LE BOUC ÉMISSAIRE.
La nouvelle péripétie, la saisie conservatoire des biens et des comptes de Bernard Tapie, demandée par ses juges d'instruction, faisait, depuis quelques heures, vibrer de plaisir, ou d'indignation, la quasi totalité du peuple français.
Ce n'est plus l'époque de s'arrêter aux nuances: la saisie est pleine et entière, fait partie de la peine infligée avant tout procès à l'ennemi public N°1.
TF1, qui s'était vu chiper le scoop, il y a exactement dix jours, pouvait se rattraper. Présumée avoir été au service du précédent quinquennat, elle devait saisir cette deuxième chance de faire de l'audimat, et améliorer, à l'occasion, la note d'impartialité des médias, jamais assez basse.
Gilles Boulleau, titulaire du 20 heures en semaine, a pu avoir sa part du gibier. Il s'est immédiatement positionné en alter-ego et rival de David Pujadas, et a déployé toutes ses ignorances en droit et en gestion des entreprises.
La saisie n'était conservatoire que pour les candides, et le blocage des comptes de l'homme d'affaires ne pouvait en rien poser un problème pour les salariés de ses entreprises, de Presse, en particulier. Les 400 millions et quelque étaient toujours 400 millions et quelque, n'avaient jamais subi de prélèvement à la source, et n'avaient toujours aucune justification. Le Crédit Lyonnais, propriété de l'État à l'époque, n'avait jamais commis le délit de portage*. Pur fantasme de l'homme tombé en disgrâce.
Le vilain bonhomme a réussi à glisser dans le débat, si l'on peut dire, que la demande des juges avait été suggérée par le Ministre des Finances en personne, qu'elle avait échappé aux tracasseries de la procédure, et qu'il n'en avait été informé que par les informateurs du "Monde". Son champ d'application est défini, "dans les grandes largeurs", et il ne reste qu'un accord du Parquet pour qu'elle soit effective.
À l'occasion, "on" a pu apprendre que cette disposition, qui n'existait pas dans le droit français, avait été prise par le précédent Président, pour pouvoir frapper au portefeuille les trafiquants de drogue. La majorité actuelle va pouvoir profiter de ce que le ménage des mesures prises par "l'imposteur" n'est pas encore achevé.
Sceptique
*Ce mot d'apparence neutre décrit un profit anormal et caché, fait par un intermédiaire sur une opération qui lui a été confiée.