PRÉSOMPTION D'INNOCENCE, PRÉSOMPTION DE CULPABILITÉ? CHAPITRE 1: JÉRÔME CAHUZAC
Patatras! Il n'est de bruit depuis une heure ou deux que de l'aveu de Jérôme Cahuzac. Il avait bien un compte à l'étranger. Pour un homme politique, au niveau qu'il a atteint, c'est un "péché mortel". Je me suis trompé, par sympathie pour lui, par détestation d'un certain journalisme. Je ne suis pas heureux de son triomphe.
Soyons sans illusions. Ce n’est pas au nom de la présomption d’innocence que Médiapart monte des dossiers, qu’elle les fournit tout chauds à la Justice. C’est au contraire par désir d’une culpabilité, par parti-pris, bien plus « payant ».
Médiapart a pris le relais d’un faisceau de haines partielles, et partiales, chacune pour leur compte, ayant comme objet un chirurgien positionné sur un des créneaux juteux de la chirurgie esthétique, celles des implants dans le cuir chevelu. Fortune faite, le brillant chirurgien s’était pris de passion pour la politique, avait commencé par prendre sa place au maire de Villeneuve sur Lot, chef-lieu du département du Lot-et-Garonne, puis lui avait soufflé son mandat de député. Avec l’adoubement du Parti Socialiste, ravi de ce recrutement imprévisible. Il y a tellement bien réussi, ce « né coiffé », qu’il était Ministre du budget au moment où l’approche d’un procès s’est précisée.
Il n’est plus rare de nos jours qu’un homme ayant réussi change de femme, comme d’habilleur et de modèle de voiture. Les symboles phalliques doivent être mis à jour. Nous en sommes donc déjà à deux ennemis jurés, le député, la femme, évincés dans un ordre qu’on peut ignorer. Il s’y adjoint un troisième, auto-proclamé, un inspecteur des impôts qui postule que la fortune du nouveau riche doit être infiniment plus importante que celle que le contribuable reconnaît. Contre l’avis de sa hiérarchie, il soupçonne, et il va chercher à la prouver, l’existence d’un compte en Suisse, le plus proche des paradis fiscaux. S’il n’arrive pas à le coincer, c’est parce que le fraudeur a fermé son compte, pour en cacher le contenu ailleurs. Pourquoi cet inspecteur harceleur a cette conviction, au terme d’une cascade de suppositions ? Parce que le conseiller en matière de gestion de patrimoine choisi par Jérôme Cahuzac a été fortement soupçonné, lui, d’avoir monté une combine de comptes cachés, sans le nom des titulaires, le respect de la parole constituant la garantie offerte aux clients. La base du soupçon secondaire, c’est que Cahuzac n’a pu se priver d’une telle offre. La preuve serait un enregistrement d’une conversation téléphonique entre Jérôme Cahuzac et son « conseiller en gestion de patrimoine », évoquant ce compte et sa fermeture, compliquée selon les termes de la conversation, où la voix de l’homme politique serait reconnaissable.
Il fut un temps où ce genre de preuves, considéré comme falsifiable, n’était pas recevable par la justice. Les temps ont changé : la justice accepte de les prendre en compte, et cherche à en étayer l’authenticité en menant sa propre enquête.
Seulement, dans le cas qui intéresse une justice bien servie par Médiapart, le système reproché ne laisse jamais apparaître le véritable nom du propriétaire du compte, et sa fermeture ne peut donc être effectuée par lui même, inexistant aux yeux de la banque. On ne voit plus, alors, à quoi rime cette conversation. Et qui serait le traitre ayant mis en route le magnétophone ? Difficile d’imaginer que ce fût le conseiller lui-même.
La convergence des haines, affichées, la multiplication des accusations, la fabrication de cette « preuve », qui sera démolie par la défense, me convainquent de l’innocence de Jérôme Cahuzac. Il la proclame, ce qui ne la prouve pas. Mais l’acte d’accusation ne fait pas mieux.
Sceptique