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Sceptique
23 octobre 2010

Lois de bioéthique: entre prudence et séduction.

J'ai eu la tentation d'employer des mots bien plus durs pour qualifier la mise à jour de nos lois de bioéthique, dont le projet sera prochainement soumis au parlement.

Préparée depuis deux ans avec un renfort de "démocratie participative", la participation de citoyens volontaires et instruits sur le dossier, on sait qu'elle ne comportera aucune audace la rapprochant des nouvelles pratiques de procréation médicalement assistées, permises par les progrès techniques, les meilleures connaissances de la biologie de la reproduction, le développement, ailleurs que chez nous, d'une tolérance assez ébouriffante, il faut le reconnaître. Qui pose toujours la même question: la tolérance est elle signe de décadence, ou de progrès? Il n'y a pas de doute que notre opinion se clive sur la réponse.

Donc, pas d'audace, dans aucun domaine. J'ai failli oublier les questions de l'euthanasie active, du suicide assisté, au profit des malades au delà des possibilités de la médecine, ou des grands handicapés.

Par contre, une faveur, de taille dans le contexte d'aujourd'hui, le droit des personnes devant leur vie à un don de sperme, ou d'ovocyte*, d'accéder à leur dossier, et de connaître le nom, et l'adresse du donneur. Une réserve, cependant: l'organisme qui jouera l'intermédiaire demandera au donneur son consentement. Et aucune obligation ne résultera de la rencontre entre donneur et receveur.

Ce sont les réserves que les prédécesseurs de la France sur ce terrain ont tous adoptées, apparemment sans dommage pour personne.

Mais ayant rencontré, dans l'exercice de ma profession, beaucoup d'hommes (aucune femme, dans mon souvenir), obsédés par la recherche de leur origine paternelle, ou plus rarement maternelle, et m'interdisant, par éthique professionnelle, de donner le moindre avis sur l'opportunité de cette recherche, j'ai accompagné ces patients jusqu'au succès de leur démarche. Le "bof!" est généralisable. Je n'ai jamais été témoin de la construction d'un lien positif et durable.

Cela tient peut-être à l'intensité de l'attente placée dans la démarche. C'est celle d'une nouvelle histoire, extraordinaire, effaçant la vraie, reconsidérée avec une bonne dose d'ingratitude et de dénigrement. "L'autre histoire" n'aurait pu qu'être meilleure. La déception qui suit la rencontre avec le géniteur ou la génitrice met le "sujet" dans la position inconfortable de l'entre-deux...chaises. Mais il est impossible de lutter contre la part d'imaginaire qui caractérise tout retour d'un sujet sur SA vie. Il s'agit pour lui, après la revendication satisfaite d'en être l'acteur,de se convaincre, dans un deuxième temps, d'en devenir le vrai auteur**.

Le débat de société, consacré aux retraites, n'a pas lésiné sur le recours à l'imaginaire, empruntant beaucoup aux "thrillers" et aux films d'horreur. Celui qui s'annonce sur les lois de bioéthique lui fait une part préventive et lui promet une satisfaction.

Faudra-t-il inscrire dans notre constitution, à côté du principe de précaution, les droits de l'imaginaire?

Sceptique

*ovocyte: gamète élaboré par l'ovaire, et destiné à la rencontre avec un spermatozoïde, le gamète masculin. Leur réunion constitue "l'oeuf", puis l'embryon, le foetus, le nouveau-né. A-t-il "demandé à vivre", grave question des années post-68? Non. Il s'est emparé de la vie, sans demander la permission.

**En fait, oui, il l'est!

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Commentaires
S
Par définition, le pouvoir issu des élections est "précaire et révocable". Chaque élection, présidentielle, puis législative, dégage une majorité qui dispose des pouvoirs législatif et exécutif. Elle peut donc débattre des questions d'éthique. <br /> La plupart des modernisations de notre société ont bénéficié d'un consensus entre droite et gauche, les résistances étant plus fortes à droite qu'à gauche.<br /> Toute décision d'une majorité peut être abolie ou corrigée par une autre. L'expérience montre que ce n'est pas courant, quelle que soit la vigueur des empoignades qui ont précédé la décision!
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P
il reste qu'on peut hésiter à confier à une majorité parlementaire provisoire le pouvoir défaire des usages séculaires.
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S
Il est certain qu'en cette matière, ceux qui "poussent à la roue" ont des motivations personnelles, y placent une signification particulière.<br /> Mais ceux qui freinent font généralement appel aux croyances traditionnelles, à un "sacré" qui ne l'est plus que pour eux-mêmes.<br /> Ma position habituelle est de dire qu'une évolution constitue une liberté nouvelle et non une obligation. Notre réticence est souvent fondée sur une croyance: "tout ce qui sera permis deviendra obligatoire." La pilule devait dépeupler la France. Itou pour l'IVG . Nos voisins plus avancés ne connaissent pas les catastrophes dont nous voulons nous protéger.
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P
dans les domaines relevant de la bioéthique l'audace est-elle vraiment opportune? pourquoi ne pas procéder avec lenteur et prudence?
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Sceptique
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