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Sceptique
21 septembre 2011

Quand la médecine est formidable, à condition d'en sortir!

La médecine est un métier très prenant, qui enferme le praticien dans un "destin", une fonction sociale, une attente....de ses patients, réguliers ou occasionnels.

C'est aussi un métier qui exige des études d'un niveau élevé, dont l'accès est filtré par un concours sévère. Si quelques uns sont comme des cyclistes, la tête encastrée dans le guidon, beaucoup cherchent une détente dans une pensée différente. Pour la plupart, un "hobby" quelconque. Mais certains s'engagent en politique, discipline non moins prenante et envahissante que l'originaire. À partir d'un certain degré d'engagement, il faut choisir: le médecin cesse de l'être et devient politicien. Il ne lui reste de son métier que d'être un expert de circonstance. Si, le plus souvent, la santé est une affaire trop sérieuse pour être confiée à un médecin (l'aptitude à être ministre est séparable de la conviction politique), il est sûr que s'il est parlementaire, il aura à s'occuper prioritairement des questions de santé, globales, ou ciblées.

La majorité des médecins "politiques" s'engage à droite. Sans doute l'exercice de la profession, dans les sociétés libérales, combiné à l'origine sociale*,conduit à cette option. Mais certains s'engagent à gauche, parfois à l'extrême gauche, et cet engagement est corrélé à une critique du mode d'exercice libéral, majoritaire et très enraciné en France. Ces médecins engagés à gauche sont d'autant plus précieux à leur parti qu'ils sont rares. Dans toutes les affaires de la santé, ils sont en première ligne. Si on veut entendre dire du mal de la médecine française, c'est à eux qu'il faut tendre le micro.

Ainsi dans le "Monde" du 18/19 Septembre, page 37, un débat oppose le Docteur Jean-Marie Le Guen, du Parti Socialiste, à Philippe Juvin, de l'UMP, à propos de quelques problèmes posés "à", et posés "par", la santé et ses acteurs.

Les urgences à Paris. Pour y être passé à deux reprises, comme patient, j'ai pu en apprécier l'affluence, l'attente, mais aussi la méthode, rationnelle et efficace, et au bout du compte, la réussite, sans commune mesure avec celles que j'ai connues comme étudiant et externe participant aux gardes. Certes, c'est un déversoir dans lequel des norias d'ambulances des pompiers et d'autres viennent déposer tout ce qui se passe dans les rues d'une métropole: chutes, malaises, ivresses comateuses, et les pathologies plus complexes découvertes par les urgentistes professionnels qui se déplacent en ville. Le premier tri est rapide, mais le second peut être bien long, quand on souffre. On passe un nombre certain d'heures dans un lit-brancard, confortable et bien pratique pour les soignants et brancardiers qui vous balladent vers les divers laboratoires. Une fois dûment soigné, on finit la nuit sur son lit-brancard, surveillé par un personnel attentionné. Car il n'y a que de rares places dans les services de l'hôpital, pouvant en libérer dans les salles d'urgence.

Jean-Marie Le Guen trouve que l'affluence est excessive, et que sa cause est la démission de la médecine de ville. Si les praticiens et praticiennes d'aujourd'hui ne considèrent plus comme un devoir de participer aux gardes, et rendent leur organisation difficile et squelettique, il est en même temps impossible à des praticiens de ville de répondre à des urgences, même survenant dans leur clientèle, dans une cité où les visites se font à pied. L'organisation des urgences a répondu, par sa fondation, à cette impossibilté grandissante. De même les groupes d'urgentistes comme SOS-Médecins, qui se limitent à cette activité et dont l'éthique est irréprochable. Si le Docteur Le Guen a exercé la médecine en ville, il l'a oubliée, ou "refoulée" au nom de ses convictions.

L'hôpital serait, selon le même, contraint à devenir rentable. S'il est vrai que cette préoccupation n'existait pas au "bon-vieux-temps" de l'Assistance Publique, mais à quel niveau de prise en charge, l'apparition d'un tiers-payant, la Sécurité Sociale, exige au moins que la facture soit justifiée et pas délirante. L'égalité en matière d'accès aux soins s'est traduite par une inflation des dépenses de santé, qui sont prélevées sur la valeur ajoutée des autres activités. Quelles "autres"?, pourra-t-on dire bientôt! Toute la médecine, contrainte à faire de la bonne médecine pour...une certaine somme, fixée à l'avance, gémit sous cette contrainte, régulièrement bousculée et réajustée.

S'il fut une politique qui s'efforça par tous les moyens de contenir, et même réduire, les dépenses de santé en France, parce qu'elles "profitaient" à une corporation indocile, et globalement "ennemie de classe", ce fut justement la socialiste, à l'occasion de ses trois quinquennats de pouvoir**(1981-1986, 1988-1993, 1997-2002). Promotion des pseudo-médecines "alternatives", blocages des honoraires, numérus clausus des études, fermetures de formations de spécialistes. Nous en subissont encore les conséquences aujourd'hui, parce que c'étaient des mesures à long terme, indolores pendant longtemps. Et les gouvernements de droite qui leur succédèrent, affolés par la réalité des dépenses de santé, à l'allure de tsunami, ne lâchèrent la bride que modestement, et avec regret. Le corps médical ne fut calmé que par des mesures à effet immédiat, mais "ils" ne s'attaquèrent pas tout de suite aux mesures malthusiennes qui engageaient l'avenir. 

De toute façon, même si l'activité des professions de santé crée de la valeur ajoutée, elle n'est pas une activité "marchande", mais de service. Son financement correct nécessite une activité "marchande" suffisante. Nous la voudrions bien, mais elle ne se décide pas. La France n'a plus les moyens de satisfaire les exigences de quantité et de qualité qu'elle a pu atteindre il y a quelques décennies, dans les domaines les plus variés. Le "toujours plus", cher à François de Closets, doit laisser la place à la rationalisation la plus rigoureuse, en attendant des jours meilleurs, qui tardent.

La tentation de caporaliser la médecine existe à droite, aussi. Mais elle y est mieux défendue, ses cris d'orfraie y sont audibles. Sur la question du choix de son camp, il ne devrait pas "y avoir photo". Un peu de mémoire devrait suffire. Mais c'est là que le bât, national, blesse!

Sceptique

*Les études médicales étant lourdes, incompatibles avec un petit boulot alimentaire, la sélection sociale favorise les classes aisées.

**La gauche profita quand même de la sévérité, envers les médecins et leurs patients, de Philippe Seguin, ministre de la première cohabitation, qui leur imposa des restrictions et des contrôles dans le champ des maladies de longue durée. Elle fit mousser le mécontentement public, et même celui des praticiens, et elle remporta les élections, présidentielles et législatives. Pour autant, elle ne revint pas sur les mesures de Philippe Seguin!

Note complémentaire du 23 Septembre 2011: Si les projets pour la santé du candidat François Hollande m'ont, pour le moment, échappé, ceux de Martine Aubry ont été cités par le Quotidien du Médecin.
Pour les hôpitaux, peuplés d'électeurs potentiels de Martine, pas de problème: retour au laxisme gestionnaire. L'argent public coulera à flots. Pour le secteur privé, une reprise en mains. Les carabins doivent tout à l'État, comme les énarques (comparaison flatteuse!). Donc, comme ces derniers (grammaticalement parlant), "ils feront là où on leur dira de faire". Mais ils n'auront évidemment pas les mêmes promotions, et aucun catapultage vers les responsabilités politiques. La comparaison s'arrête aux devoirs de restitution à l'État des frais des études. Je ne déplore pas moins qu'elle, l'incivisme, l'oubli de la mission morale de la médecine, des nouvelles générations de médecins. Mais l'organisation de la pénurie, pour "réduire les dépenses", c'est qui?

La rareté fait les prix des choses, et des hommes!

Sceptique

 

 

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