Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sceptique
16 février 2011

Lettre à mon ami d'Égypte

 

Très cher B.,

Je vais essayer de vous donner mon opinion sur les événements du monde arabe et de l'Égypte en particulier. 
Tout a commencé par la Tunisie. Ben Ali a d'abord été un "despote éclairé", comme l'avait été auparavant Bourguiba , chef naturel de la Tunisie, puisqu'il avait été à la pointe du combat contre la France pour qu'elle se retire de Tunisie (où elle avait imposé son protectorat au XIXème siècle). Je savais, à la suite des confidences d'un tunisien (en 2003) que le système était injuste pour les pauvres, qui ne profitaient pas de la manne touristique. Et depuis assez longtemps, nos journaux évoquaient les conflits politiques ou sociaux, et leur répression brutale. La dérive "népotique"(et maffieuse) du régime au profit de la famille Trabelsi, dont la femme de Ben Ali est issue, a été la goutte qui a fait déborder le vase. Si la police a agi avec sa brutalité habituelle, l'Armée tunisienne n'a pas apporté son appui au chef de l'État. Il a du partir précipitamment. 
Ce qui a attiré mon attention vers l'Égypte, ce sont les manoeuvres effectuées par le régime pour écarter toute opposition du parlement, lors de son dernier renouvellement . Cette opposition perdait tous les sièges qu'elle avait conquis lors du précédent renouvellement. C'était "mathématiquement" impossible. Certaines informations que vous me donniez sur les difficultés de votre vie, sur un certain désordre administratif et économique, me laissaient penser que l'Égypte ne fonctionnait pas bien. L'attentat contre l'Église copte témoignait d'une tension haineuse.
Le peuple des villes s'est révolté brusquement. Il est toujours plus évolué, plus informé, que le peuple des campagnes, et il est beaucoup plus dépendant de la bonne marche de l'économie. La révolte d'un peuple, pourvu qu'elle soit massive, peut abattre un pouvoir qui n'a d'argument que sa force, qui n'est pas soutenu par des institutions solides. En Égypte, l'armée est une institution, mais elle s'est démarquée, en cette circonstance, du régime de Moubarak.
Une foule en colère, par contre, ne peut être capable de construire. C'est pourquoi une révolution est toujours une période incertaine et dangereuse, le pouvoir ne pouvant être récupéré que par une force organisée, préparée à l'occupation des postes clés du fonctionnement du pays(administrations, sécurité, communications....). En Égypte, la vie politique ayant été jusqu'ici très réduite, aucun parti, ou aucune coalition politique n'était prête à jouer ce rôle. Il n'y a que l'armée qui soit capable de le faire, et tout repose sur elle, sur son habileté, son autorité morale, son unité propre (que la vacuité du pouvoir n'inspire pas des ambitions cachées).
Il y a cependant une urgence à remettre la pays en route, à rétablir une sécurité parfaite, car l'Égypte dépend étroitement de ses relations internationales et de son activité touristique. La situation actuelle est cause de misère dans l'ensemble des sites touristiques. Une fois "remise sur ses rails", l'Égypte devrait être très différente par le sentiment de liberté de ses habitants, l'ouverture de l'information, la formation de nouveaux hommes politiques. Pour autant, l'homme ne deviendra pas subitement meilleur, la tolérance connaitra des insuffisances, et des violences s'exprimeront, ainsi que des ambitions, considérant qu'elles méritent plus le pouvoir que les autres. 
L'histoire montre qu'une révolution devient une dictature si elle dure trop longtemps, si ceux qui l'ont faite restent au pouvoir. C'est peut être un avantage qu'ont les révolutions arabes d'aujourd'hui d'avoir été spontanées, sans leaders, "méritants", exigeant leur récompense sous la forme d'un pouvoir sans partage et sans limites. C'est ce type de pouvoirs qu'a généré la décolonisation, que leurs meneurs et leurs militants ont revendiqué, et qu'ils ne lâchent plus, cinquante ans après.
Voilà le condensé, le plus fidèle possible, de mon jugement sur la Révolution du 25 Janvier.
Avec mes meilleures pensées,
S.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Sceptique
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité