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Sceptique
28 août 2011

Chasse au loup? Non, à l'homme, Monsieur!

Il y a des moments où je comprends le souverainisme. Car les nations qui ont construit ensemble l'Union Européenne ont laissé s'installer, dans des rôles qui touchent à la vie quotidienne, ou parfois professionnelle, de leurs habitants, des censeurs très soucieux de mettre un terme au mode de vie d'une catégorie de ces habitants, devenue minoritaire , les campagnards. Ces censeurs ont fait un choix radical: interprétant la vie humaine comme une offense permanente à la nature, ils ont choisi de défendre cette dernière contre l'homme. Le campagnard est le paradigme du colonialiste de la nature. Pendant des millénaires, il a été le seul à l'exploiter. Les deux derniers ont vu son triomphe, particulièrement en Europe, où la nature a été réduite en esclavage, contrainte à servir l'homme.

La plupart des hommes vivent maintenant dans des villes, pas moins coupables d'offense à la nature, mais dont les habitants, absorbés dix à onze mois par an par leur tâche quotidienne, sont devenus indifférents à ceux qui sont maintenant à des heures de route de leur cité. Ils ne les voient que de temps en temps, à l'occasion de leurs vacances. Ils savent, grâce à la télévision, qu'ils sont rarement satisfaits de leur vie, mais qu'ils ne veulent pas en changer. "S'ils ne veulent pas nous rejoindre en ville, qu'ils cessent de gémir", concluent-ils.

Cette prise de distance fait l'affaire de nos censeurs, qui ont la tête et les mains libres pour régler leur compte à ces attardés d'une histoire révolue.

Parmi les méfaits qui ont marqué leur triomphe figure l'exclusion du territoire national des derniers animaux prédateurs pouvant supporter le climat de l'Europe: le loup et l'ours. Leur existence, autrefois, avait fait la matière de légendes calomnieuses, faisant frémir des générations d'enfants influençables, et installant dans leur esprit malléable des préjugés implacables: une rencontre avec un loup ou un ours, c'était lui ou moi. Si je ne voulais pas mourir, il fallait que je le tue.

La critique de ces légendes n'était pas, en elle-même, malsaine. La vérité et la justice apportent une satisfaction. Diverses personnalités s'attachèrent à démontrer que les loups étaient de charmants animaux de compagnie. Une de nos plus talentueuses pianistes a bien failli disparaître de nos salles de concerts, un de ses amis ayant laissé trainer ses dents sur une de ses mains. Mais dans l'ensemble, en respectant bien quelques règles de sécurité, pour eux-mêmes, mais surtout pour les curieux, admis à voir de près leurs bêtes, les amis des loups ont la même espérance de vie que les autres. Pour les ours, manifestement, ça n'est pas encore ça.

Pour revenir à nos...moutons, à la fin du précédent millénaire, il n'y avait plus, en deça de nos frontières, ni loups, ni ours. C'était un scandale pour les défenseurs de la nature, car pour eux, comme pour l'Arche de Noé, il n'est pas admissible qu'un territoire n'abrite pas une espèce qui a pu y vivre autrefois, en nombre redevenu suffisant pour y prendre sa place, et la garder. Cette "biodiversité" serait une condition "sine qua non" de la vie "tout court". S'il n'y avait plus de loups, plus d'ours en France, la France en mourrait, à coup sûr.

Des loups, il en subsistait, en Italie, dans la chaine montagneuse des Abruzzes. Une chaine continue de montagnes relie les Abruzzes à nos Alpes du Sud. Au fil des ans, profitant de la paix que leur laissaient les italiens, les loups italiens arrivèrent à notre frontière, la franchirent, et se firent connaitre des bergers du Mercantour. Fallait-il sortir les fusils? Que nenni, "ils y sont, qu'ils y restent!", crièrent les Mac Mahon modernes. Ce qui fut décidé. Les bergers furent dédommagés de leurs pertes, et, de toute façon, politiquement minoritaires, ils avaient juridiquement tort. On n'allait pas faire un fromage, fut-il de brebis, pour un ou deux loups. 

Mais les loups furent ingrats, et profitèrent de la paix qui leur était laissée, pour croître en nombre et en territoires de chasse. La nourriture était abondante et renouvelée. Les portées de louveteaux étaient bien nourries et vigoureuses. Toutes les Alpes sont maintenant conquises, les massacres de brebis et d'agneaux sont de plus en plus spectaculaires, et les bergers oscillent entre la colère et le désespoir. L'opinion des hommes des villes est ébranlée. Mais les censeurs veillent. Leur entrisme à Bruxelles a payé. Leur pensée y a pris la force de la loi. Entre le loup et l'agneau, le choix est définitif, c'est le loup. Le gouvernement français est coincé par ses engagements européens. Il ne pourra faire procéder à une chasse au loup autre que symbolique, incapable de le faire reculer. L'espèce compte même maintenant un représentant dans les Vosges, un vrai tueur, mais peut-être célibataire. On prie pour qu'il meure d'indigestion, sans descendance. Un répit, de toute façon.

Consolons-nous en apprenant que les Suédois sont harcelés par Bruxelles pour le même motif. Ils ont des loups, suédois "de souche", qui, apparemment, causent des soucis à des hommes suédois, également "de souche". Mais avec un effectif de 200 loups, seulement, Bruxelles craint la consanguinité, préjudiciable à leur bonne santé, et voudrait que la Suède en laisse augmenter le nombre. La Suède voudrait bien obéir, par conscience européenne, mais apparemment, il y a de l'eau dans le gaz, là-bas aussi (même si le bruit de nous parvient pas), et la Suède a assorti sa promesse d'obéissance d'une préoccupation pour ses citoyens en première ligne lupique.

Sceptique

P.S. Je n'ai pas parlé de l'ours, propriétaire exproprié des Pyrénées, versant français. L'ours espagnol semble rechigner à passer la frontière. On l'aurait volontiers laissé ré-occuper le versant nord. Faute de cette bonne volonté, pour éviter que la France succombe au manque d'ours, "on" y a installé quelques repésentants des deux sexes, capturés en Slovénie. Au grand dam des bergers pyrénéens (voir plus haut). Comme ça y est, elles ont fait des petits, les braves ourses slovènes, notre Ministre de l'Environnement a décidé de laisser en paix les montagnards pyrénéens. Ce n'est pas par calcul électoral: l'opposition est encore plus pro-ours que pouvait l'être la ministre. Mais, on ne sait jamais. Une voix est une voix. 

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Commentaires
S
Ce sont les "amis" des loups qui ont fait de ces récits des calomnies. J'avoue que j'ai été un moment ébranlé par cette mise en doute de la dangerosité des loups. Il est possible que les loups d'autrefois n'étaient pas aussi bien nourris que ceux d'aujourd'hui, ce qui les poussait à s'attaquer aux humains.<br /> J'ai lu il y a quelques années un roman, "La tuile à loups", imaginant le retour de loups dans un village d'Auvergne bloqué par un hiver intense.
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L
"Leur existence, autrefois, avait fait la matière de légendes calomnieuses, faisant frémir des générations d'enfants influençables, et installant dans leur esprit malléable des préjugés implacables.<br /> <br /> Si vous lisez les ouvrages de l'historien Jean-Marc Moriceau, qui puisent dans les archives les plus sérieuses, vous verrez qu'il n'y avait ni légendes calomnieuses, ni préjugés implacables et que la peur du loup avait de solides fondements dans la réalité.<br /> <br /> Cette histoire de légendes et de préjugés est un mensonge de plus colporté par les escrologistes.<br /> <br /> Bien à vous.
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S
Bravo, et merci!
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L
Votre billet m'a inspiré un pastiche de la fable "Le Loup et l'Agneau". J'ai vu que vous aimiez ça.<br /> <br /> LE LOUP ET L'AGNEAU<br /> <br /> <br /> Le plus fort ne le reste plus longtemps.<br /> Nous l'allons montrer à l'instant.<br /> Un Loup se désaltérait<br /> Dans le courant d'une onde pure.<br /> Un Agneau costaud survient, qui cherchait aventure,<br /> Et que la soif en ces lieux attirait.<br /> "Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?"<br /> Dit cet animal plein de rage:<br /> "Tu seras châtié de ta témérité."<br /> -"Sire, répond le Loup, que votre Majesté<br /> Ne se mette pas en colère, <br /> Mais plutôt qu'elle considère<br /> Que je me vas désaltérant<br /> Dans le courant,<br /> Plus de vingt pas en dessous d'elle,<br /> Et que par conséquent, en aucune façon, <br /> Je ne puis troubler sa boisson!<br /> Tu la troubles, reprit l'Agneau cruel, <br /> Et je sais que de moi tu médis l'an passé.<br /> Comment l'aurais-je fait? En Italie j'étais, <br /> Reprit le Loup, je passai à l'instant la frontière!<br /> "Si ce n'est toi, c'est donc ton frère!"<br /> "Je n'en ai point". "C'est donc quelqu'un des tiens:<br /> Car vous ne m'épargnez guère, <br /> Vous, et vos amis les chiens!<br /> Mon berger tient à moi, son salaire en dépend."<br /> La dessus, avisant un pandore, le clandestin dénonce.<br /> En vain! Un permis de séjour, le brigadier annonce!<br /> <br /> Jean de La Fontaine (m.a.j. par Lambda)
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