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Sceptique
9 septembre 2012

L'ortolan, et la République.

L'ortolan, c'est vingt-sept grammes de plaisir sublime* dans la bouche à chaque fois, parait-il. Plaisir des rois et des princes, sous l'Ancien Régime, on le dit. Car il faut avoir à l'esprit que la chasse était le droit exclusif de la noblesse, du bas en haut de sa hiérarchie, avant la Révolution. Les paysans ne connaissaient du goût du gibier que celui qu'ils braconnaient, avec tous les risques qu'ils encouraient. 

À partir de la Révolution, les français ont acquis le droit** de posséder leur terre et de chasser. Ils ne s'en sont pas privés. Avec le temps, l'évolution de la société, urbanisée et industrialisée, la chasse est devenue un avantage spécifique des ruraux, qui, oublieux des circonstances de son acquisition, en ont fait un droit ancestral.

L'apparition de l'automobile les a obligés à partager avec des citadins ces droits. Le perfectionnement des armes de chasse a encore modifié la donne: le gibier a commencé à se raréfier sérieusement. Les chasseurs ont du s'imposer, avec l'aide de la République et de ses lois, des règles d'usage, et même à entreprendre de renouveler par l'élevage des espèces autochtones.

Rien de tel pour les migrateurs, hors la loi dans l'esprit des chasseurs. On les attend au passage, avec le fusil et le casse-croute. Trop petits pour le fusil, les ortolans sont capturés vivants à l'aide de congénères entretenus pour cette fonction, les "appelants". Les oiseaux capturés sont engraissés pendant quelques semaines, puis, "bouffés" tout ronds, tout crus, même, si j'en crois l'article de wikipedia. Beurk!

Les préleveurs d'ortolans, maintenant confinés à une portion réduite du département des Landes, invoquent pour leur défense le partage de leur goût avec des personnalités de la République....de la région***, qui n'ont pas caché leur intérêt pour la friandise. Contre eux, la Ligue de Protection des oiseaux se déchaîne, et vient empêcher les piégeurs de piéger en rond. Quelques Dimanches par an, ça fait prendre l'air. Et puis, on passe à la Télé.

Quel est l'impact de ce prélèvement très concentré, sur la population générale de cette espèce, consentant à visiter, de moins en moins, notre pays? Il est probablement surévalué, et si le nombre de visiteurs de l'été, consacré à la reproduction, est en diminution, il l'est aussi dans d'autres pays d'Europe, qui ne partagent pas notre snobisme gastronomique. Si la France est menacée par la désertion de l'espèce, il n'est pas possible que ce soit de la faute des landais. L'ortolan cherche la chaleur. Il doit trouver que notre climat ne se réchauffe pas assez vite. Ce doit être à cause de notre production électro-nucléaire! Les mêmes empêcheurs s'en occupent!

Bon, la Loi est la loi. L'espèce est protégée, et se pose à son sujet l'éternelle question française:"À quoi servent les lois?" Dont la réponse toute prête est:"à embêter les français, à leur soutirer leur argent!"**** 

Le poids symbolique du droit de chasser, récompense de la Révolution, nécessite un peu plus que le rappel de la Loi. Il y a une sorte de psychothérapie à pratiquer auprès des adeptes, pour leur expliquer que leur abstention n'effacera pas les acquis de la Révolution. Qu'ils ne déchoieront pas en cessant ces captures. Il restera encore de quoi bien manger et bien boire....enfin, je le dis un peu vite, car une partie notable de nos gouvernants d'aujourd'hui, et sûrement de demain, voit pour nous un avenir spartiate. Civil, mais spartiate. La gastronomie norvégienne, bien sûr amputée de son vice, le saumon d'élevage, est très tendance.

Une solution, à l'instar du privilège des bouilleurs de cru: un droit de capturer l'ortolan accordé individuellement aux pratiquants, non transmissible. On sait déjà que le nombre des chasseurs diminue par ses deux extrémités, et que cela pose quelques problèmes de prolifération d'espèces destructrices*****, comme le sanglier, et les l....s (un mot censuré).

Sceptique (samarien, mais non chasseur)

*La page de Google consacrée à l'ortolan contient UN article sur l'oiseau. Les autres sont des réclames de restaurants.

**La propriété de la terre par les laboureurs se développait, mais sans sécurité (le service du cadastre avait des faiblesses). 

***Les célébrités politiques appréciant les ortolans sont de droite ou de gauche, mais du Sud-Ouest. Leur nombre ne semble plus se renouveler.

****Dans les éditions pas encore très anciennes du Petit Robert, au mot République, parmi les exemples d'usage, il y avait la proclamation:"On est en République, je fais ce que je veux!".

*****Parmi les "droits de l'homme", celui d'exister est de plus en plus contesté. En tout cas, il faudra de plus en plus le mériter!

 

 

 

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