LA THÉORIE DU GENRE: PUISQU'ON EN REPARLE....
On en reparle tant et si bien, que des parents, bien chauffés par des "lanceurs d'alerte" (il n'y a aucun sujet qui échappe à cette profession, en croissance évidente), ont retiré leurs enfants de l'école publique, à la grande fureur de Vincent Peillon, Ministre de l'Éducation Nationale.
Il proteste contre l'accusation, affirmant que la théorie du genre n'est absolument pas exploitée, sous aucune forme, dans aucune nuance, par l'Éducation Nationale.
Ce n'est pas l'avis des protestataires, qui ont remarqué d'étranges propos, ou d'étranges questions, posées sérieusement par des intervenants, à des enfants de classes maternelles.
Il y a sans doute eu des confusions avec le programme ABCD, destiné à neutraliser les jugements catégoriques adoptés par les jeunes enfants sur leurs contemporains de l'autre sexe: "toutes les filles sont....", ou "tous les garçons sont....", et sortir des classifications traditionnelles.
Il n'empêche. Hier soir, en fin d'un débat sur LCI, un dialogue entre un "parent d'élève" troublé, et une harpie éructant ses certitudes sur la détermination "sociale" de l'identité sexuelle, et dénonçant à l'avance l'obscurantisme de tout contestataire, témoignait que l'existence et l'activité d'ultras de cette théorie n'était pas un mythe. Il ne sortait de la bouche de la dame très fâchée qu'une bouillie inaudible, mais sa colère d'être contredite devait contribuer à la bousculade des mots.
La théorie du genre a, bien sûr, un fondement, celui des surdéterminations culturelles et sociales qui accompagnent la construction d'un sujet sexué. Avant l'usage de l'échographie, la révélation du sexe de l'enfant attendu était le premier mot prononcé à son sujet, à sa naissance. "On" lui donnait son prénom, et il était déclaré à l'état-civil avec toutes les précisions utiles. Il était "investi", par ses parents et toute sa famille, pour ce qu'il était, garçon, ou fille. Son destin était fixé dans l'esprit de ses parents, et lui serait communiqué dès qu'il pourrait l'entendre, plus tôt, en fait, que ce que les parents pensaient.
La question, critique, posée par les penseurs, portait sur la part de détermination de l'anatomie et de la physiologie associée, sur le comportement du sujet, et celle du discours adressé à l'enfant. "Tu seras un homme, mon fils". Ou, "tu auras des enfants, comme moi "*
La réponse à cette question n'est malheureusement jamais neutre. En fonction des convictions du poseur de la question, elle affirmera la détermination corporelle, ou la socio-culturelle. Ce sont les observations d'enfants d'âge pré-verbal, seuls ou en compagnie d'enfants du même âge, qui permettent de noter des différences de comportement, de choix d'objet, ou de manière de manipuler un même objet. Il est certain qu'une relation consciente avec l'enfant observé, et qui se sait observé, rend ininterprétable un comportement qui se veut significatif. L'expérience des parents, qui observent leur enfant, et comparent leurs expériences selon le sexe de leur enfant, n'a aucune raison d'être disqualifiée, d'être chargée de partialité. Le rassemblement d'observations diverses dégage des différences significatives par leur fréquence. À quelques exceptions près, les observations de comportement des enfants dégagent des différences constantes, et même transculturelles, entre garçons et filles. Il faut avoir la modestie de faire une place à notre animalité.
L'autre question, à laquelle les dénégations du Ministre n'apportent pas de réponse, est celle de la réalité de la nuisance de cette "théorie" sur le futur de nos enfants. J'en doute fortement. C'est dans leur famille que les enfants se découvrent et se déterminent, puis dans leurs relations d'adolescents. C'est à cet âge, aussi, que la tendance moderne de l'individualisation peut conduire à un "refus" du "destin", à un choix libre de sa sexualité. Si l'éducation nationale avait un pouvoir déterminant sur le devenir des jeunes français, ça se saurait, depuis le temps qu'elle a pris ce nom, chargé de sens.
"N'ayons pas peur!" C'est dans ce cas, encore, la meilleure des réactions. Mais si l'institution "Éducation Nationale", ex "Instruction Publique", revenait à ce que les parents attendent d'elle, personne ne s'en plaindrait. Vouloir "reconditionner" l'enfant pour en faire l'homme nouveau, dont l'homme "réel" fait rêver, serait une rupture du contrat, une marotte de dictature.
Sceptique
*Les grandes figures du féminisme ont privilégié, comme cible, la maternité, qui apparait, dans l'histoire, et dans le monde qui n'a pas encore atteint notre développement économique et social, comme le paradigme de l'aliénation. Notre évolution, encore récente, a fait évoluer la maternité de sa place de devoir, ou de destin, à celle de droit, que la société doit satisfaire. La fécondité des sociétés modernes s'est ajustée aux besoins, mais les femmes ne l'ont pas rejetée. La société s'efforce de garantir l'exercice du droit dans les meilleures conditions.
Note additionnelle: Une autre constatation a sa place, ici: dans aucune société, l'enfant n'a le statut de sujet, tant qu'il n'en a pas décidé lui même, de manière adéquate, ou non. Une limite théorique du passage(minorité, majorité) a sa nécessité, au profit de l'enfant. Mais il est sûr qu'elle est globale, et que le passage reste subjectif. La société a le devoir de le protéger, les parents ont le droit de contester les modalités de cette protection.