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Sceptique
9 septembre 2013

UN AUTRE JOURNALISME EST-IL POSSIBLE?

Un savoureux lapsus de Jérôme Chapuis, meneur de jeu du Grand Jury RTL-LCI-LE FIGARO, est venu inopinément à mon aide.

Prenant congé, hier, à 19 heures 30, de François Bayrou, l'invité de la semaine, il lui a dit, sur un ton doux, mais audible:" Je vous remercie de votre invitation au Grand Jury". Façon de dire que c'étaient les trois journalistes qui avaient été les invités, donc les plus importants, mis en valeur par leur hôte.

Les journalistes sont les fils de l'écriture*. Avec ce plus au service de la mémoire des hommes, les chroniqueurs ont pris un avantage définitif, aux yeux des historiens, sur les conteurs, dont la fonction était précieuse, mais dont le récit se déformait au fil des transmissions.

L'écriture, squelette des paroles mortes, déposé sur un support, permet par la lecture de leur redonner vie, telles qu'elles ont été pensées. L'écriture a constitué un avantage décisif pour les cultures qui l'ont inventée. L'invention fut multi-centrique et diverse. Leur décryptage ne fut pas toujours facile.

La diffusion "audio", puis "audio-visuelle" a été un moyen supplémentaire offert au journalisme, pour informer les sociétés des paroles et des actes de leur dirigeants, ou de toute personne importante. Mais aucun journaliste ne se contente d'une simple transmission. Il commente et juge le contenu de ce qu'il rapporte, à partir de ses propres convictions. C'est un droit qui lui est reconnu, mais il vient en soustraction de son objectivité, de la vérité de ce qu'il transcrit. Dans une démocratie, fondée sur le principe d'une égalité des citoyens et de leurs opinions, la censure par abstention ou déformation devrait être un acte responsable. La pluralité de l'information en est le premier correctif, mais la partialité de certaines restitutions, l'existence de "lignes éditoriales" des rédactions, créent une méfiance de fond envers la profession dans son ensemble, sauf pour ceux qui ne veulent lire ou entendre qu'un renforcement de leurs convictions.

La "liberté de dire ce qu'on veut" est bilatérale, et sans les interventions critiques des journalistes, les hommes politiques de tous niveaux ne diraient que ce qui les arrange, et ce qui les met en valeur. Mais à partir de ce devoir de méfiance, l'excès de zèle des journalistes, plus particulièrement de l'audio-visuel, frôle trop souvent la recherche du faire-taire, l'obstruction systématique. Il en résulte un malaise des auditeurs-spectateurs, attirés par la proposition de faire entendre X ou Y, personnage important de la vie politique, et qui vont assister à une lutte épique entre un homme ou une femme voulant ouvrir la bouche, et un ou plusieurs journalistes s'efforçant de leur clouer le bec**. 

Le public ne peut qu'admirer, quelle que soit son opinion, l'exploit de l'interviewé d'être parvenu à en placer une. De ce point de vue, la politique est un vrai métier. Tout "interview" est devenu une lutte épuisante, dont les victimes, parfois mises hors d'elles-mêmes, peuvent devenir méchantes. Mais c'est tellement nécessaire à leur existence que la rupture avec les médias n'est jamais définitive.

Sceptique

*Avec l'écriture commence l'Histoire.

**Le "taisez-vous, Elkhabach" de Georges Marchais fut unique, mémorable et l'est resté. Jusqu'à ce jour, personne d'autre n'a osé. Mais que de rages rentrées!

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