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Sceptique
13 décembre 2010

Les hommes et les forêts

Pour peu qu'il pleuve en quantité suffisante et de manière régulière, qu'il ne fasse pas trop froid, que l'air soit suffisamment oxygéné, les sols se couvrent "naturellement" de forêts, très denses dans les zones équatoriales et tempérées, clairsemées et partageant l'espace avec des savanes, dans les régions tropicales, qui subissent une saison sèche.

Dans les articles publiés aujourd'hui, l'adjectif "tropical" est utilisé abusivement, permettant la confusion entre les forêts équatoriales, et les forêts tropicales. Les premières, très denses, ne sont pas propices à l'homme. Elles sont peu peuplées, et seulement de chasseurs cueilleurs, qui pratiquent parfois une agriculture de subsistance, avec la technique du brûlis*. Aucune civilisation d'importance n'a été produite en zone forestière équatoriale**.

Par contre, les zones tropicales, aux forêts clairsemées, sont plus favorables à l'homme, qui y a pris naissance, il y a quelques millions d'années, à l'est du Rift*** africain, moins arrosé que son bord ouest. La savane permet ses déplacements, elle nourrit beaucoup de gibier, et l'agriculture et l'élevage y furent possibles, dès que l'homme les inventa. Ce sont ces zones, sur les divers continents où l'homme moderne s'est répandu, qui ont vu se former des civilisations puissantes, organisées, constructrices, guerrières, et....religieuses.

Les zones actuellement tempérées, vers lesquelles le centre de gravité des grandes civilisations humaines s'est déplacé, ont subi longtemps une glaciation, qui ne permettait que le développement de savanes et de forêts rabougries, et un peuplement humain peu nombreux de chasseurs-cueilleurs, à la nourriture essentiellement carnée. Ce n'est qu'à la fin de la dernière glaciation que l'homme moderne prit pied en Europe et en Asie, et y acquit les moyens quantitatifs et qualitatifs de la formation de civilisations. Notons, c'est un point important, que ces zones, dégagées des glaces, se couvrirent de forêts denses, qu'après l'introduction de l'élevage et de l'agriculture, l'homme dut défricher.

Si j'insiste sur cette séquence, c'est que le discours de l'homme hautement civilisé des zones tempérées de l'hémisphère Nord, consiste à culpabiliser les hommes d'autres régions du monde, qui, poussés par le besoin, défrichent leurs propres forêts. "Vous nous pompez l'air" résumerait bien leur discours. Les arbres des autres, ce sont nos puits de carbone!

La déforestation est un vrai problème en zone tropicale, surtout quand elle résulte d'incendies volontaires, destinés à dégager des surfaces cultivables, mais, sous ces latitudes, difficiles à contrôler. Les surfaces inutilement découvertes sont rapidement décapées de leur mince couche d'humus, et les argiles subissent, par l'ardeur du soleil, une transformation physico-chimique en latérite, définitivement stérile. Leur réhabilitation nécessite des travaux et des investissements importants, qui ne sont que rarement à la portée de ces nations.

Mais elle est abusivement dramatisée en zone équatoriale, où, dès qu'elle est rendue à la nature, une surface qui a été cultivée se recouvre rapidement de végétation, remplacée ensuite par la forêt. Il y a des zones équatoriales humides dont le sol est suffisamment riche pour être cultivé durablement. Mais ailleurs, comme en Amazonie, le défrichage et le "brûlis" ne permettent que deux ans de récoltes. Il n'est pas possible à de petits exploitants, par ailleurs sans connaissances techniques, d'y prospérer. Des "latifundistes" rachètent les concessions, mais n'en font pas grand chose de plus. Si les nations occidentales, inquiètes, veulent y compter leurs puits de carbone, qu'elles en proposent une location de longue durée!

Quant aux forêts, tropicales, du Matto Grosso, mises en culture, ce que "dénoncent" les photos satellitaires, elles subissent le même traitement que la Brie, la Beauce, et la Picardie, connurent il y a des siècles. Contrairement à la réputation qui leur est faite aujourd'hui, les agriculteurs ne détruisent pas leur gagne-pain. Et pour le plus grand orgueil des écologistes qui ont l'occasion d'en faire l'expérience, ces terres de qualité se couvrent de végétation comprenant de futurs arbres, dès qu'on les laisse tranquilles. Orgueil, parce qu'ils pensent que c'est  leur découverte.

Un article du "Monde" daté du 11 Décembre, signé Laurence Caramel, observe, à propos d'un exemple en Extrême-Orient, que les efforts d'une nation pour reconstituer son capital forestier, se traduit par une importation compensatrice de bois de pays voisins, moins soucieux****de leurs propres forêts. Le bois est un matériau utile à l'homme, et, en l'occurrence, puisqu'il s'agit du Vietnam, ce pays a des forêts qu'il soigne bien, mais il a aussi une industrie du bois, dont il exporte les produits finis (nos mobiliers de jardin!). Si l'humanité s'interdit tout usage du bois, et, bien sûr, aussi, du plastique, où va-t-on?

Question de "pomper l'air", on voit que l'Occident, qui domina le monde à partir du 16ème siècle jusqu'à la deuxième moitié du 20ème, reste subtilement colonialiste, mais cette fois-ci, non plus par orgueil ou par cupidité, mais par peur. Peur de manquer. Et la peur de manquer, on l'observe en périodes de crises, pousse à vider les rayons des magasins, à vider les cuves des stations-services, au chacun pour soi.

C'est humain, mais pas vraiment glorieux.

Sceptique

*Les arbres sont abattus, sur quelques centaines de mètres carrés, puis brûlés, dès qu'ils sont secs. Les plantes utiles sont installées, sans labour, à l'aide d'un bâton pointu. 

**La civilisation Inca des Andes s'est développée en haute altitude, où il n'y a plus de forêt dense.

***Le Rift africain est une cassure longitudinale, ébauche d'un océan pour un futur lointain. Les reliefs qui le bordent déterminent une différence de pluviométrie et de végétation, entre l'Ouest, et l'Est.

****Jugement sommaire et intrusif, comme nous en avons...l'habitude.

 

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Commentaires
C
Très juste. A tout hasard, je vous signale une organisation que vous connaissez peut-être, le World Agroforestry Centre - http://www.worldagroforestrycentre.org/ qui a notamment démontré que, contrairement à ce qu'on pense, plus une agriculture est intensive, plus l'agriculteur plante des arbres.
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Sceptique
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