Alain Juppé au Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro (2011)

Le temps passe vite! Le précédent passage devant ce Grand Jury me paraissait tout frais. C'était en Septembre dernier!

C'est toujours le même homme posé, réservé, contrôlé, mais ferme dans ses convictions et ses analyses.

La première question, de dimension nationale, porte sur l'intervention en Libye, que l'opinion juge insuffisamment concluante, et coûteuse.

"Elle a été justifiée par la volonté affichée et agie de Khadafi de massacrer ses opposants.Il est toujours là, mais réellement affaibli. L'étau autour de Misrata a été desserré, la rébellion marque des points dans l'Ouest, les défections se multiplient.La solution politique est recherchée. La question n'est plus seulement: "Khadafi doit-il partir?"( Il DOIT partir), mais "comment va-il partir?" Le Ministre des Affaires Étrangères est obligé de préciser que ce n'est pas LUI qui le dit, mais les diverses instances internationales comme le G8 et la Ligue Arabe.

"Certains pays voudraient se dégager", observe Revel. "Pour le moment aucun n'a fait défection, et nous avons les moyens de continuer."

Y aura-t-il une visite de Sarkozy à Benghazi? Quand ce sera possible. Nous avons là-bas un représentant officiel de haut niveau.

"Le budget militaire ne cesse de baisser depuis des années", remarque E.Mougeotte, "comment faites-vous pour maintenir ces interventions extérieures?"-"Nous re-déployons en permanence nos moyens. Nous avions près de 1.500 hommes en Côte d'Ivoire, que nous retirons progressivement.

"Vous ne craigniez donc pas d'enlisement?" "Le CNT se renforce, les choses avancent".-"Vous allez devoir, dans le cadre de la Constitution, rendre compte au Parlement de cette intervention libyenne. Pensez-vous recevoir un soutien large?"-"Nous n'espérons pas l'unanimité, certains groupes sont opposés à l'intervention. Mais le Parlement est régulièrement informé de la situation.

"Êtes-vous informé des contacts entre les rebelles et le camp de Khadafi?"-"Oui, ils existent, ils font partie de la solution politique."

Et en Afghanistan? Les américains annoncent un repli...et vous aussi! Vous êtes accusé de suivisme."C'est ridicule. Dans le contexte actuel, toute décision est qualifiée d'électoraliste. Nous avons annoncé il y a longtemps cette coordination avec notre allié américain. Et tenir compte de l'opinion fait partie de la pratique démocratique.

"Y-at-il un lien entre cette annonce de retrait et la libération de nos otages?" "Non, nous travaillons tous les jours à leur libération."

"Il est de plus en plus évident que le Pakistan a accepté la présence de Ben Laden sur son territoire, et qu'il l'a protégé par le silence. Que pensez vous de cette duplicité évidente?"-"La question du Pakistan se pose..."

"Que fait-on pour la Syrie?"-"Nous n'avons pas de mandat international à cause de l'opposition de la Russie et de la Chine. Mais par ailleurs, nous ne pouvons intervenir partout. La situation, intolérable, en Syrie a des répercussions au Liban et en Israël. Elle est profitable au Hesbollah. Il y aura une réunion du Quartet à la mi-Juillet. Nous reviendrons sur notre proposition d'une Conférence de Paix pour le Proche-Orient."-"Et si ça ne marche pas?"-"Nous aurons tout fait...."

"Les chefs de gouvernement ont du mal à s'entendre sur le dossier grec."-"Ils se sont entendus!"-"Il faut surmonter cette crise, ne pas laisser se produire une chaine de faillites, une dislocation de l'Europe." Cette crise doit nous conduire à une Europe fédérale, avec un gouvernement européen doté de pouvoirs économiques et financiers.

"L"euro est-il trop fort?" "Il y a une contradiction entre les accusations de laxisme budgétaire et ce constat d'un euro apprécié. La spéculation est facilitée par les divergences des États, qui ont la capacité de réagir, mais le font trop lentement.-Les tendances "centrifuges de l'Allemagne sont corrigées par sa conscience de ce que l'Europe est son principal client: 60% de ses exportations."* -La Grèce a commis des fautes, mais il ne faut pas la tuer!"

"Pourquoi le Président est-il si impopulaire?"-"Parce qu'il fait des réformes courageuses." "C'est le meilleur candidat. Il a bien travaillé, à chaque crise, il a fermement tenu la barre."

"Le Rassemblement des Centres?"-" Il peut échouer. Mais de toute façon, ce n'est pas une bonne opération."

"Les craintes de J.F. Copé sur les risques(le fichage des opinions) de la primaire socialiste?"- "La primaire est un bon procédé, et nous l'utiliserons en 2017. Je n'en craignais pas les risques, mais les démonstrations de Claude Guéant m'ont convaincu.*"

"Le retard à réagir au "Printemps arabe"?-"Nous n'avons pas été les seuls!"

"63% des français favorables au mariage des homosexuels?"-"La société française a évolué, je suis pour une égalité....mais sous un autre nom que le mariage. Quant à l'adoption par les couples homosexuels...je n'en suis pas encore là."

"Avez-vous vu le film "La Conquête"?"-"Je ne voulais pas, ma femme a insisté pour que nous nous le voyions. On en sort un peu plus sarkozyste! Les méchants ne sont pas ceux auxquels on pense."

Sceptique

*Ces primaires socialistes ont une particularité: elles sont ouvertes à tous les électeurs qui reconnaitront les "valeurs de la gauche". Mais pour prouver: 1)qu'ils sont électeurs. 2)qu'ils n'iront pas voter plusieurs fois, il faut que les bureaux de vote (le P.S. répugne au vote par internet) soient munis de copies des listes électorales de leur commune, et fassent émarger les votants. Le Parti saura donc 1)qui est venu, présumé "à gauche". 2)qui n'est pas venu, présumé "à droite". Les copies des listes seront détruites, mais....tous les portables sont dotés d'un appareil photo!!!