles) ont trafiqué le gène FOXP2 de souriceaux et observé les résultats sur les moyens de communications spécifiques, génétiquement déterminés, de l'espèce. Puis ils sont allés embêter des oisillons qui partagent avec les petits d'hommes la nécessité d'un apprentissage, du chant chez les premiers, du langage chez les seconds. La réduction d'activité, après leur naissance, du gène FOXP2 des petits canaris, a réduit le nombre de notes qu'ils étaient capables d'imiter!

L'expérience inverse, qui ne tient plus de la science-fiction, et qui fait donc hésiter les généticiens, consisterait à introduire dans le génome d'embryons de chimpanzé la version humaine de FOXP2. Aïe, aïe, aïe! S'ils se mettent à parler et à nous dire nos quatre vérités, nos oreilles vont chauffer!

Et, j'y pense, quid des perroquets? On veut croire qu'ils ne savent pas ce qu'ils disent, mais comment est-il, leur FOXP2?

Pas-Sceptique-ce-jour

*Enfin, il faut le dire vite!

**Le génome est l'ensemble des gènes propre à une espèce, portés par les chromosomes, en nombre variable.

***Les acides aminés sont les composants des protéines. Les acides aminés qui composent les gènes ne sont qu'au nombre de cinq, assemblés en chaînes, où le mode de succession des acides aminés détermine la fonction. Le code génétique ne dispose que d'un "mot" de plus que la langue des shadoks! 

( Le "Monde" du 14 Novembre 2009, page 19, Sciences Horizons)


 

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Commentaires
S
C'est l'affirmation péremptoire de la pensée d'aujourd'hui, en réaction à la pensée contraire qui a prévalu à partir du XIXème siècle.<br /> Mais on peut au moins accorder au chromosome Y une certaine influence, par l'intermédiaire de la sécrétion endocrine des testicules. La différenciation psychique en fonction du sexe est statistiquement convaincante, très tôt. <br /> Pour le reste du caractère, on ne peut rien prouver, ni dans un sens, ni dans l'autre. L'attitude parentale est influencée par le sexe de l'enfant. Mais il peut manifester une résistance à la pression éducative.
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E
Bonjour<br /> Voici ma contribution aux échanges: <br /> <br /> - À propos du protestantisme, je renvoie laconiquement au film didactique, incisif, démonstratif et décapant par un éclairage lucide sans fioritures ni romantisme : Le Raban Blanc.<br /> Il y a protestantisme et protestantisme....<br /> <br /> = Sur "l'acquis" et le "génétique", je recopie quelques bribes retenues lors d'une émission sur France Culture, en provenance du généticien John Steward (Réconcilier les gènes et la vie):<br /> <br /> "... Le caractère n'est pas inscrit dans les gènes...<br /> Les sciences de la magie aux gènes, ils sont magnifiés, déifiés alors qu'ils ne sont qu'un langage activable et reproductibles selon les circonstances."<br /> Par comparaison, existence d'une similitude avec "l'exemple du bouton de TV dont l'enfant pense qu'il est le seule cause du changement d'image, parce qu'il ignore que pour que se voit une image sur l'écran, il y a tout un système qui ne se voit pas mais qui y est présent." <br /> <br /> Je conclurai, au moins à titre provisoire et réservataire, que se cantonner dans des systèmes de croyances quels qu'ils soient, est un frein à la vie et ses élans.
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L
On peut ajouter, pour ce qui concerne le protestantisme, la prédestination. Si l'on se sent prédestiné à l'enfer, cela doit renforcer le processus paranoïaque, me semble-t-il.
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S
C'est ainsi que je conçois l'agencement qui aboutit à une maladie mentale. Vous avez raison de souligner la différence entre le catholicisme et le protestantisme, tous deux appartenant au christianisme, mais d'un côté le péché effacé par la confession et la contrition, de l'autre la responsabilité totale devant Dieu, différée à l'instant de la mort. Le résultat parait paradoxal: dépression avec retournement de l'agressivité sur soi-même dans les pays catholiques, paranoïa avec vécu de persécution et déchaînement de violence sur l'autre, aussitôt puni par le suicide. Il est clair que l'évolution du sentiment religieux des européens les rapproche du modèle américain. <br /> Le puritanisme avec la répression morbide de la sexualité semble avoir des effets voisins. La faute est transférée sur la femme tentatrice.
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L
On peut tirer comme conclusion de ce que vous nous dites de la relation entre mélancolie et christianisme, que le chiristianisme a, sur ce plan là, une valeur éminemment socialisatrice puisque il conduirait à éviter des meurtres suivis de suicide.<br /> <br /> Le protestantisme et sa liberté de conscience est une forme du christianaisme qui conduit souvent à une certaine déculpabilisation, exceptés les différents puritanismes et encore je n'en suis pas si sûr. On aurait alors une possible explication aux grand nombre de "massacres" et de meurtres en série rencontrés dans les pays anglo-saxons, phénomène qui finit par gagner avec retard notre pays.
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Sceptique
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