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Sceptique
23 mai 2010

Climat et politique. Oui, mais laquelle?

Nous venons, dans la plus grande partie de l'hémisphère Nord, de connaître un hiver long et rigoureux, un printemps aux débuts languissants: les climato-sceptiques ont ri sous cape, les climato-catastrophistes n'étaient plus audibles.

Puis, depuis quelques jours, c'est l'été avec deux mois d'avance. Le printemps "normal" et ses pluies nécessaires a été contourné, et, hormis l'inquiétude des agriculteurs, le bon peuple se rue vers les plages, et ceux qui vivent du tourisme saisonnier se frottent les mains. Étrangement, les armées climato-passionnelles restent prudemment l'arme au pied.

Coïncidence ou pas, Le "Monde" consacre deux pages entières à la question, une pour Claude Allègre, la tête de turc des climato-catastrophistes, et la deuxième partagée entre ces derniers.

Que dit Claude Allègre?

Qu'il admet que le climat change, vers un réchauffement, mais que c'est ce que fait le climat depuis des milliards d'années. Qu'il y a un problème d'augmentation d'origine anthropique du gaz carbonique dans l'atmosphère, et qu'il a l'inconvénient d'acidifier les océans. Qu'il signifie aussi le gaspillage par l'humanité des combustibles fossiles. Mais que sa responsabilité dans le réchauffement est contestable.

Lui, conteste l'abus des prévisions faites à partir de modèles et de leur traitement informatique, au détriment des observations et de leur patiente analyse. Il souligne l'absurdité de la recherche de moyennes entre des points du globe aux latitudes et aux météorologies différentes*. Enfin, et surtout, il conteste les politiques de repli peureux, voulant laisser à leur triste sort des populations réellement privées d'eau et de nourriture. L'autarcie, le locavorisme**, ne sont pas son truc. Son écologie doit être celle de la raison, et non de la peur.

La position de Bruno Latour, sociologue à Science Po, est étrange. D'abord il fait du principe de précaution un dogme absolu, auquel tout scientifique doit se soumettre, tandis que tout politique doit l'avoir à l'esprit au moment de sa décision***. 

Le principe de précaution transformé en principe de politique, sépare "pro" et "anti", en ennemis politiques "de facto". Et c'est également à cette aune que s'évaluent les projets de recherche et leurs résultats. La situation actuelle, marquée par les déchirements entre politiques adversaires et leurs experts respectifs, rendrait tentante la séparation entre la science et la décision politique. Mais ce n'est effectivement pas la bonne solution, qui serait, selon l'auteur, de les relier "bien", c'est à dire que la politique lierait la science, comme ce qui est lié par l'Église est lié dans le Ciel!

Et notre adepte du primat du politique sur la science de donner un exemple époustouflant:"...nous avons parfaitement le droit de décider politiquement d'établir un lien de causalité entre les bouleversements climatiques et l'action humaine, parce que nous avons reconnu collectivement**que c'était le moyen le plus sûr de nous garantir contre des dangers encore incertains."

(Et si certaines mauvaises têtes ne sont pas d'accord, ce seront des ennemis politiques, en plus de leur trouble mental. Il y aura de la place pour eux dans les hôpitaux psychiatriques, et ou louera une mine en Sibérie pour les plus acharnés.)

La deuxième contestation des positions de Claude Allègre vient de scientifiques spécialistes du climat, qui, à la fois, défendent les résultats de leurs recherches, et attaquent le dernier pamphlet d'Allègre pour les erreurs manifestes qui parsèment le livre****. Ils déplorent que ces polémiques jetées en pâture au public le détournent des vrais faits et de leurs vraies publications, soumises au contrôle de leurs pairs. Leur position va nettement à l'encontre de celle de notre sociologue. Ce n'est pas au public, influencé par ces débats, d'arbitrer entre les résultats des scientifiques, "comme si on leur demandait d'arbitrer entre des procédés thérapeutiques". Comme le public, par ses votes, délègue aux politiques cette fonction d'arbitrage, il n'est pas question, pour ces chercheurs, de leur confier leur sort!

Il est sûr, pourtant, que la politique ne doit pas être indifférente à la science. Mais il est non moins sûr qu'elle ne peut pas se faire dicter son action par LA science, car son champ de responsabilités est bien trop vaste. À commencer par l'ordre public et la paix civile. Ainsi, la politique d'aujourd'hui écarte, contre toute évidence scientifique, les OGM, car ceux-ci sont un "casus belli" pour une fraction active de notre société. "Paris vaut bien une messe!"

Sceptique

*Voir les recherches sur le facteur solaire sur le site "pensée unique"

**Adeptes d'une restriction de la consommation de nourriture à ce qui est produit dans un rayon de 15 kms autour du point de consommation. Ce qui permet aux parisiens, entre autres, de ne pas mourir de faim.

***À propos de Claude Allègre, Bruno Latour écrit:"Notre savant ministre incarne encore, sous une forme très dégradée(sic), l'idéal d'une République fondée en raison". Ce qui veut dire clairement que la République d'aujourd'hui peut être fondée légitimement en déraison, pourvu que cette dernière soit majoritaire. N'est-ce-pas, pourtant, en contradiction avec le fait majoritaire, que pour cause de déraison, la victoire du National-Socialisme en 1933 a été, en dehors des frontières de l'Allemagne, disqualifiée? À moins qu'il y ait déraison et déraison. Une bonne et des mauvaises?

****Justement: "Vous avez juridiquement tort puisque vous êtes politiquement minoritaires", proclamation d'un député élu en 1981.

***** Claude Allègre a reconnu ces erreurs, et les a fait corriger dans les rééditions. 

Note complémentaire: Je l'ai déjà signalé, mais je rappelle l'excellent livre d'Emmanuel Garnier, "Les dérangements du temps", qui met sous notre nez la vie affreuse de nos ancêtres, avant tout de qui fait horreur à certains citadins d'aujourd'hui: les engrais, les produits phytosanitaires, le transport des produits alimentaires des lieux de production aux lieux de consommation. Nous ne nous intéressons au temps qu'en fonction de nos fins de semaine et de nos vacances. Le reste est en vente dans les super-marchés.

 


 

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Commentaires
S
Si j'ai mis cette extrapolation, entre parenthèses, c'est parce que j'ai la conviction, raisonnée, que la tentation totalitaire est au fond de la pensée écologique(que je considère comme une utopie). Aller à l'encontre des désirs des hommes, de leur individualisme et de leur népotisme fondamentaux, au nom d'une "nécessité" supérieure, rencontrera, tôt ou tard, la nécessité de la force. L'écologisme politique est plus près du communisme que de la social-démocratie.<br /> Pour le moment, l'écologisme n'est qu'un discours, porteur de dispositions utiles, comme la lutte contre la pollution, contre le gaspillage de l'eau, de l'énergie, qui trouve sa place, trop petite aux yeux de ses militants, dans une société fonctionnant globalement sur le mode libéral. Ni le libéralisme, ni la social-démocratie ne peuvent le satisfaire.<br /> J'ai souvent développé la notion d'un "invariant" humain, commun à tous les hommes. Toute politique doit choisir: faire avec, ou aller contre. C'est pourquoi aucune ne peut se vanter d'avoir réussi!
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P
Votre nouveau billet m'a vivement intéressé et je suis donc allé lire l'article de Bruno Latour; j'ai été un peu surpris par certains de vos commentaires. Voici notamment l'une des phrases de l'article à laquelle vous réagissez je crois: <br /> <br /> "Une fois prise cette décision (oui, c'est bien une décision), les climatosceptiques ne sont pas "irrationnels", ce sont simplement des adversaires politiques, parfaitement respectables, mais qu'il faut combattre tout en poursuivant les recherches." (B.Latour)<br /> <br /> Ce que vous reformulez ainsi:<br /> <br /> "(Et si certaines mauvaises têtes ne sont pas d'accord, ce seront des ennemis politiques, en plus de leur trouble mental. Il y aura de la place pour eux dans les hôpitaux psychiatriques, et ou louera une mine en Sibérie pour les plus acharnés.)"<br /> <br /> Est-ce bien la même chose?
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Sceptique
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