Qui a tapé Tapie? Qui n'a pas tapé sur Tapie?

C'est plus qu'une coïncidence. À peine sèche l'encre de mon billet sur la prestation de Mélenchon, c'est le compte rendu d'un entretien orageux entre Bernard Tapie et un journaliste de France-Inter qui m'arrive par le Monde.fr

Je lis l'entretien, puis les commentaires des internautes lecteurs du Monde .fr. Dans leur majorité les commentaires sont hostiles, méprisants, contestent la décision de justice, hurlent devant le tas de fric qu'est supposé avoir touché l'entrepreneur, ancien Ministre...d'un gouvernement socialiste. Quelques commentaires, plus modérés, soulignent qu'il y a eu procès, contradictoire, aux procédures multiples, qui a duré quinze ans. Ils rappellent les mérites de Bernard Tapie, insistent sur son droit à la justice.

Pour résumer l'affaire, Bernard Tapie ayant placé ses comptes au Crédit Lyonnais, à l'époque banque nationalisée, propriété de l'État, et se trouvant en difficulté, la banque l'a fait mettre en faillite, et a gardé ses avoirs en garantie. Seulement, elle a fait ensuite une plus-value d'un milliard de francs sur la revente d'un bien. C'est ce profit fait dans son dos que Bernard Tapie a attaqué avec obstination. 

Le jugement ayant été favorable à Bernard Tapie, définitivement, l'État a réglé l'ardoise laissée par son ancienne possession, revendue depuis à des actionnaires privés. Le dédommagement avec ses intérêts cumulés, et l'indemnisation du préjudice moral avaient atteint 110 millions d'euros selon la rumeur. Mais les impôts à payer sur la pactole le réduisaient sensiblement. Sans qu'il soit confirmé par quiconque, un montant de 45 millions d'euros a été lancé sur les ondes. Bernard Tapie aurait gagné cette somme à l'Euromillions, il serait félicité et adulé. Mais comme elle n'est que le remboursement d'une dette de l'État au terme d'un procès, elle "lèse" les contribuables français, et avantage honteusement un citoyen forcément coupable puisqu'il a été accusé. Les jugements, répétés, confirmés, d'innocence, ne pèsent pas en face des soupçons.

Il peut paraître curieux qu'on se gargarise, en France, de la présomption d'innocence, alors, qu'en fait, elle n'existe dans la tête de personne. C'est sans doute parce qu'elle ne se grave pas dans les couches profondes du cerveau, qu'il faut la rappeler sans cesse. Le rendement de cette répétition est toujours aussi faible!

Le document publié par le Monde.fr est chapeauté par une video de l'entretien. Manifestement, très peu d'internautes l'ont visionné! Ils se sont fiés à la distillation fractionnée opérée par le Monde. Cela vaut la peine de voir la video. Certes, Bernard Tapie est sur ses gardes. Mais il explique, détaille la rédaction des décisions de justice, explique au journaliste ce qu'est la cour de cassation, axe de l'ignorance nationale, et finit par s'énerver de la mauvaise foi de l'interviewer. À la fin, oui, ça barde! Cerise sur le gâteau, Tapie cite en premier, parmi les amis qu'il a gardés de son passage par la politique*, Jean-Luc Mélenchon!

Sceptique

*Bernard Tapie a tâté de la politique, acceptant un portefeuille de Ministre (de la ville), et mal lui en a pris. Manifestement, il n'y était pas préparé, c'était un monde qui lui était étranger. Si les hommes d'affaires ne se font pas de cadeaux, ils se servent d'un objet intermédiaire, l'argent. Les hommes politiques, dont l'objet, le pouvoir, est immatériel, ciblent directement l'adversaire, le rival, lancent des calomnies, des rumeurs. Ils préfèrent les mines, les bombes à retardement, aux tirs directs.