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Sceptique
23 juin 2010

Cancer de la prostate et chlordecone: une étude bien exploitée

Certains doivent se souvenir qu'à la suite d'un Nième cyclone (Dean) ayant dévasté les bananeraies de la Martinique, en 2007, la question de la remise en route de cette culture fut soulevée par deux écrivains martiniquais indépendantistes, Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant. 

Culture "colonialiste", la banane dépendait pour sa productivité de l'usage, toléré exceptionnellement, d'un insecticide spécifique de son ravageur, le charançon du bananier. Or cet insecticide avait été repéré comme dangereux, en particulier, cancerogène, et il était interdit partout ailleurs que dans les Antilles. Il possédait en plus la propriété, curieuse, de persister dans les sols, apparemment insensible aux lessivages que les pluies, qui ne sont pas des "pipis de chats", imposent aux sols, dans ces îles tropicales.

Nos auteurs, confortés par une étude alarmiste du Professeur Belpomme, préconisaient l'arrêt définitif de cette culture exportatrice et protégée par l'intégration des Antilles françaises dans l'Union Européenne. La suppression de cette dépendance faciliterait la marche de la Martinique et de la Guadeloupe vers... l'indépendance !

Cette perspective n'enchantant pas la partie raisonnable et majoritaire de la population antillaise, la banane, qui se remet très vite du passage d'un cyclone, réapparut sur les marchés, avec ses qualités habituelles. Quelques soubresauts écologistes soulignèrent l'échappement de la chance, et le silence se fit.

Il vient d'être interrompu par une étude de médecins hospitaliers de Guadeloupe (Pointe-à-Pitre), dont un membre de l'INSERM, comparant deux groupes, l'un de nouveaux malades déclarant un cancer de la prostate, l'autre de sujets ne présentant pas cette maladie.

Leur conclusion est que la présence d'un taux supérieur à 1 microgramme ( 1 millionième de gramme par litre de sang) de chlordecone, majorait le risque....chez ceux qui présentaient par ailleurs des antécédents familiaux, et avaient fait un séjour prolongé dans un pays occidental. Le profil-type du planteur de bananes, quoi!

Du fait de ces réserves, de cette reconnaissance de facteurs génétiques et d'autres facteurs environnementaux que la coexistence avec des résidus de chlordecone*, cette étude a l'honnêteté de ne pas être affirmative d'une relation de causalité certaine. Mais son exploitation, qui a déjà commencé, ne sera évidemment pas honnête. Je pense que la presse médicale sera la seule à signaler les nuances des conclusions. Il y a de sérieux risques d'une campagne de dénigrement de la banane antillaise, car  ce ne sont pas les 700 malades de l'étude qui sont intéressants, ni les planteurs et les exportateurs. Ce qui sera médiatiquement juteux, ce sera la panique des consommateurs!

Sceptique

*Auxquels il conviendrait d'ajouter un facteur comportemental ou culturel, comme on voudra: il est connu, sinon correctement étudié, par pudeur, que le cancer de la prostate frappe plus particulièrement les hommes sexuellement actifs, l'adenome bénin étant le lot des plans-plans ou névrosés réservés. Inhibition peu courante aux Antilles!

Note du 25 Juin 2010: Le quotidien "Le Monde" daté du 24 Juin 2010, consacre son éditorial à cette affaire, en reprenant sans discussion toutes ses interprétations et récupérations politiques. La rémanence à prévoir est un multiple de siècles (les rapports de l'AFSSA et du Sénat et de l'Assemblé Nationale parlent d'UN siècle, ce qui est déjà beaucoup, et demanderait une vérification, en Métropole, où des agriculteurs ont utilisé cet insecticide organo-chloré jusqu'en 1990). Le (la?) chlordecone est encore détectable dans 25% des échantillons contrôlés, ce qui est nettement supérieur au niveau des résidus des autres phyto-sanitaires et herbicides. Les rapports disponibles, qui font état de ces chiffres, ne se prononcent pas sur l'existence de risques pour la santé résultant de ces traces détectables chez des utilisateurs ou des consommateurs. Jusqu'au rapport examinant l'incidence du cancer de la prostate, publié par une équipe médicale de Pointe-à-Pitre, dont j'ai rapporté les conclusions prudentes, aucune pathologie particulière n'avait été observée.

L'interprétation socio-politique des indépendantistes est reprise telle quelle: les planteurs sont "békés"*, les ouvriers victimes sont "noirs". La banane, production exportable (et protégée), est "colonialiste". Élie Domota a raison: toute autre ressource qu'un salaire de fonctionnaire(antillais) ou une allocation sociale, est une "profitation". 

Une autre perspective est "dans l'air": l'interdiction à tous les agriculteurs français, métropolitains et ultra-marins, des produits phyto-sanitaires qui leur permettent de soustraire aux ravageurs une partie suffisante de leur production pour rentabiliser leur travail. Ils devront partager, leur part fluctuant au gré des conditions naturelles de prolifération et d'appétit des ravageurs spécialisés. La Grande Famine de France, c'est peut-être pour bientôt.

*"békés": familles d'anciens planteurs non métissés.


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Commentaires
C
Ou une nouvelle illustration du fameux adage : si vous voulez une bonne législation, priez pour un désastre... Si vous voulez l'indépendance, assurez-vous que la population soit affamée, en quelque sorte.<br /> Un détail : j'ai lu quelque part (dans un New Scientist ? je ne trouve pas la référence) que les hommes très actifs sexuellement étaient *moins* sujets au cancer de la prostate. Avez-vous des références sur le sujet ? Merci.
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L
L'étude prétend que le risque de cancer de la prostate est significativement augmenté lorsque l'on a plu de 1 µg/litre de chlordécone dans le sang. Pour prendre la mesure du "scandale sanitaire", comme dit "si bien" Le Monde, il serait intéressant de savoir quelle est la proportion de la population qui atteint ce taux. Mais une fois de plus les publications scientifiques à comité de lecture, de par leur coût, laissent le monopole de l'information aux journalistes. C'est une des raisons pour lesquelles les expertises publiques sont si utiles : on trouve les rapports de l'AFFSA ou de l'INVS sur Internet.
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S
@Laurent Berthod<br /> L'appel à cesser la culture de la banane lancé par les écrivains indépendantistes antillais à la suite de l'ouragan Dean laissait entendre que le chlordecone était toujours utilisé. En fait, il n'en était rien et l'étude épidémiologique des médecins de Pointe-à-Pitre donne comme dates d'utilisation, de 1973 à 1993. <br /> La rémanence de cette substance dans le sol est-elle vraie, et à un taux potentiellement dangereux? L'utilisation politique de l'affaire fait l'économie de tels détails!<br /> @cdc<br /> J'espère bien que vous ne vous tairez jamais! Grâce à vous, j'ai vérifié et complété mes arguments! Comme il est d'analyse difficile, et ne prête pas à la mise en cause des industries chimiques, pharmaceutiques, ou encore alimentaires, le rôle du facteur infectieux, essentiellement viral, dans l'épidémiologie du cancer, est "oublié" par les nouveaux prophètes.
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C
Masturbatoire, masturbatoire... Ce qui fait évidemment penser à "Atmosphère, atmosphère"... Bref. Mais oui, c'est exactement ça que j'avais lu ! Et donc... (désolé, je me tairai désormais à ce sujet). La réponse de LB est à retenir, sous réserve de confirmation. En fait, on nage un peu. Peut-être Anton Suwalki, un Maître, pourrait avoir une meilleure évaluation ? Quant à Belpomme...
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L
Cher ami,<br /> <br /> Il me semble que l'usage du chlordécone n'est pas "toléré exceptionnellement" pour la culture de la banane, mais qu'il est interdit depuis 1993 aux Antilles françaises, date jusqu'à laquelle il a été autorisé par dérogation à une interdiction applicable dès 1990 en métropole. Les effets actuels et à venir du chlordécone sur la santé des populations antillaises, sous réserve que je ne sois pas moi-même dans l'erreur, ne pourraient donc résulter que d'épandages fort anciens et de la rémanence du produit dans les sols. Les Etats-Unis avaient interdit le produit en 1976 suite à un grave accident dans une usine qui le fabriquait, accident qui avait entrainé, du fait des fortes doses ingérées, des intoxications aiguës. Il ne semble pas que la motivation de cette interdiction précoce ait été la toxicité chronique.<br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> http://laurent.berthod.over-blog.fr/article-le-mediatique-professeur-belpomme-lanceur-de-fausses-alertes-42519850.html
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Sceptique
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