Identité nationale, la grande lessive, suite...
On peut reprocher quelques arrières pensées au lancement du débat. On peut déplorer des dérapages qui mettent à mal toute vision angélique et officielle de notre peuple. Mais après avoir entendu ceux qui ont peur ou qui sont débordés par leur haine, on peut aussi entendre ceux qui souffrent du fond xénophobe et raciste de notre peuple, ou de l'extraordinaire formalisme de nos lois sur la nationalité et du zèle légitime des agents de l'État chargés de les appliquer*.
Si ce déballage de linge sale, ou simplement rêche et étriqué, pouvait améliorer notre société, l'ouverture de la boite de Pandore** serait finalement un bienfait.
J'ai de sérieux doutes , quand même, sur le sort de notre formalisme juridique. Il est en nous jusqu'à la moelle, quelles que soient les mauvaises rencontres avec lui, au cours de notre vie. Et il faut rappeler ce fait historique peu connu des français, puisqu'il ne les concernait plus, que les québécois abandonnés à l'empire britannique au XVIIIème siècle, et soumis alors au système juridique anglais, coutumier, supplièrent, quand ils retrouvèrent la force d'affirmer....leur identité, que leur soit de nouveau appliqué le droit français, tel qu'il était sous la monarchie, bien sûr. Mais notre Révolution, survenue entre temps, n'a pas bouleversé notre conception du droit. En matière d'identité, c'est au "sujet" vivant en France d'apporter la preuve de ses droits à la nationalité française, et non à l'administration de produire la sienne d'une éventuelle grossière erreur.
La vraie identité nationale ne peut donc être pour chacun qu'un sentiment, subjectif, qui n'engage nullement la société, sous l'espèce de ses lois. Cette subjectivité s'étend au jugement que chacun peut porter sur ceux qu'il rencontre. "Il" (ou "elle") leur accorde, ou non, l'appartenance à la communauté française. Et, si oui, "il", ou "elle", peut coller un zéro pointé au compatriote non méritant (ou hérétique). Quant à "l'étranger", il peut recevoir, mais à titre étranger, 20 sur 20, et la mention très bien!
"French, what else?"
Sceptique
*Le "Monde" du 31 Décembre 2009, page 17(Débats, Décryptages)
**Il y a la boite de Pandore, d'où sortent tous les maux, mais c'est aussi le surnom des gendarmes...chargés de les remettre dans la boite!
Note du 7/01/2010: Entendu ce matin un débat modéré par Elkabach sur la Chaîne Parlementaire (Bibliothèque Médicis). Participaient Henri Guaino, conseiller du Président de la République, Michel Winock, Historien, Alain Finkielkraut, Philosophe, et une sociologue, dont le nom m'a échappé, co-auteur d'une étude sur l'intégration des jeunes des cités. Attaqué sur l'échec de la politique des banlieues, Henri Guaino a fait remarquer que pour obtenir un résultat, il fallait un accord entre les parties qui n'était pas en vue. Michel Winock a insisté sur le fait particulier de la guerre d'Algérie, non encore dépassée ou surmontée, qui peut jouer sur le clivage de certains jeunes algériens: français par leur naissance, ils se sentent algériens, parfois sans connaître l'Algérie. Un temps supplémentaire sera nécessaire pour que se perde cet arrimage au passé. Alain Finkielkraut, pessimiste, insiste sur l'échec de l'école, d'où sortent, selon lui, des "demeurés post-identitaires". La sociologue, par contre affirme qu'obnubilés par les jeunes mal intégrés qui troublent l'ordre public, l'intégration correcte et non problématique d'une majorité de ces jeunes issus de l'immigration n'est pas perçue et prise en compte. Bousculé dans son pessimisme, Alain Finkielkraut souligne que le succès de ces jeunes n'est pas défini, et soupçonne d'angélisme les auteurs de l'étude.
Que sort-il de ce débat? Qu'effectivement, les rituels classiques, associés aux guerres qui marquent l'histoire des nations européennes, ne font plus recette. Que chaque individu voit son identité à sa porte, qu'elle est bien un sentiment intime, personnel. Que les jeunes européens qui viennent en France ne cherchent pas à s'intégrer, étant acquis à la "nationalité européenne". Que, par contre, les immigrants d'origine non européenne sont toujours demandeurs d'une intégration. Évidemment difficile en raison de notre formalisme administratif et de la réticence réelle de la population.