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Sceptique
16 janvier 2010

Haïti: "cachez moi ces morts, laissez-moi dormir!"

Qu'une ville grouillante comme Port-au-Prince soit aplatie en quelques dizaines de minutes par un tremblement de terre dans sa forme la plus méchante, pouvons-nous l'imaginer, à Paris ou dans n'importe quel village de notre France bien tranquille(sous ce rapport)? Non, bien sûr. Il y a cent cinquante ans, avant l'invention du télégraphe, nous n'en aurions rien su, et pas un franc ne serait sorti de nos poches.

Mais avec cent cinquante ans de plus, le monde vient nous attraper par le col et nous oblige à constater, en temps réel et à chaque fois, le malheur qui frappe, de ci, de là, une ville, un pays, qui n'est pas nous

Alors, notre émotion se déclenche, et se soutient des images qui arrivent et qui passent en boucle à l'heure de tous nos repas. Les émeutes pour s'arracher les colis jetés d'hélicoptère, les cadavres déposés dans la rue et qui pourriront plusieurs jours avant d'être enterrés, les blessés qui attendront pendant le même temps les soins, que ne pourront prodiguer des hôpitaux détruits et des médecins morts.

Les gouvernements réagissent les premiers, dépêchent leurs unités de protection civile, leurs services de santé militaires. La bousculade dans l'espace aérien, désorganisé, de la victime, pose vite un problème. Quelques avions doivent aller se poser ailleurs. Pour chaque pays intervenant, la note sera payée sur le budget, et remboursée sous forme, quasi invisible, d'impôts.

Mais à côté des gouvernements, il y a les organisations humanitaires non gouvernementales, qui constituent, dans leur majorité, l'honneur de notre civilisation, promise à l'enfer en raison de sa richesse. Et les ONG caritatives, humanitaires, les nantis petits et grands des "pays développés" connaissent leurs besoins d'argent. Les euros et les dollars affluent sur leurs comptes. On peut en être sûrs, il y aura, au bout du compte, beaucoup d'argent versé. Il s'en perdra une certaine quantité? C'est possible. Mais l'argent est un fluide, qui se rit des doigts qui cherchent à le saisir.

Quand même, nous avons nos Harpagons, qui s'écrient:"mais que font nos euros dans cette galère?", et , puisant dans leur mémoire, sinon dans leur poche, ils ressortent la liste de tous les tremblements de terre meurtriers qui ont frappé sans avertissement, ces dernières années, les zones "sismiques" de notre planète. Parmi lesquels, le tsunami de Noël 2004, dont la puissance a frappé toutes les rives de l'Océan Indien. Des tas de morts anonymes, qui font la une des journaux, imprimés ou télévisés, pendant des jours et des nuits, jusqu'à ce que l'Audimat donne l'alerte.

Ils ne crient pas "ma cassette, on m'a volé ma cassette!" C'est usé, honteux, ridicule. Non, ils retournent leur égoïsme en "charité bien ordonnée commence par soi-même", dans son acception la plus "cartiériste"*.

"Nous avons nos pauvres, nos SDF, au profit desquels notre société ne parvient pas à réunir les fonds nécessaires. Qu'avons-nous à nous occuper de ces morts et de ces survivants si loin de chez nous?"

"Mon indifférence, diffuse l'un d'eux sur Internet, poubelle des méchants de la terre,"je suis sûr que beaucoup la partagent". Ce sont les "médias"(pour résumer sa pensée), qui vivent du sensationnel, surtout malheureux, du catastrophique, et en pratiquent la vente forcée à domicile.

La conviction qu'on peut retirer de ces propos venimeux, clamés "urbi et orbi", c'est que la méchanceté humaine ne connaîtra jamais la crise, que sa diversité n'est pas menacée.

Sceptique

*Définition d'un mode de penser résumé par la formule de Raymond Cartier, journaliste à Paris-Match,"La Corrèze avant le Zambèse". Ce n'était pas un méchant, et il a du regretter cette gloire encombrante. Scripta manent! 
 

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Commentaires
S
Je n'ai peut-être pas été assez clair. J'ai indiqué que ce propos m'était parvenu par Internet, sur lequel l'auteur se déverse. C'est lui qui accuse les médias de faire mousser l'événement. Quant aux commentaires sur des événements, diffusés par les journaux numériques, ils sont habituellement haineux, très majoritaires, en tout cas, sur les commentaires modérés.
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L
"C'est une forme très particulière de haine du prochain que je vise"<br /> <br /> D'accord, j'ai relu votre texte et c'est effectivement de cela que vous parlez. Mais je n'ai pas entendu ou lu encore de telles choses dans les media. <br /> <br /> Sur des forums Internet ou dans des commentaires des lecteurs des journaux en ligne ?
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S
MSF et MDM étaient, en raison de la chronicité des problèmes de pauvreté et de carence sanitaire, des partenaires permanents de la population haïtienne. Leurs installations fixes, "en dur", ont été aplaties comme le reste de la ville*. Les dons supplémentaires qu'on leur fera, spontanément ou à leur demande, leur permettront de se réinstaller. Car les problèmes de ce pays ne seront pas réglés à l'occasion de cette catastrophe ponctuelle.<br /> *L'ampleur des dégâts n'est pas seulement due à la qualité des constructions, mais aussi à la particularité des secousses, verticales.
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S
C'est une forme très particulière de haine du prochain que je vise, pas le doute sur le bien fondé de ces quêtes.<br /> Mais le doute est forcément renforcé par les injonctions:"ne donnez pas!"
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L
Il y a ceux qui ont donné aux ONG humanitaires globalement, leur faisant confiance pour utiliser leurs dons au mieux, notamment pour les urgences, et qui ne voient pas pourquoi, ayant consacré à la charité ce qu'ils estiment devoir lui consacrer, ils en rajouteraient à chaque situation d'urgence.<br /> <br /> Il y a ceux qui préfèrent la proximité et donner à ceux qu'ils voient de leurs yeux, le SDF du coin, le vendeur de Macadam, les restos du coeur du canton, les oeuvres de la paroisse, etc.<br /> <br /> Il y a ceux qui pensent qu'entre le budget de leur commune, de leur département, de leur région, de leur pays, de l'Europe, de l'Onu, ils ont déjà pas mal contribué par leurs impôts.<br /> <br /> Il y a ceux qui se demandent si dans cet immense bordel le problème est d'abord financier ou d'un autre ordre et si leur obole aura une quelconque utilité vu les sommes déjà mises.<br /> <br /> Etc. etc. Il n'y a pas besoin de beaucoup d'imagination pour se mettre à la place de son prochain sans le juger.
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Sceptique
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