LES POINTS FAIBLES DU SYNDICALISME FRANÇAIS: ON RÉFORME, OU ON LAISSE EN L'ÉTAT?
Le 1er Mai, fête du Travail, et/ou, des travailleurs, a donné lieu, aujourd'hui, à un débat sur LCI. Je l'ai suivi, et j'ai confronté ce que les participants ont dit, avec mon expérience de syndicaliste, et les idées que j'en ai retirées.
Dans toutes les sociétés modernes, depuis la révolution industrielle et ses excès, le syndicalisme a permis un rééquilibrage permanent entre les intérêts des entreprises et ceux des salariés. Les progrès, c'est à dire l'apaisement des tensions, et une meilleure répartition des profits de l'entreprise entre les actionnaires et les salariés, sont indiscutablement dus à l'existence de ces organisations, et de leur capacité de faire pression sur les entreprises. Dont les propriétaires n'iraient pas au devant d'une distribution juste des profits. "Ils" ont créé l'entreprise, ont conçu ses produits, se sont occupés de les vendre. Ils ont embauché des ouvriers, leur ont donné le salaire convenu à l'embauche. Ils s'en tiendraient volontiers là.
Ne faisant pas les courses, "ils" ne sont pas au courant de la hausse des prix. Ayant un bon niveau de vie, ils n'imaginent pas que leurs salariés aient envie d'améliorer le leur.Au bout d'un "certain temps", la grogne des salariés se fait entendre. Et s'ils y sont sourds, ils sont rappelés à la justice par leurs salariés, sous forme de cris de colère, et s'il le faut, de grèves.
Dans tous les pays gagnés par la révolution industrielle, des syndicats se sont formés pour organiser, diriger, conclure les conflits inévitables par un accord sur les salaires et les conditions de travail. Évidemment, dans la réalité, les conflits sont parfois longs et âpres, au point de faire intervenir le pouvoir politique. Et ce dernier, dans les pays concernés, a défini des règles pour ces conflits, leur règlement, et, de plus en plus souvent, leur prévention.
Mais la nature humaine échappe aux règles, qu'elles soient simples ou complexes. Aucun résultat, de part ou d'autre, n'est jamais acquis. Les aléas politiques et économiques sont susceptibles de brouiller les situations.
À l'occasion du débat de ce jour, l'expert (un sociologue) a décrit la situation unique du syndicalisme en France, par le taux moyen de syndicalisation (8%), et ses problèmes financiers, le plaçant en situation de dépendance ou de conflit d'intérêt*. Ce qu'a confirmé un syndicaliste préoccupé par cette faiblesse. Le représentant d'un syndicat minoritaire affirmait la bonne santé de son organisation dans le dénuement, compensé par le dévouement. Enfin, un dernier intervenant se réjouissait d'une pauvreté favorisant une pureté idéologique. L'intérêt essentiel de l'action syndicale, la défense des intérêts des salariés, ne semblait pas avoir beaucoup de place, au profit de la satisfaction narcissique d'être important.
Il est évident que les principales organisations syndicales françaises se sont transformées en organisations politiques, sans électeurs et sans élus, mais se faisant fort de peser sur la vie politique, à l'occasion des débats qui concernent leurs mandants. Mais sans embrasser tous les buts d'un mouvement politique, qui ne limite pas à la satisfaction de ses électeurs, mais se sent obligé de dire son mot sur toute la vie politique. D'où leur refus d'entendre les arguments de politique économique, nationale et internationale, qui sont opposés à leurs revendications.
Je me sens plutôt du côté des pessimistes, de ceux qui voient une coupure entre le mouvement syndical et la société française, les adhésions qui plafonnent à 8% des salariés (moyenne public, privé), ce qui n'assure que 20% des ressources des syndicats. L'origine du reste aliène les organisations syndicales. Le silence des bailleurs de fonds ne peut être sans compromis, sans contreparties. Si un conflit se fait jusqu'auboutiste, l'adversaire à faire plier ne fait pas partie des bienfaiteurs.
Je ne vois qu'une solution permettant de sortir du cercle vicieux. Rendre l'adhésion obligatoire, mais de choix libre, pour tous les salariés. Assortie de la liberté de changer de syndicat au bout de deux ans. Tel est, en tout cas, le premier principe. Les compléments juridiques concernant les obligations des syndicats envers leurs mandants et leur responsabilité civile sont de la compétence du législateur.
Sceptique
*On se souvient des sommes en liquide versées par l'UIMM à des destinataires restés inconnus, grâce au silence absolu du "convoyeur de fonds". La paix achetée ainsi n'a sûrement pas été rompue....pendant la durée des versements, au moins..