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Sceptique
13 juin 2010

Le cumul des mandats, ce pelé, ce galeux, que je ne saurais voir!

Encore une exception française, mais de catégorie à jeter à la poubelle, ou dans l'ergastule, si on adopte la définition du cumulard habituel: un sexagénaire gaulois (Jérôme Jaffré).

Clone de Vercingétorix, mais ayant échappé à la cruauté de l'Histoire, le cumulard serait dans la France d'aujourd'hui l'obstacle dressé devant les diverses révolutions, rouge, rose, verte, ou même brune ou carrément noire, qui piaffent d'impatience devant le gâteau républicain.

Le rêve actuellement en vogue, ce serait le retour à la quatrième, son scrutin à la proportionnelle, ses alliances fluctuantes et opportunistes, mais cette-fois ci pure et dure, sans ce risque de gérontocratie progressive que le cumul des mandats permettait déjà,à cette époque bénie, avant le coup de force constitutionnel du Général De Gaulle.

Il parait, donc, c'est le Professeur Olivier Duhamel qui le dit, que, mise à part la singulière Angleterre, non-cumul et scrutin proportionnel conviennent très bien aux divers pays d'Europe, et qu'il ne nous reste qu'à nous aligner sur eux. Notre pratique du cumul de mandats aurait-elle donc été le seul facteur de l'impuissance de la IVème République? Et du vieillissement du "personnel politique" d'aujourd'hui?

Sans être souverainiste, j'accepte, pour ma part, l'idée d'une singularité de l'histoire de notre société, et d'une spécificité des rapports des citoyens français avec leurs hommes (ou femmes) politiques, et surtout, avec le mot "politique" lui-même.

C'est toujours le symbole de l'horreur, le réceptacle de toutes les turpitudes humaines. Le doute sur sa nécessité, le doute sur l'honnêteté des postulants, avant et après l'élection, la conviction que les honneurs et l'argent sont leurs seules motivations, font le socle du jugement des français sur leurs élus et leurs institutions. Ce mal nécessaire a une contrepartie: l'élu se voit déléguer l'entière responsabilité de la politique*, c'est à dire "la gestion de la cité". Il sera jugé aux résultats, se résumant le plus souvent à la satisfaction des attentes personnelles de l'électeur, ou de leur non-contradiction.

Une telle délégation, totale, de la souveraineté de l'électeur commence dès l'échelon communal, et échoit au maire de la commune. De façon courante, l'homme politique fait ses classes à ce niveau, comme conseiller municipal, puis, comme maire, conseiller général (cumul courant). Les autres fonctions représentatives territoriales sont souvent cumulées avec un mandat communal. Toutes les élections ont leur lot de candidats, fondant leurs mérites sur un mandat électif, et qui attendent une promotion de la nouvelle. Dans la plupart des cas, rien ne les obligera à choisir en cas de succès. Ils pourront cumuler l'avant et l'après**.

Si, de plus en plus, les parlementaires, surtout les députés, éprouvent une difficulté à tenir un mandat local en plus de leur mandat national, c'est encore possible pour les sénateurs et les élus territoriaux. Prennent-ils une place, ou plus, aux jeunes? Verrouillent-ils l'accès aux responsabilités?

Il ne faudrait pas le penser à partir de la multiplicité des candidatures à chaque élection. Celles-ci représentent la variété des opinions regroupées dans les partis d'une certaine importance, dans les petits partis ou groupuscules divers, sans oublier les dissidents, qui, écartés par leurs instances locales ou nationales, choisissent de se présenter quand même.

À partir des années 1955-1960, le monde politique français se rajeunit beaucoup par la promotion des énarques, ces hauts fonctionnaires, recrutés par un concours difficile, et formés d'emblée aux responsabilités élevées, auparavant acquises à l'ancienneté. Après un passage par les cabinets ministériels, ils étaient "parachutés" dans les circonscriptions, où leur compétence et les avantages qu'on pouvait attendre d'eux pesaient lourd. Énarques de droite et de gauche remplirent l'hémicycle et les fonctions de ministres.

Pour des raisons que je qualifierai d'émotionnelles, le passage par l'ENA ne semble plus être en grâce du côté des électeurs, au contraire. Les parachutages ont cessé. La promotion politique se refait de nouveau à l'ancienneté. Mais à la source, à l'échelon communal, comment cela se passe-t-il?

Mal! La constitution d'une liste est toujours laborieuse, sa condition nouvelle, la parité, ajoute au casse-tête. Très peu de jeunes s'intéressent à la chose publique, envisagent de s'y dévouer. Beaucoup de femmes invoquent le poids de leurs obligations familiales. Quant aux petites communes, la préoccupation de défendre son intérêt personnel y pèse un poids toujours important. Et pour défendre un intérêt personnel, il faut d'abord en avoir un. C'est plutôt le fait des adultes.

Nouvelle Jeanne d'Arc, Martine Aubry, frappée par le virus de l'ambition présidentielle, est partie en campagne contre le cumul des mandats dans son propre parti, jusque là vautré dans sa commodité, dont les responsabilités sont compensées par des avantages de toutes sortes, la renommée n'étant pas le moindre. Le destin national, jusqu'à ce jour, repose nettement sur le carnet d'adresses et le "curriculum vitae".

Mais elle a promis, si elle est élue en 2012, de faire voter une loi mettant fin à tout cumul, dès les premiers échelons politiques, probablement. Cette mesure restaurera-t-elle l'esprit civique, l'intérêt pour la chose publique, l'attrait pour la responsabilité, l'exposition à la critique et à l'ingratitude? Si j'ai bien entendu, la carotte financière ne sera pas négligée. La liste des avantages liés aux fonctions parlementaires, qui circule en permanence sur Internet, s'allongera avec ceux qui récompenseront les dévouements plus modestes.

La méconnaissance de la nature humaine, voire, son déni, est elle consubstantielle de la démocratie? Cette dernière peut-elle faire ce qu'elle veut de cette nature là, sans pertes, sans faux-semblants?

Sceptique

*L'élu n'est que rarement soutenu par un réseau associatif rassemblant un certain nombre de ses électeurs. Le parti politique habituel est une organisation pyramidale où l'information ne circule que dans le sens descendant. Les syndicats, les clubs, les "think tanks", ne représentent qu'une frange d'électeurs. Mais, comme on dirait aux Antilles "é payé pou ça"!

**L'élu ne choisit qu'après l'élection. Des cumuls incompatibles existent: député et sénateur, député à l'Assemblée Nationale et au Parlement Européen. Et quelques autres de circonstance exceptionnelle.

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