Petites bêtes et grands bêtas
Une récréation, entre les fastidieuses analyses d'une actualité humaine qui nous confronte à l'impuissance. Cette récréation a un cadre, mon jardin. Le cadre est inspiré de celui qui a été l'unique lieu de vacances de mon enfance. Ma récréation consiste à pratiquer, au profit d'une clientèle qui ne se plaint jamais, mon métier: je soigne. Mon Vidal est le Guide Clausse.
Quand même, en vingt ans, les idées et les méthodes ont évolué. La mode est aux fertilisants naturels, qu'on peut fabriquer soi-même, et aux traitements par diverses tisanes. Il faut faire sa formation continue, auprès de diverses sources, foisonnantes, essayer, renoncer, re-essayer. De temps en temps, aux grands maux, les grands remèdes, ceux qui sont "caca".
Il y a quelques jours, je suis tombé, en parcourant le "net" , à partir d'une série de "liens", sur un article consacré à la coccinelle asiatique. La coccinelle est une auxiliaire précieuse des jardiniers, car elle se repaît d'insectes qui sucent la sève de nos plantes, précisément leurs parties les plus tendres, celle qui portent nos espoirs. Il n'est jamais agréable de voir ses rosiers recouverts par des nappes de pucerons affairés à leur festin. Que vont-ils nous laisser?
Il y a des tisanes qu'ils n'aiment pas, celle d'orties, de tabac, de feuille de noyer, de sureau, de rhubarbe. Comme beaucoup d'humains, ils n'aiment pas le savon. Mais les tisanes se sont pas toujours sous la main, et les recettes sont pour la restauration collective: 1 kg,5 à 2 kgs de feuilles dans dix litres d'eau, à faire bouillir ou macérer de 24 heures à trois semaines. Pratique!
Il y a heureusement cette petite bête mignonne qui s'en régale, la coccinelle. Mais quand elles ne sont pas là? Ou quand elles n'ont plus faim? Les coccinelles françaises, tout le monde le dit, ont adopté notre code du travail. 35 heures et basta!, sans compter l'absentéisme circonstanciel. C'est pareil dans tous les pays développés. Et cet article, que j'ai évoqué plus haut, décrivait les problèmes liés à une immigration organisée devenue incontrôlable, celle de la coccinelle asiatique. Elles ont beaucoup plu car elles sont prolifiques et stakhanovistes. De vraies nettoyeuses. Même les larves de nos coccinelles autochtones y passent! La bio-diversité et le nationalisme en prennent un coup! Alors, "on" s'affole, mais c'est mal parti.
Je ne sais pas si vous avez remarqué à quel point notre Europe est un pays de cocagne pour toutes sortes de bestioles qui s'y portent subitement trop bien, qu'elles soient immigrantes clandestines ou sous contrat de travail en bonne et due forme. Ainsi, encore le péril jaune, l'asiatique frelon est tueur en série de nos abeilles et mobilise contre lui nos apiculteurs. Signaler leurs nids aux pompiers est un acte patriotique.
Pour revenir à la coccinelle, asiatique ou autochtone, je ne trouve ni l'une ni l'autre dévouées à ma cause. Jusqu'à ce dernier hiver, dont la nature, ici, se remet lentement, malgré le soleil. Ce qui m'a réjoui et me fera attendre avec patience leur arrivée, c'est cette information qui tient en six petites lignes dans le Monde du 24 Avril: aux îles Galapagos, envahies par une cochenille arrivée d'Australie, l'installation d'une coccinelle "coccidiophage" a fait disparaître quasi complètement la saloperie!
Dans un autre registre, celle des grands bêtas, c'est à dire nous les hommes, c'est une histoire racontée par la télévision, avec la candeur bien pensante en vogue: Dans le Limousin, nos ancêtres avaient, comme tous les humains dans cette partie de l'Europe, défriché des forêts pour y pratiquer la culture et l'élevage. Ces zones défrichées, en raison de la nature des sols, acides, avaient les caractéristiques des landes, avec la flore et la faune aimant cette particularité. Mais les activités agricoles sont globalement ingrates (même les céréaliers des bonnes terres du nord sont aux abois), et les terres peu fertiles du Massif Central ont été délaissées les premières. Progressivement, les arbres, regroupés en forêts, ont récupéré le terrain conquis par l'homme à leurs dépens. Les hommes n'ont rien dit, occupés à Paris à vendre du charbon ou de la limonade. Mais les petites bêtes qui aiment les parfums des landes étaient contraintes au déménagement. Alors, avec l'aide financière de l'Europe, les grands bêtas ont entrepris d'arracher les arbres égoïstes, et de reconstituer les landes au profit des petites bêtes "landophiles". On aime ou on n'aime pas, mais on ne dit pas:"absurde!"
Sceptique