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Sceptique
2 septembre 2010

Lois de bioéthique et leurs conséquences.

Lors de la préparation de la mise à jour de ces lois, plutôt restrictives et marquées par l'influence religieuse, en France, une innovation a été proposée: la consultation de citoyens, non spécialistes, mais préalablement préparés aux sujets abordés. Une sorte de démocratie participative, non guidée, à laquelle aucun leader politique n'apporterait, en fait, sa propre conclusion.

J'avais été surpris par le conservatisme de ces citoyens adultes, qui n'avaient suggéré aucun progrès, aucune audace, dans la prise en compte par notre société des progrès des sciences dans ces domaines, et des demandes d'autres citoyens, directement concernés par ces lois.

Il semblerait que faute de pouvoir faire progresser l'ensemble, la Ministre chargée de ces questions envisage des mesures dont la nécessité n'est pas évidente, et dont les conséquences ne sont, elles, pas du tout mesurées: la levée du secret des fécondations par don de sperme, et celle de l'accouchement sous X, déjà bien ébranlé.

"Ce que j'attends de ma connaissance de mon géniteur, déclare un jeune homme qui "doit" sa vie à un don de sperme, c'est de pouvoir le remercier". Et aussi, de connaître l'histoire médicale de son "père" pour prendre les précautions d'hygiène de vie nécessaires. Tant qu'à faire, gratter la corde de l'eugénisme! 

Après le "je n'ai pas demandé à vivre" des années 1968 et suivantes, qui annulait les devoirs envers les parents et la société, nous revoici dans la dette envers nos géniteurs, dans la plus pure tradition religieuse. 

Cette dette (et son désaveu) doit tout à l'humanisation, et rien à la biologie! Pour cette dernière, la survie de l'espèce est inscrite dans son plan, et la reproduction, sexuée ou non, s'impose aux individus, sans état d'âme pour les êtres qui sont présumés en être dépourvus, avec, pour les humains encore assez nombreux à se croire dotés d'une part immortelle de leur moi.

Que les humains se croient obligés de se reproduire, par obéissance à un créateur qui les a investis d'une mission, ou maintenant par devoir envers une société qui a besoin de cotisants pour ses caisses de retraites*, leur vision des choses reste cantonnée dans la glose humaine. Au niveau concret de la reproduction, les gamètes réunis par les facteurs énergie (du spermatozoïde) et chance (du même), prend, au passage, la vie, et en fait son affaire, en toute insouciance. Ses géniteurs, donneurs de gamètes, mus par leur désir, leur amour, leur devoir, feront de leur enfant leur objet, et lui apporteront tous les soins nécessaires à sa vie, et l'éducation, pour l'intégration à la famille, à la société, et à l'espèce.

La spécificité humaine est cette création de liens ineffaçables, de devoirs réciproques inscrits dans les lois de la société, d'identités dûment enregistrées et difficilement modifiables. 

Sournoisement, la nature organise dans ce tableau idyllique quelques ruptures ou falsifications, au hasard des accouplements**. La vraie vie est un "catch as can catch", à l'échelle microscopique, bien sûr. Et quand la nécessité spécifiquement humaine s'en fait sentir (stérilité, ou scandale) la société prend elle-même les mesures de falsification. Dont on voit mal l'intérêt à revenir dessus.

Nos sociétés n'ont pas été malheureuses de ces incertitudes, de toute façon, rares, des filiations. Elles avaient bien d'autres malheurs à surmonter. Et nos sociétés d'aujourd'hui connaissent des malheurs nouveaux et inégalement répartis, qui sont les diverses stérilités***, les handicaps néo-nataux ou accidentels, les maladies incurables, les pathologies héréditaires, les agonies douloureuses, qui demandent des mesures spécifiques, que les religions, formatrices des civilisations, ne pouvaient prévoir dans le lointain passé. Nos sociétés sont dans la nécessité de retoucher ces vieux codes, qui ne sont plus "sacrés", dictés par un créateur.

Sceptique

*Avant, il y avait aussi l'impôt du sang, attendu de la gent masculine, plutôt généreuse en la matière.

**Le concept de "père", et ses conséquences sociétales, est une spécificité humaine, de culture, vraisemblablement, mais assez répandue pour être imaginée "de nature". Il est plus probable que cette forme d'organisation a pris un avantage dans la compétition entre les sociétés humaines. Chez ses "cousins" simiens, cette notion n'existe pas, les sexes se mélangent au grand bonheur la chance, à une exception, d'importance: les jeunes mâles ne touchent pas à la femelle qui leur a donné naissance. C'est l'élément de base de l'évitement de l'inceste, fait de nature.

***Qui contrarient le "droit à l'enfant", envers "libre" du devoir d'autrefois.


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Commentaires
D
Je vais rajouter aussi ceci: l'édition du 7 octobre 2006, du journal Le Monde nous informait que « trois équipes britanniques de biologistes de renom s’apprêtent à créer, via la technique du clonage, des embryons chimériques [...] obtenus à partir d’un noyau de cellule humaine placé au sein d’un ovocyte de lapine ou de vache, préalablement énucléé.<br /> <br /> Cette nouvelle avancée dans les possibilités scientifiques relance une problématique, régulièrement posée depuis l’avènement des technosciences et dont les éthiciens se sont emparés : en quoi la transgression de la barrière des espèces remet-elle en cause la définition de l’humain ?<br /> <br /> <br /> <br /> L’exemple de l’expérimentation des chercheurs anglais est paradigmatique. Car si le clonage d’embryons à seules fins scientifiques est autorisé en Grande-Bretagne, cette pratique est interdite en France sur les embryons humains depuis la loi de bioéthique du 6 août 2004, alors qu’elle est autorisée sur les embryons animaux. L’enjeu pour les scientifiques français est donc de savoir si ces embryons "chimériques" peuvent être considérés comme des embryons humains .
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D
Billet très riche qui touche à plusieurs problématiques à la fois qui se croisent: Sur l'inceste plus particulièrement: Jean-Claude Guillebaud parle dans le même sens de l’inceste dans le Principe d’humanité :<br /> <br /> « Le père qui possède sexuellement le corps de son enfant cède à un désir inhumain… Il brise le cours du temps. Il efface la parenté. Il interdit à la victime de prendre place dans la chaîne des générations. L’inceste est le cousin germain du génocide en ce qu’il aboutit à détruire l’individu en détruisant son lien de parenté. Ce qu’il violente, en somme, ce n’est pas seulement le corps de l’enfant, ou l’un de ses organes, c’est très exactement ce qui fonde son humanité. »Dans: <br /> <br /> Plaidoyer pour une imprescriptibilité<br /> <br /> BRENOT P. Homo sur-naturalis, l’hominisation dénaturante, Topique, 2000, 73, p 23-35.
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M
Bravo pour cette remarquable synthèse, qui m'avait échappé.
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Sceptique
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