AZF: les conclusions d'un procès.
L'explosion dévastatrice du complexe chimique d'AZF à Toulouse, en 2001, était inexplicable en l'état des connaissances de la chimie, en raison de sa soudaineté et de son ampleur. Le nitrate d'ammonium* est un comburant, par son "radical" NO3, fournisseur d'oxygène à un éventuel et quelconque carburant. C'est cette capacité qui en fait un produit dangereux, justifiant des règles de stockage rigoureuses.
Pourtant, dès les premiers jours de l'enquête, les avis autorisés des chimistes ont été écartés, au nom d'une suspicion de collusion d'intérêt, de corporatisme, bref, au nom du principe polyvalent, adaptable à toutes les compétences, selon lequel, en l'occurrence, "la chimie est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux chimi stes".
Il ne restait plus donc que les effets d'une négligence à tous les échelons, le laxisme de la direction couvrant celui des exécutants, ayant abouti à mélanger de l'ammonitrate en vrac, avec un dérivé chloré itou. Comme le manoeuvre non qualifié qui avait fait l'erreur avait du être tué, l'action judiciaire était éteinte en ce qui le concernait. Son nom n'était pas vraiment connu, il devait être parmi les morts recensés. Restaient les survivants, des ouvriers de divers niveaux, des contremaîtres, et surtout, une brochette de directeurs remontant jusqu'au PDG de Total, propriétaire lointain de l'usine de Toulouse.
Notre culture a récemment évolué vers un manichéisme particulier: la culpabilité est multipliée par le niveau d'études et par celui du salaire. Systématiquement, sans autre forme de procès. Cela facilite le travail des accusateurs, et fait le bonheur du peuple, qui, dans son ensemble, ne se reconnaît pas dans ces gens en costume trois pièces et au langage étrange, qui assument les postes de direction divers.
Tout aurait été pour le mieux si l'accusation de négligences n'avait pas pris dans sa nasse des ouvriers et des contremaîtres qui, eux, n'avaient pas la moindre notion d'un laisser aller dans l'accomplissement de leur tâche. Ils ne montrèrent tout au long du procès, aucune intention d'endosser leur part d'infamie.
De quoi redonner le moral aux accusés de haut niveau, incapables de se défendre, puisque soit disant occupés (à quoi faire?) dans leur bureau, au moment de l'explosion, et à leurs avocats. Il n'y a pas que dans les fables qu'on a besoin d'un plus petit que soi!
Donc, le lynchage réel n'aura pas lieu. Les juges en sont arrivés à douter du bien fondé de l'accusation. Cela ne fait pas l'affaire des victimes et parents de victimes que la thèse de la culpabilité des dirigeants de l'usine et du capitalisme ne dérangeait pas, ni des médias qui s'étaient plus que mouillés dans leurs commentaires (mais qui n'en sont jamais sanctionnés). On en est revenu, enfin, pour de bon, je l'espère, au vieux principe qu'il vaut mieux un coupable en liberté qu'un innocent en prison**.
Dans les jours qui ont suivi ce drame, confrontant les divers témoignages livrés à la presse et à la télévision, j'ai été saisi de la ressemblance entre cet effet de souffle et celui produit en 1908 dans une région déserte de la Sibérie, la Tougounska, par une météorite ayant explosé à haute altitude. L'onde de choc, verticale comme avait du être l'entrée dans l'atmosphère du bolide, avait dévasté une zone forestière. Les arbres étaient couchés comme les rayons d'un cercle parfait. J'avais alors fait part de cette hypothèse au maire de Toulouse de l'époque.
Si les russes qui ont constaté les dégâts de la Tougounska, par hasard, et plus de vingt ans plus tard, n'ont pas hésité à l'attribuer à une chute de météorite(non retrouvée)***, un phénomène aussi rarissime n'a pas été retenu en France, même pas par ses propres astronomes. Il y avait, sur place, des patrons, qui faisaient des coupables bien commodes.
Sceptique
*Le nitrate d'ammonium a son utilité en agriculture par ses apports d'azote. Il a pu, à l'occasion d'incendies, apporter brusquement son oxygène au carburant en feu et provoquer une explosion dévastatrice, comme à Brest, en 1946. Cela n'a pas été le cas à Toulouse.
**Un coupable a plus de chances de récidiver qu'un innocent de prouver...son innocence.
***Le phénomène de la Tougounska, qui eut des témoins à distance au moment où il se produit, garde sa part de mystère puisque aucun débris de la météorite ne fut retrouvé. Mais l'explosion d'une météorite en haute altitude est un sort fréquent. L'onde de choc étant dans le même angle que celui de la trajectoire, le plus souvent tangente à la courbure terrestre au moment de l'entrée dans l'atmosphère, elle est très atténuée à l'approche du sol, proportionnellement au freinage par l'atmosphère, traversée sur une longue distance. Dans le cas de la Tougounska, l'onde de choc a été perpendiculaire, comme, probablement, la pénétration. Le mystère a été récupéré par les amateurs de mystères, les "ufologues"!
Note du 21/11/2009: Le Parquet a fait appel du jugement de relaxe générale. Entre la difficulté de se déjuger, et l'émotion encore vive de victimes qui demandent vengeance et non justice, cet appel était attendu. La meilleure justice possible demande des moyens, et la possibilité d'appel en fait partie. On ne voit pas quels faits nouveaux pourraient surgir neuf ans après les faits, les soupçons automatiques d'une destruction de preuves par les cadres de l'entreprise présumée coupable ne peuvent être jetés dans la balance, les convictions hâtives de l'accusation seront reprises telles quelles.
Note du 13 Novembre 2011: Une recherche sur les faits comparables, imputable au Nitrate d'Ammonium, m'a donné accès à une fiche Wikipedia précisément consacrée à l'historique des accidents graves impliquant ce produit à usage agricole. Aucun ne ressemble à ce qui est supposé s'être produit à Toulouse: aucune explosion que n'ait été précédée par un incendie d'un vrai carburant (fuel, essence, ou environnement combustible). La chaleur de l'incendie désagrège le produit chimique qui active l'incendie par son oxygène. Le confinement aggrave les effet de l'explosion (cale de bateau, wagon, camion citerne). En cas de stockage non confiné, l'explosion ne concerne que le partie du stock proche du foyer de l'incendie. Une explosion massive comme celle qui est supposée avoir eu lieu à Toulouse n'a jamais été observée*.
*Pendant la guerre de 39/45, un dépot a été atteint par une bombe d'une forte puissance. L'ammonitrate a été dispersé sur le voisinage, sans avoir explosé.