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Sceptique
7 avril 2012

La politique et le droit.

Dans les démocraties, la politique a le dernier mot en tout, sauf en droit. Même le fait majoritaire rencontre la limite qui lui est opposée*.

Cette limite est toujours mal vécue, ne serait-ce que par une des parties. Il y en a toujours une qui aimerait, dans la circonstance, une justice expéditive et sans appel.

Du côté de la politique, il y a diverses attitudes, qui vont du "on tente le coup", "on fait semblant de ne pas savoir", à la justice "du peuple", au lieu de: "au nom du peuple". 

Il est à peu près général que le sentiment, que la conviction, doivent l'emporter sur la froide rigueur des lois et de ceux qui la servent. Car la conviction, les sentiments, définissent pour ceux qui les éprouvent La Vérité. Leur argumentation ne comporte que des évidences.

Les catastrophes propres à notre civilisation très prométhéenne, qui a placé au plus haut de ses instruments de puissance, les pouvoirs du feu, ont pris une place particulière . Les serviteurs du demi-dieu, qui livrent aux hommes ordinaires les substances issues de leur cuisine, sont comptables, tant de leur pénurie, de leur coût, que des accidents de préparation.

Ainsi, si le défaut de distribution d'essence, de fioul, ou de gazole, est susceptible de provoquer, au choix, une révolution ou une famine généralisée, une catastrophe directement liée à ce problème de civilisation n'a droit à aucun partage de la responsabilité. Le bienfaiteur de l'humanité balladeuse et vacancière tire suffisamment de profit de la drogue, pour assumer plein pot les conséquences d'un accident de transport. Tel est l'esprit qui souffle sur les naufrages de navires pétroliers et la pollution des côtes qu'ils entraînent. La lettre du droit en est effacée, dans les esprits. Ceux du peuple, mais aussi ceux des professionnels appelés à défendre le premier.

Ainsi de l'ÉRIKA, un pétrolier vétuste englouti dans l'Atlantique, proche de nos côtes, avec une cargaison de fuel lourd, sous-produit grossier, réservé aux machines de la même classe. Grossier ou pas, le fuel lourd est quand même plus léger que l'eau, il remonte en surface, où le vent et les courants le portent vers la côte, qu'il souille copieusement, et qu'il faut retirer au plus vite et à grands frais.

Dès l'ouverture du procès, la cause était entendue: LE coupable était notre pétrolier national, TOTAL, et son directeur en personne, qui avaient commis une faute: affréter un pétrolier vétuste pour transporter ce rebut de pétrole , et commandé par un capitaine inconscient, prétendant affronter la tempête.

Les dégâts étant sûrs et certains, leur coût établi, l'indemnisation, par l'assurance collective des nations maritimes, et par le pétrolier affréteur, a été calculée pour chaque ayant-droit, encaissée, et distribuée aux collectivités victimes.

Accepter un jugement en première instance, c'est se reconnaitre coupable. Un appel va de soi. Et, si "on" en a les moyens, "on" se pourvoit en cassation, c'est à dire qu'il fait examiner point par point la procédure qui a abouti à sa condamnation. Si une faute apparait, la conclusion du procès est cassée, et tout est à refaire. En l'occurrence, la Cour de Cassation a trouvé une faute au regard du droit maritime international: l'ÉRIKA a coulé dans les eaux internationales. Le procès aurait du être instruit et accompli dans le pays sous le pavillon duquel le bâteau naviguait. Pas par un tribunal français, incompétent au regard de ce droit.

Apparemment, magistrats et avocats ne s'en étaient pas aperçus, ne s'étaient pas posé la question, ou avaient mis leur mouchoir dessus. L'annonce de la possible cassation de la sentence a provoqué l'indignation. De politiques, pour l'ignorance desquels l'indulgence est gratuite, mais aussi d'avocats, éventuellement engagés politiquement, mais ayant participé au procès et tenu en mains les pièces du dossier. Qui n'ont rien vu, ou rien voulu voir.

Il n'est pas utile d'en rajouter.

Sceptique

*Cette subtilité n'est pas partagée unanimement par les politiques. Quelques uns se souviennent de la proclamation du député socialiste Laignel, adressée à l'opposition, en 1981, à la suite de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République: "Vous aurez juridiquement tort, puisque vous êtes politiquement minoritaires."

 

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Commentaires
S
Merci pour vos éloges et bienvenue sur mon blog. Vous avez raison sur le fond, mais l'institution dont vous souhaitez l'existence n'existe pas, ou n'a pas de compétence aussi large. <br /> <br /> En attendant, la justice a des exigences de respect du droit international, contractuel, et de mise à l'écart de toute subjectivité.<br /> <br /> Une amélioration du droit dans ces situations nouvelles est sûrement nécessaire, mais ne ne peut résulter que d'un accord international large.<br /> <br /> Comme il a été nécessaire de le rappeler à Madame Éva Joly, la Cour de Cassation juge sur la forme, mais pas sur le fond. Aux juges, et aux politiques, d'y veiller.
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M
Bonjour,<br /> <br /> Je m'invite sur ce site que j'ai découvert il y a quelques jours.Il me parait éclectique et bien écrit. Merci donc à son auteur.<br /> <br /> Je souhaite cependant poser une question au sujet du naufrage de l'Erica. Comme en fait, il s'agit d'une atteinte à l'intégrité de la planète, n'y a-t-il pas une instance planètaire susceptible de recevoir et instruire la plainte d'un pays victime en premier d'un acte irresponsable, quelque soit la nationalité de son auteur ? Lorsqu'un pays s'estime lésé par un autre sur un simple problème d'échange commercial, l'OMC est, me semble - t -il en mesure d'appliquer des sanctions. Pourquoi n'en serait - il pas de même pour l'environnement, dont les implications sont souvent plus lourdes et durables que des désaccords commerciaux ?<br /> <br /> Bon vent à votre blog
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Sceptique
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