DRÔLE DE FRANCE!
Si notre presse écrite est réservée, ou plutôt discrète, nos journaux télévisés consacrent tous au moins un chapitre, voire les trois-quarts de leur temps d'antenne, à l'événement du mois, la démission du Pape Benoît XVI, et l'attente anxieuse de son successeur. Leurs écrans sont pleins de monsignori à calotte rouge qui vont et viennent dans les rues de Rome, et dès qu'un visage d'un prélat français est reconnu, il est invité à une déclaration. Comme aucun d'eux ne semble avoir de chances d'être élu, leur liberté de parole est plus grande. Mais ils prennent leur responsabilité au sérieux.
Il n'empêche, cet engouement contraste étrangement avec la situation réelle. Notre laïcité, rappelée à tout bout de champ, et l'affaiblissement de la pratique de la religion catholique, en France, après quelques siècles de prééminence. Dans nos campagnes, la plupart des églises sont fermées. Il ne s'y pratique plus que des enterrements, surtout, et de rares mariages. Débordés, les quelques prêtres, de tous âges, en fonction, ont sur les bras des paroisses par dizaines. Les offices dont je parle sont le plus souvent assurés par des laïques...pieuses. C'est à se demander pourquoi l'Église préfère les hommes?
Il semblerait, cependant, que cette fonte de la pratique ne correspond pas à un effacement de toute trace de croyance...ou de nostalgie. Les obsèques civiles sont, à la campagne en tout cas, tout à fait exceptionnelles. Le rite religieux assuré par la famille fait figure d'assurance- élernité.
Le doute, et le sentiment de culpabilité, peut-être, aussi, de fragilité, qui l'accompagnent, pourraient expliquer le malaise et la peur qu'inspirent la piété, et ses manifestations ostensibles, des musulmans. S'ils venaient à devenir plus nombreux, au fil des années, ils pourraient nous contraindre à une conversion, ou la faire paraître comme opportune. Les discours des quelques radicaux qui en rajoutent des louches contribuent à entretenir le frisson.
En existe-il qui rêvent tout haut d'une église catholique qui se rallierait complètement à la modernité, et désacraliserait tout, à commencer par elle même? Qui cautionnerait toutes nos revendications individualistes, toutes nos demandes d'approbation officielle? C'est une position parfois exprimée par des athées accomplis.
Je préfère celle, pleine d'humour, et en même temps rigoureusement logique, de "Mademoiselle" Solange Bied-Charreton*, qui aboutit à la conclusion, en opposition à sa propre libre-pensée, qu'elle préfèrerait voir succéder à Benoît XVI un pape aussi "ringard", si ne n'est davantage, que le pape sortant. Un pape auquel elle pourrait s'opposer, se faire les griffes sur sa soutane. Un anti-portrait de sa génération.
"L'ennui naquit un jour de l'uniformité". Est-ce ce qu'elle redoute? Si, oui, elle a raison.
Sceptique
*Le "Monde du 3/4 Mars 2013, p.16 (et, oui!), Débats.