IRAN: la République islamique touche-t- elle à sa fin?
Faute d'une véritable expérience historique, les français ont du mal à imaginer la chute d'une dictature sous l'effet d'une révolte populaire. Même l'exemple de notre révolution n'est pas probant. Le régime monarchique s'est écroulé sous les premiers coups. Sa force n'était qu'institutionnelle, elle n'était plus incarnée par des personnalités fortes de caractère, et, surtout, pénétrées de leur bon droit. C'est pourquoi la monarchie rétablie après la chute de l'Empire n'a pas résisté aux émeutes, en 1830, et en 1848.
Quant à celles de 1968, elles se sont heurtées à des institutions et à un homme solide, un moment débordés et saisis par le doute, mais vite ressaisis.
La révolte du peuple iranien a bénéficié de la totale sympathie du peuple français. La possibilité, pour "lui", d'un gouvernement par le clergé de la religion dominante, dans sa forme la plus fanatique, est impensable, non représentable. Il a été bien obligé d'en prendre acte, mais sans comprendre ni accepter. Mais à partir du moment où un tel régime ouvre le feu sur ses opposants, en jette des milliers en prison, et prend appui sur les drogués de religion, "il" se dit que c'est encore foutu pour un moment, et que, de toute façon, il n'est pas question d'intervenir*.
Eh, bien, il pourrait avoir tort, selon les points de vue de Fahrad Khosrokhavar, de l'EHESS, et de François Nicollaud, ancien ambassadeur en Iran. Selon le premier, la faiblesse d'Ahmadinedjad est d'acheter ses fidèles et les pauvres en leur distribuant les revenus du pétrole, délaissant l'économie "normale", qui plus est, handicapée par l'embargo, punitif des ambitions nucléaires suspectes de l'Iran. Sacrifiées, suspectées de tiédeur religieuse, les classes moyennes de l'Iran, en augmentation grâce à l'élévation du niveau culturel, au grand nombre d'étudiants (3,5 millions! 10% de la population) ne peuvent que se révolter contre ce régime étouffant, et leur grand nombre submerge la capacité de répression du pouvoir. Chaque famille a à souffrir dans sa chair de la brutalité des auxiliaires des mollahs. Mais notre discipline diplomatique qui nous astreint à ne considérer que des états et non les régimes qui les gouvernent, nous pose une limite. Discipline que respecte le nouveau Président des États-Unis, Barack Obama. Obsédé par la question de l'atome iranien, ce dernier ignore le mouvement populaire qui pourrait bien régler la question.
C'est aussi la position de l'ancien ambassadeur François Nicoullaud: ne pas lâcher complètement le problème nucléaire, mais le ramener à une dimension technique, ne pas aggraver les sanctions, en supprimer certaines, qui touchent la société civile, faire la différence entre le coeur du régime et le reste de la population, entre les partisans de la dérive autoritaire et les tièdes qui doutent. La seule question non résolue est la limite entre le soutien et l'ingérence.
À plusieurs reprises, j'ai pris position contre la peur d'un Iran parvenant à la technologie nucléaire. Parce qu'un tel accès ne serait qu'une satisfaction d'amour-propre, d'un orgueil. L'arme nucléaire ne peut plus être utilisée, en aucune manière, préventivement.
À tel point que Barack Obama a pu imaginer un monde entièrement dénucléarisé. Beau rêve, mais risqué. "L'ignorance ne s'apprend pas".
Sceptique
* La mésaventure de notre jeune compatriote Clotilde Reiss a été "saluée" par des dizaines de commentaires odieux d'internautes hexagonaux.