POUR UN RETOUR À LA RAISON

La haine est un fait de notre nature animale. L'amour, aussi. Les animaux dits "supérieurs", dont nous faisons partie, mettent sous nos yeux des manifestations de ces deux "sentiments", à l'intérieur de leur propre espèce, ou pour la nôtre.

Nous avons acquis l'aptitude à l'auto-critique, à la classification, à l'évaluation. Nous avons fait de l'amour une valeur, et de la haine une non-valeur, dont nous nous débarrassons par la projection: nous haïssons cet autre parce qu'il nous hait. L'humanité a gardé sa capacité à créer et à maintenir, ça ou là, des situations de haine réciproque et inextinguible, étayée par un raisonnement justificatif. Souvent, encore, par commodité, il est dit ordonné par Dieu.

La perception de la différence fait partie de notre animalité. Le doute sur l'appartenance du "différent" à l'humanité, fait partie des destins de nos raisonnements. Notre capacité à la critique nous a amené depuis quelques siècles à la reconnaissance de l'humanité comme une, dans sa diversité. Il peut nous arriver de "ruer dans les brancards".

La politique et ses clivages radicaux peuvent nous ramener à ce doute*. On dit souvent des professionnels de la politique qu'ils" s'échangent des noms d'oiseaux". On édulcore comme on peut.

Notre histoire politique récente est marquée par le clivage et la haine, et le mépris réciproque. Un léger déplacement de l'opinion a créé une alternance entre la droite et la gauche, la gauche et la droite. Quelle que soit la situation, des personnalités concentrent sur elles une aversion qui englobe leur "physique", sont transformées en paradigme du mal, en symbole de l'intolérable, de la malfaisance. 

Christiane Taubira, notre Garde des Sceaux, a pris plus que sa part dans la distribution de notre haine pour nos personnalités politiques. Son appartenance à une "minorité visible" a réveillé chez ses ennemis leur cerveau reptilien, réserve des informations sauvées de l'empire des dinosaures. Un auteur anonyme a lancé sur le "net" une caricature, fondée sur le déni de l'appartenance de Christiane Taubira à l'humanité. 

La haine est mauvaise conseillère, surtout quand elle rencontre l'occasion d'être sarcastique. La trouvaille s'est retrouvée de proche en proche dans un grand nombre d'ordinateurs. Où ils étaient, soit détruits, soit relancés vers d'autres.

Une adepte du Front National s'en empara pour "corser" sa campagne électorale, et en fit une "vérité". Ce qui attira des médias vers elle, et créa sa notoriété. Le délit de racisme étant constitué, son auteur (en bout de ligne) fit l'objet d'une plainte, et la loi, sévère, lui fut appliquée: de la prison ferme, une inéligibilité de cinq ans.

"Elle" a fait appel, et n'y est pas encore. Mais l'affaire a sauté au visage d'un public plus large. À chaque français il est rappelé que l'expression publique de son racisme est un délit. Il n'y a pas de "plaisanterie" qui tienne. La vie politique, la vie sociale sont à ces conditions.

Le droit de critiquer Madame Taubira pour ce qu'elle fait de la tâche qui lui a été confiée par un Président et sa majorité, reste entier. Son action prendra sa part de l'échec et du rejet qui se profilent. Une autre majorité fera le tri dans les décisions diverses de l'actuelle majorité, à laquelle la Constitution assure encore un peu moins de trois ans de pouvoir. 

Le problème politique de la France réside dans ce clivage non résolu entre des ensembles d'idées et d'intérêts qui se nient réciproquement. Les hommes qui portent ces contradictions ne semblent pas conscients de cet ostracisme qui entretient la haine et l'impuissance des pouvoirs. Certains sont incapables de mettre en doute leurs certitudes, et condamnent tout pragmatisme du gouvernement qu'ils ont contribué à former.

Sceptique

* Partiel. Du niveau de la question:"Comment peut on être...?"

Note du 23 Juillet 2014: Le "Monde" daté du 22 Juille 2014 revient sur ce procès, qui s'est déroulé à Cayenne, la plainte ayant été déposée par le parti politique de Madame Taubira. Pour ma part, je suis stupéfait qu'aucun avocat n'ait accepté de la représenter. Mais l'inculpée a-t-elle sollicité le batonnier compétent, qui aurait du désigner un avocat d'office? Mais surtout, le Monde souligne que le tribunal a condamné en même temps le Front National....tout en reconnaissant qu"il" n'était pas co-auteur des faits! La faute juridique lourde a été confirmée par les juristes consultés.                                     Le jugement de Cayenne n'a pas un bon avenir! Cette mésaventure confirme, à mes yeux, que les juges ne sont pas insensibles à leurs sentiments.