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Sceptique
16 août 2013

ÉGYPTE: COMPATISSONS, MAIS NE JUGEONS PAS.

L'Égypte est en situation de guerre civile. Si l'institution militaire, qui avait la main sur le pays depuis 1952, a pu écarter du pouvoir le Président élu Morsi et son parti des Frères Musulmans, elle n'a pas pu rétablir la chape de béton qui a fait taire les égyptiens pendant soixante ans. En 2013, ce n'est plus possible.

Faut-il, cependant, condamner le coup de force militaire?

Tous les observateurs se sont accordés sur un constat: parti "religieux", adjectif qui annonce une exclusion, celle des non-religieux, celles des adeptes d'autres religions que l'islam des "Frères musulmans", ceux-ci ont entrepris, "naturellement", l'accaparement des pouvoirs politiques au profit de leur parti et de son électorat. Ce qui n'a réglé aucun problème d'une Égypte "tombée en panne", et privée de toutes les ressources que la paix civile et la paix régionale lui avaient assurées. La générosité des pays pétroliers du Golfe, celle, bien comprise, des américains pour l'armée égyptienne, empêchaient, empêchent toujours, la ruine de la nation . 

Le mécontentement des exclus des avantages du pouvoir nourrissait l'espoir d'une intervention de l'armée, état dans l'état, gardienne d'une laïcité "de fait", nécessaire à l'unité d'un pays plus divers qu'il ne le laisse paraitre. Quant à la paix régionale, c'est à dire avec Israël, elle était à coup sûr menacée par un pouvoir islamiste qui se consoliderait. Un nouveau conflit, aussi incertain que les précédents, constituerait un risque insensé.

S'il faut admirer le courage des militants qui ont défendu leur Président et son gouvernement, jusqu'au dénouement sanglant d'hier, il ne faut voir dans ce coup de force que l'effet d'un dialogue impossible. Comme toute révolution en comporte, comme toute démocratie bien installée en frôle de temps en temps. Même s'il y a une accélération de l'histoire, grâce à la meilleure diffusion des idées, les défauts fondamentaux des humains ne sont pas neutralisés aussi vite. Et l'influence active des religions compromet encore les résultats. 

Le monde musulman est bousculé, depuis deux siècles, par le renversement du rapport de forces avec l'occident. Qui est venu imposer sa domination jusque dans son lieu de naissance. La religion n'en a que davantage de fonction identitaire et défensive. C'est un mur, que ses gardiens voudraient bien rendre éternel et infranchissable, ce qui les convainc de se saisir du pouvoir dès qu'il est faible ou vacant. Mais il y a incompatibilité entre le concept de démocratie et celui de religion, qui détermine la Vérité et l'Erreur.

Ce n'est donc pas défendre la démocratie que de voler au secours d'un pouvoir se prévalant d'une religion*, et oeuvrant pour son triomphe. Il n'est pas encore temps de projeter sur l'histoire en mouvement nos modèles, qui ont eu besoin de deux siècles pour s'imposer. Espérons, durablement.

Sceptique

*Précision qui complique la donne, comme pour la guerre civile syrienne. Qui oppose un pouvoir laïc à son origine, mais maintenant adossé à une fraction hérétique et minoritaire de l'islam, à une opposition armée qui cherche à le renverser. Cette opposition est dynamisée par les mouvances les plus extrémistes du sunnisme, l'islam orthodoxe. Quant au chi'isme, l'hérésie de toujours, il appuie de toutes ses forces le pouvoir baassiste de Bachar El Assad. Cette situation expose notre compassion à des bévues.

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Commentaires
S
Oui , merci . Ce qui me fait rire parfois ce sont les journalistes qui parlent du journalisme comme de l'histoire immédiate (ou un truc dans ce genre) Mais ça ne veut rien dire ce concept d'histoire immédiate ! C'est complétement stupide parce que l'histoire est une création de la conscience humaine qui demande du recul , de la réflexion . Pas un machin qui arrive et qu'on regarde arriver ......
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S
On ne peut qu'être d'accord avec votre description des événements historiques, toujours violents. Je pense cependant que la violence de l'homme n'attend pas la dimension historique pour s'exprimer. Elle est nettement le fait de "l'homme moderne"*.<br /> <br /> Quant à l'histoire, elle n'est plus écrite seulement par les vainqueurs (elle fut ainsi, en effet, car il ne restait pas grand-chose des vaincus). Au moins dans nos sociétés modernes, obsédées d'objectivité, les historiens font un travail plus scientifique, ils se complètent, en s'attaquant aux aspects oubliés.Le point de vue des vaincus en fait partie. Simplement, il ne change pas le résultat.<br /> <br /> *Je vous recommande "le sentier de la guerre" de Jean Guilaine et Jean Zamit, préhistoriens.
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S
Pour tenter de résumer mon propos : L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs ... La réalité n'est faite que de rapports de forces ... Si les rapports de forces changent (et ils finissent toujours par changer) alors on rejoue l'histoire . On remet le couvert . On rebat les cartes et on rejoue la partie ..... Et ainsi se perpétue la violence ....... Et ainsi semble avancer l'histoire ... mais vers quoi sinon l'effondrement et sa recomposition , sa reconstruction sur les champs de ruines ..... L'histoire des humains est comparable à un Phénix .....
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S
L'histoire c'est toujours bâtie par la violence depuis les débuts de l'humanité ...<br /> <br /> Personnellement j'ai tendance à penser que la violence est le seul moteur de l'histoire : La violence des faits et la violence de l'interprétation de ces faits ... Lorsque les événements violents qui font l'actualité s'apaisent enfin , lorsqu'ils se stabilisent , alors ce qui fut l'actualité va être historicisé : on va , à postériori , transformer les faits bruts en faits historiques en les inscrivant dans tel ou tel scénario préexistant dominé par telle ou telle idéologie . Mais ce phénoméne d'historicisation est inconscient . On est persuader que c'est bien cela qui est arrivé ..... Mais au fond les faits bruts nous échappent toujours et ils ne prennent un sens que par la violence des discours sur eux . Oui je pense que les interprétations historiques des faits sont aussi une violence car c'est toujours le discours du plus fort qui va faire sens dans l'histoire ...... <br /> <br /> La violence des faits va ainsi perdurer pendant des siécles à travers la violence historique idéologique qui rapporte ces faits et ainsi la violence va se perpétuer .....
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Sceptique
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