Présidentielle 2012: mon analyse du premier tour.
Peut-on gouverner notre pays avec quarante-quatre pour cent des suffrages exprimés? Ceux qui comptent sur cette addition en sont convaincus, en tout cas. Après tout, l'effet amplificateur du mode de scrutin en vigueur assurera une confortable majorité parlementaire à la gauche en tête au premier tour, si rien ne vient refroidir son enthousiasme. Pour asseoir cette conviction, ce droit acquis, compte n'est pas tenu de la poussée à plus de 18% du Front National. Un scrutin proportionnel rendrait impossible l'existence d'une majorité stable et sûre.
L'existence de ce parti, sensiblement étoffé depuis les années Mitterand, est le principal empêchement à rêver en rond d'une politique pouvant se moquer de l'opposition. C'est un thermomètre de la fièvre populaire, qui n'a besoin d'aucun relais patenté. La grogne germe à l'heure du diner. Les journaux télévisés de 20 heures apportent la potion amère qui donne des boutons à cette catégorie d'auditeurs.
Le simplisme de son idéologie, qui se nourrit de celui de la réception brute des informations, limite son influence. La raison et les valeurs humanistes en sont l'antidote. Mais s'en moquer ou rêver de l'interdire sont précisément contraires à la raison et aux valeurs humanistes. Et démocratiques.
Les partis "de gouvernement", mis d'ailleurs dans le même sac par la grogne frontiste, doivent s'en accomoder, tout en s'en tenant à distance. Si aucune concession aux outrances de ce parti, qui en exigerait dans le cadre d'un accord politique, n'est acceptable, il n'est pas obligatoire de se moquer de ceux qui lui confient leur mauvaise humeur. L'existence de ce courant d'opinion impose une limite à tout gouvernement, dans les domaines qui l'exacerbent. C'est pourtant ce qu'affichent ceux qui se pensent les mieux placés de ce premier tour. Ils entendent , fermement, tenir pour nul et non avenu le message des électeurs du F.N.
Cette arrogance s'étaye sur une expérience: les partisans du Front National rejettent la droite modérée et pragmatique, qu'ils jugent trop molle, trop tolérante, à l'égard de leurs "ennemis naturels", les immigrés et les "assistés". Dans mon département, où Marine Le Pen fait un "tabac", à égalité avec Nicolas Sarkozy (François Hollande est à 5 points devant les deux "ex-aequo"), le problème des immigrés ne concerne que quelques villes plus industrialisées, dans un environnement très rural. Dans les villages, le ferment du Front National, ce sont les "non-actifs-non-retraités". Il y en a toujours assez de bien visibles pour énerver les bosseurs, qui ont le sentiment de travailler pour les entretenir.
Pendant les deux semaines qui débutent aujourd'hui, la redistribution des voix perdues sur des candidats sans aucune chance de figurer au deuxième tour va être l'objet de tous les soins. Si celles de l'extrême gauche sont à peu près assurées à François Hollande, celles du centre et de l'extrême droite ne sont pas garanties à Nicolas Sarkozy, candidat à un deuxième mandat. Pourtant, le "potentiel" de François Hollande, c'est 43,6% des suffrages du 1er tour, Nicolas Sarkozy, ce pourrait être 46,2%.
L'unique débat, inévitable, entre les deux rivaux pour la fonction de Président, est nécessairement très attendu.
Sceptique