POLLUTION ET POLITIQUE.
Si je place ce billet dans la catégorie consacrée aux archaïsmes et aux impuissances de notre société, c'est parce que la pollution affecte concrètement les cités, et devient un problème politique. À la campagne, elle est bien plus importante, mais ne gêne qu'une famille à la fois.
La pollution des villes est dépendante de leur climat, et celui-ci dépend de leur situation géographique. Toujours à une distance minimum des côtes, là où il peut de produire de temps à autre une "situation anticyclonique", une sorte de bulle stable, tournant lentement sur elle-même. Elle conserve tous les éléments polluants qui viennent du sol qu'elle recouvre. Et qui, non évacués par le vent, s'y concentrent à un taux nocif.
Par sa taille et sa concentration d'habitants et d'activités, Paris connait de nouveau un fort taux de pollution, avec un élément particulier, les particules fines libérées par les véhicules à moteur diesel. Ce carburant est privilégié par les utilisateurs qui roulent beaucoup, car la consommation au kilomètre est moindre que celle des moteurs à essence. C'est aussi le carburant des professionnels (taxis, livreurs de toutes sortes), pour lesquels la consommation de carburant entre dans le prix de revient de leur activité. L'industrie automobile française s'est adaptée à cette demande particulière en améliorant sensiblement la technologie du diesel. Si la production de particules fines par véhicule a diminué, l'augmentation de leur nombre pour les raisons exposées, a neutralisé l'amélioration des moteurs.
Yaka se conjugue. Yaveka désigne ce que les politiques n'ont pas fait pour améliorer la situation spécifique de Paris et de quelques grandes villes continentales. Ils n'ont pas osé s'en prendre aux "ennemis du peuple" qui les transportent ou les ravitaillent. Ils n'ont pas osé mettre en difficulté les industries automobiles françaises en les obligeant à se reconvertir à marche forcée à la motorisation exclusive à l'essence.
Par contre yaveka ne pas "transformer les boulevards de Paris en venelles", réduire la circulation "privée" à une seule file presque partout, est une réflexion politiquement très incorrecte. Défendre les professionnels, autres que les taxis, condamnés à rester enfermés dans les files non prioritaires, l'est encore plus.
Diviser pour régner reste une bonne solution politique, là où chacun ne voit midi qu'à sa porte. Il ne pourrait venir à l'esprit d'un parisien de défendre les banlieusards qui viennent travailler pour lui du matin jusqu'au soir. Et il n'y a aucun risque que les maitres de Paris reconnaissent une part de responsabilité dans ses embarras et sa récession économique.
Un homme dont les artères se rétrécissent fait de l'hypertension pour compenser le ralentissement de sa circulation. Sa santé est en réel danger. Mais cette comparaison ne frappe pas la cervelle des édiles parisiens. Les véhicules qui forcent le passage des portes de Paris chaque matin, et chaque soir, dans le sens inverse, n'ont aucune raison valable de s'obstiner. Paris n'appartient plus qu"aux parisiens de souche (de chéquier), n'est plus qu'un jour par an, le 14 Juillet, la capitale de la France.
Les prochaines élections municipales confirmeront l'aveuglement des électeurs.
Sceptique
(Le Monde du 16 Décembre 2013, éditorial)