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Sceptique
17 octobre 2013

DE LA MÉLANCOLIE À L'AMOK.

Je réédite ce billet de 2009, non que l'actualité l'exige, mais en le relisant, je me suis rendu compte d'une erreur de rédaction à corriger. Il est plus facile de le rééditer que de le rechercher dans des archives anciennes.

La folie meurtrière de l'adolescent allemand, qui "en voulait à la vie"*, est, avec les événements semblables qui surviennent presque tous les jours dans notre monde occidental, le signe d'un profond changement culturel de nos sociétés .

Pendant trois millénaires, des humains de tous âges, appartenant à notre culture, se sont donné la mort parce qu'ils ne  supportaient pas la vie ou s'en sentaient indignes. Les monothéismes, qui firent de la vie un don de Dieu, ont jeté l'opprobre sur le suicide, destruction du bienfait divin**.

Dès l'antiquité, avec Hippocrate, les médecins avaient soupçonné chez certains candidats au suicide des prédispositions physiques dont ils avaient localisé la cause dans le foie: leur bile était noire, et teintait leur vision de la vie. D'où le terme de mélancolie.

Pendant les deux millénaires suivants, l'Église triomphante appliqua l'exclusion des corps des suicidés. Les médecins n'eurent aucun avis, autre que celui d'Hippocrate, sur la question. Le foie devint le bouc émissaire de leur ignorance.

Ce n'est qu'au dix-neuvième siècle, quand la science des maladies mentales se dégagea des considérations morales, que la mélancolie acquit le statut d'une maladie de l'humeur, affectant d'un facteur négatif le droit de vivre, et conduisant à la décision de l'interrompre, pour le bien des autres, de sa famille, ou de toute l'humanité. La psychiatrie lui reconnut un enracinement corporel, une prédisposition héréditaire, et dans certaines formes, son association avec des phases d'exaltation exagérée de l'humeur, la manie. Elle repéra aussi que cette maladie, dans notre société, était imprégnée par notre culture du péché, et qu'elle pouvait prendre des formes différentes dans les autres***. L'amok, forme de folie meurtrière, propre aux cultures de l'extrême orient lui fut rattachée.

L'évolution qui caractérise notre époque est la quasi disparition de la culpabilité individuelle, ressentie et assumée, et son remplacement par une responsabilité déplacée sur un individu ou une collectivité. De gauche à droite, elle va du patron à l'immigré. À une échelle plus réduite, le ou les coupables sont dans l'entourage. Le statut social est un facteur aggravant, ou lénifiant.

Ne rencontrant plus en lui le sentiment de faute, le mélancolique la remplace par celle des autres, dont il est victime. La mélancolie emprunte à la paranoïa son déguisement. L'amok devient occidental, et la tuerie commence.

Il parait que les allemands se demandent comment empêcher le retour d'un tel drame. En interdisant toute détention d'armes, même aux amateurs "éclairés", pour commencer. Cela diminuera le risque, sans le supprimer, l'incidence des dépressions graves étant stable, l'évolution de la culture étant ce qu'elle est.

Sceptique

* Type d'événement courant aux États-Unis, mais encore rare dans la vieille Europe.

** Don de Dieu, la vie est sacralisée. L'homme n'en dispose pas à sa guise, pour cette raison.

***Le génome "permet"(il n'y a pas détermination, mais simplement facilitation), l'événement de vie "déclenche", la culture impose "la forme".

 

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