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Sceptique
28 février 2010

Afghanistan: le débat continue

Le"Monde" daté du 27 Février 2010 ouvre ses pages "débats" à des analyses et commentaires de la situation créée en Afghanistan par l'intervention américaine et de quelques alliés, à la suite des attentats du 11 Septembre 2001, dont les auteurs avaient été formés militairement et idéologiquement par Al Quaida, hébergée par les talibans, en Afghanistan.

Détruire le "nid de vipères" coupable d'un tel forfait était le but premier de l'opération punitive. Ce fut assez facilement obtenu, mais se posa alors la question: que faire de ce pays impossible qui ne vit que de la production d'opium et de l'élevage de fanatiques? La réponse fut stéréotypée: en faire une démocratie sur le modèle occidental.

La population s'en montra plutôt satisfaite. L'austérité imposée par les talibans l'avait fatiguée. L'ignorance érigée en vertu constituait cependant un handicap qu'il fallait combler au plus vite. Ce qui s'évalue en années. Combien de temps faut-il chez nous pour former un citoyen, disposant au bout du parcours scolaire des atouts indispensables à une bonne participation à la vie de la société? Au moins quinze ans, à compter de l'âge scolaire.

Neuf ans seulement se sont écoulés, et ce pays est pratiquement reconquis par les talibans, dénomination qui englobe tous ceux qui sont hostiles à une occupation étrangère, quelles que soient ses "bonnes" intentions. L'action purement civile d'amélioration des conditions de vie et de l'offre d'instruction nécessite une protection armée des écoles, des enseignants et des élèves. Partant du principe qu'il est plus facile de gouverner des hommes qui ne se servent de leur tête que pour y mettre un turban, les combattants anti-occidentaux ciblent particulièrement ces entreprises de subversion que sont les écoles non coraniques.

Les enjeux de cette guerre sont donc clairs: le mieux serait que les occidentaux tiennent jusqu'à ce que l'esprit critique des citoyens ait atteint une masse...critique.

Hélas, ou heureusement, la guerre est devenue une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires. C'est l'affaire des civils, et les civils sont rarement d'accord, et prompts à renvoyer chez eux les politiques qui, voyant les choses de plus haut, voient la nécessité d'employer ce moyen. Pour la sécurité de leur propre pays, ou pour l'honneur de leur civilisation*.

Pourtant, les armées des pays engagés en Afghanistan sont toutes des armées de métier, dont les soldats sont engagés, pris en charge, et payés. Il n'empêche. Paradoxalement, les pertes que ces armées subissent, sont encore plus mal perçues que s'il s'agissait d'une "vraie" guerre, comme nos nations les ont acceptées, avec un grand esprit de sacrifice. En Afghanistan, les soldats tués sont comptabilisés un par un. La centaine, le millier, et au delà, sont devenues des nombres de rang impensable. Seules les victimes civiles commencent à la dizaine. J'ajoute que l'obsession des pertes humaines contribue à faire de nos combattants des tortues surchargées, inadaptées aux conditions du terrain. Les appuis aériens leur restituent un avantage sur leurs adversaires. Mais ceux-ci courent vite et vont refaire leurs forces un peu plus loin.

Donc, nos forces armées ne sont en fait qu'en position défensive, et, trop peu nombreuses, n'occupent en permanence qu'une toute petite partie du territoire, quelques villes, et quelques fortifications, ça et là. Les drones et les hélicoptères portent des coups que la précision des détections et des localisations permet. Tout changement de méthode, qui consisterait à faire de nos soldats des alter-talibans, aussi légèrement équipés, aussi frugaux, aussi adaptés à la vie rustique, capables de leur tendre des embuscades, sur leur terrain, à leur heure préférée, leur rendant la vie impossible, est exclue.

Alors, que faire? Un tel constat ne conduit qu'à la solution de passer la main. Mais à qui?

Au Pakistan voisin, recommande sagement Tahar Ben Jelloun, qui nous invite à faire le deuil d'une greffe de notre civilisation, sous quelque aspect que ce soit, dans ce pays défini par défaut, par la sauvegarde qu'il accorde à la barbarie. Dont le symbole fut pour lui la destruction des statues du boudha, vestiges d'autres influences, antérieures à l'islamisation**. Pourquoi le Pakistan? Si je comprends bien, en raison d'une communauté d'intérêts, de la collusion qui lie les deux nations aux limites ethniques imprécises, aux frontières perméables et indéfendables. Le Pakistan est partie prenante d'un même conflit entre modernité et fanatisme religieux, et il est donc partagé entre la défense d'une modernité qui concerne une partie de sa population, et le fondamentalisme qui séduit l'autre. Aider le Pakistan avec beaucoup d'argent, s'en remettre à sa connaissance familière du terrain et des peuples qui l'occupent, telle est la solution suggérée. En (re)faire l'affaire du sous-continent indien.

Quelle que sera notre façon de nous sortir d'Afghanistan, tout ne sera pas fini: la région restera pourvoyeuse de terroristes, djihadistes brûlants de foi conquérante, et de réfugiés, fuyant l'obscurantisme et la misère, mais proies faciles pour des prédicateurs qui surferont sur leurs déceptions. Mais l'eau du bocal ne sera plus la même, l'efficacité des forces de police sera plus assurée.

Sceptique

*À son retour de Munich, où l'occident démocratique, non préparé au conflit voulu par Hitler et son allié Mussolini, dut subir la pire des humiliations, Daladier fut accueilli par les hourras d'une foule lâchement soulagée. Cela ajouta à sa souffrance et à sa colère.

**L'islam contient l'idée d'être le temps zéro de la nouvelle histoire de l'humanité, tout ce qui le précède étant nul et non avenu.

 

 

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