Septembre 2010: les miracles ont la cote!

On s'était déshabitués de compter sur les miracles, préférant user de notre volonté et de notre intelligence pour régler les malheurs de l'humanité (les bonheurs n'ont pas les mêmes besoins). 

Quant à ceux que les millénaires écoulés depuis l'avènement de notre conscience ont déposé dans notre mémoire, ils divisaient les hommes; les uns tenant pour leur vérité, à une époque où les dieux veillaient sur eux, les autres les traitant de contes ou de légendes.

Même l'Église catholique était devenue prudente, après une longue période de fidélité de la Vierge Marie et, avec un peu moins de disponibilité, Jésus-Christ lui même. Depuis un siècle, elle laisse dire, mais ne confirme plus les effets supposés de la grâce divine. La demande est toujours forte, mais non satisfaite.

Le changement est récent, et il a été brusque. À deux reprises, déjà, les prêtres des églises de la Jeunesse Éternelle et Fatiguée, ont organisé des processions massives, interpellant le ciel pour qu'il fasse apparaître dans les comptes de la nation, trente milliards d'euros pour cette année, de provenance divine, miraculeuse, donc. Malgré la force des prières, le trésorier de l'État s'obstine inlassablement à déclarer que ces milliards sont toujours manquants, que le virement annoncé n'a pas eu lieu. Aux dernières nouvelles, deux autres processions et manifestations de piété sont programmées pour le mois prochain.

Tout récemment, un autre miracle, bien plus ancien, et faisant partie des bases solides d'une religion importante, a été rappelé aux hommes du monde: la traversée de la Mer Rouge par les Hébreux, passant de l'Égypte qu'ils fuyaient, vers le Sinaï, grâce à un passage à sec créé par le souffle de Dieu, qu'il laissa se refermer sur les armées de Pharaon, une fois les derniers juifs passés.

Comme les hommes ont acquis la manie de vouloir rendre cohérentes les Lois de la nature, qu'ils ont fini par découvrir, avec les actions spectaculaires et incroyables rapportées par les mythes et les légendes, une équipe de savants américains a lancé à la cantonade un paquet d'explications rationnelles susceptibles de rendre cohérent un assèchement temporaire de cette zone de l'isthme qui relie l'Égypte au Sinaï. Tous les médias se relaient pour apporter dans toutes les chaumières la bonne nouvelle. Et ce, malgré les protestations des impies, mécréants et athées qui infiltrent leur lectorat bien-pensant.

Hommes de peu de foi! Qu'ils imaginent cinq minutes que Dieu n'avait pas le temps d'attendre le bon vouloir de la machine qu'il avait créée, pour sauver Moïse et son peuple élu. Il n'avait pas encore oublié le mode d'emploi, et il a eu le geste qui sauve.

Quelle parole subversive les contempteurs du miracle tiennent-ils? Ils disent qu'aucune preuve archéologique de cet épisode n'existe en Égypte, dont les occupants de l'époque (1000 ans avant J.C. seulement) avaient la manie d'inscrire sur les murs des temples et monuments les avatars de leur histoire. Que, pour les archéologues, encore, l'existence de Moïse est elle-même douteuse.

Mais rien n'y fait, c'est au tour de la télévision de prendre la relève pour donner du crédit à l'explication "scientifique"du miracle. Comme, au fond, elle relaie tous les jours, 24 heures sur 24, l'attente de miracle des Églises des Fatigués, de leur clergé et de leurs fidèles. Le miracle, ils le répètent, serait la conversion à leur foi du suppôt du Diable, Sarkozy, son retrait dans un des couvents du CCE d'EDF ou d'Air France, qui méritent les quatre étoiles.

Sceptique

*Il y aura bientôt deux siècles qu'Ernest Renan a commencé ce travail.