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Sceptique
27 octobre 2010

Des penseurs au secours de l'opposition

J'ai été marqué par l'aphorisme d'une amie enseignante:"Il ne faut pas confondre intelligence et instruction." Autrement dit, si l'organisation d'une société moderne repose sur un maillage de personnes présumées aptes, par leur niveau d'instruction, à recevoir délégation par la société d'une tâche déterminée et de la responsabilité partielle et spécifique qui s'y rattache, rien ne prévoit que l'exécution de la tâche mettra en jeu l'intelligence de l'intervenant. Les tâches étant le plus souvent bien définies, l'aptitude des exécutants façonnée par la formation et vérifiée par le contrôle des connaissances, l'intervention de l'intelligence, n'est, dans les circonstances ordinaires, ni nécessaire, ni souhaitable.

Il est évident que ce système a pour avantages la stabilité, l'automaticité, la prévisibilité. Il constitue le socle de toute société qui fournit à chacun de ses membres les services nécessaires à son bien-être. On a vu, dans notre histoire, sa capacité à se substituer au pouvoir politique frappé par une indisponibilité temporaire ou durable. Encore aujourd'hui, certains de nos pays voisins ne paraissent pas souffrir des crises gouvernementales qui sont leur lot permanent ou presque. Les gouvernements démissionnaires expédient les "affaires courantes", en attendant un accord politique sur un nouveau gouvernement. Le pays marche paisiblement, sans à-coups, sans manquement grave.

Par contre, il ne faut pas attendre d'un tel système qu'il s'adapte spontanément à un environnement changeant, ou qu'il corrige des dysfonctionnements répétitifs et frustrants pour des victimes. Il ne faut pas non plus que son niveau de responsabilité internationale exige des engagements débordant ses frontières, au sens large du terme.

C'est ce qui est arrivé à notre pays, dans les années 50  à 60. Entre les péripéties de la guerre froide et les divisions sur la décolonisation en marche, le système de la IVème République, avec ses majorités de gouvernement hétéroclites et instables, était incapable de trouver une solution saine à la guerre d'Algérie. On ne pouvait quand même pas demander à l'administration, qui assurait le train-train quotidien, de prendre en charge une affaire purement politique. L'appel au général De Gaulle, poussé et tiré par ses fidèles partisans, finit par être admis par les hommes politiques de l'époque, et par l'intéressé lui-même. Son autorité naturelle, adossée à son rôle historique pendant la guerre de 39/45, lui permit de constituer un gouvernement "multicolore", rouge vif excepté. Une partie de ses soutiens de l'époque aurait admis qu'il fasse le sale boulot et qu'il s'en aille après, les laissant reprendre leurs jeux, mais il usa de son influence pour faire élaborer une nouvelle constitution, permettant une réelle stabilité de l'exécutif. La politique retrouvait le dernier mot.

Le désastre de la IVème République est maintenant bien oublié. La constitution de la Vème République a créé le bi-partisme de fait, chaque "moitié" rassemblant une nébuleuse autour d'un noyau plus massif. Désormais, la durée d'un gouvernement ne se chiffre plus en semaines ou en mois, mais en années, cinq, au maximum. Le temps parait long pour ceux qui sont dans l'opposition, de quelque orientation qu'elle soit. Mais une différence est observable: la droite fait le décompte des bêtises faites par la gauche au pouvoir, mais attend l'heure du bilan, sans remettre en cause sa constitution. La gauche ajoute à ses critiques la remise en cause des institutions, et met en exergue l'agitation de la rue et les sondages pour exiger du gouvernement qu'il renonce à son droit constitutionnel à gouverner.

Or, on voit bien qu'il n'existe pas de gouvernement qui satisfasse la majorité des citoyens, qui ne dérange aucune minorité, qui ne reçoive des critiques professionnels que des satisfecits. Les sondages favorables ne durent que quelques mois. Ils s'inversent franchement au bout de quelques années. Dans l'esprit de certains, ces sondages "favorables" (à l'opposition), devraient suffire à ce que la majorité désavouée leur remette le pouvoir, sans attendre les échéances électorales programmées par la constitution. 

La philosophie, la psychanalyse, aussi, parait-il, se mobilisent désormais pour un transfert des responsabilités immédiat, sur la foi des sondages. Ainsi, pour Madame Cynthia Fleury, Professeur de Philosophie, "Diriger, c'est conduire un peuple avec son assentiment."(le Monde du 24/25 Octobre, p.10) L'idée est d'emblée séduisante, mais n'est confirmée par aucune vérification historique. L'affirmation péremptoire ne vient que de son coeur ou de sa tête. Quant à la psychanalyse, c'est une science du particulier, et le collectif est en dehors de sa compétence. La conviction de certains psys qu'ils feraient beaucoup mieux que les politiques s'ils étaient aux affaires, en raison de leur pratique, précisément, reste purement théorique, si on met à part le psychiatre serbe Karadjic, à l'action en Bosnie, dans les années 80.

Leur postulat serait la totale compétence, la totale absence d'une influence quelconque du parti, du syndicat, du média qui ont sa préférence, du citoyen lambda, dans l'exercice de ses droits politiques, parmi lesquels celui de manifester, ou de participer à une grève purement politique, visant l'État à travers les citoyens qui vivent sous sa garantie.

Or, cela fait partie de leur science: il n'y a pas de désir, d'emblée, et spontanément, collectif. Il est nécessaire qu'un groupe se forme autour d'une idée, d'un projet, d'une action, et que ce groupe se structure en se choisissant un leader, qui a son tour se choisit des adjoints, avant de concrétiser ce que les psys, justement, nomment "le transfert groupal". Ce travail de structuration des groupes est bien connu par ceux qui entendent s'en servir à leurs fins, et ils n'attendent pas leur apparition spontanée. "Ils" mobilisent, comme ils disent, reprenant un terme militaire qui a beaucoup servi, et recouvre un travail méthodique, jamais improvisé, même s'il donne une impression de pagaille.

Dans l'affaire qui vient de diviser, une fois de plus, le peuple français, il y a eu de part et d'autre, une intention, un projet, une méthode, une tactique. Il y a eu, comme pour tout conflit d'importance, des chefs, des états-majors, des subalternes...et des bidasses!

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