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Sceptique
28 juillet 2014

LAÏCITÉ, RELIGION, POLITIQUES.

Le Nième clash israélo-palestinien ne fait pas que crisper les opinions, qui se répartissent entre l'émotion, la compassion, d'une part, l'analyse, se voulant froide, des tenants et des aboutissants de ces crises récurrentes, d'autre part. Une tendance se distingue, la remontée dans l'histoire et sa correction, annulant l'erreur dont le monde n'arriverait pas se remettre.

C'est une tendance tenace, et logique: la connaissance de l'histoire livre une vision affligeante de l'humanité, et fait sourdre en chaque homme qui y réfléchit, un fantasme d'annulation de tous les faits, glorieux pour les uns, tragiques pour les autres, une nostalgie de l'époque qui précède son début. Que la vie humaine serait belle, si aucun peuple n'avait éprouvé le désir de changer de place, de s'emparer de celle d'un autre, en l'exterminant, ou en le réduisant en esclavage.

L'histoire des deux derniers siècles a fait vivre en accéléré les mouvements des peuples, de leurs frontières, de leur vision d'eux-mêmes, en réaction à l'opinion sur eux des autres. Les nationalismes sont des "formations réactionnelles", les particularismes qui irritent les nationalismes, aussi. "Ils" suscitent, à leur tour, des réactions visant à les contenir, ou, mieux, les annuler. Une tendance globale se dessine, la solidification politique, culturelle, linguistique, religieuse, du monde. Un nouveau droit international s'est formé, veillant sur la stabilité de l'état du monde, et "interpellé", dès qu'un peuple ou une fraction d'un peuple, "rue dans les brancards", et met en question l'ordre convenu.

La conception et la réalisation de l'État d'Israël se situent précisément au beau milieu de ce passage d'un monde façonné par des rapports de forces, en mouvement constant, au gré des fluctuations des forces en présence, à un monde choisissant de nouveaux rapports de droit, arbitrés par leur représentation mondiale. Pas tout à fait égalitaire, mais cependant équilibrée par....l'équilibre des forces principales et de leurs moyens, leurs arsenaux nucléaires. Le "nouveau" monde s'accorde sur un point: plus aucune "vraie" guerre, comme les deux guerres mondiales, entre 1914 et 1945, n'est possible. Les tentations, bien humaines, rencontrent vite le "veto" des autres. La raison ne résulte que de l'annulation réciproque des passions. Les quelques "coups" tentés ça ou là, ont pu faire des victimes par milions, comme la guerre de Corée, mais l'ordre nouveau, celui de la démocratie mondiale, de l'ONU, s'est imposé par...la raison.

Quand, "de guerre lasse", l'ONU née en 1945, a accepté la création d'un État d'Israël dans une Palestine, ancienne possession ottomane, gérée depuis 1918 par la Grande-Bretagne, elle a libéré les forces en présence, jusque là difficilement contrôlées par l'occupant anglais.

La suite est connue. De guerre en guerre, Israël s'est taillé un territoire viable, aux dépens de ses adversaires arabes, refusant le principe même de son existence. Mais ces derniers ont été relevés par les palestiniens occupés, continuant à contester le principe même de l'existence de cet ennemi. L'argument du "premier occupant", dépossédé par le vainqueur israélien, comme au bon vieux temps des empires de toutes sortes, a glissé vers les droits acquis de Dieu en personne. Les terres conquises par l'islam naissant étaient devenues le bien inaliénable de l'Oumma, pouvant être revendiqué en son nom.

Cette référence a permis de ne pas prendre acte des succès militaires de l'ennemi. L'interprétation des "voies du seigneur" est en fait, très souple. Si la nature de volonté divine de la victoire n'est jamais contestée, la défaite comme mise à l'épreuve permet l'attente de jours meilleurs.

Du côté israélien, les exploits des armées juives du temps de l'exode ont mis du coeur à l'ouvrage des combattants clandestins, en lutte à la fois avec l'occupant anglais, regrettant activement la bévue de Lord Balfour, et les opposants arabes, agacés par l'infiltration des communautés juives, parvenant à tirer des produits nouveaux et abondants de terres cataloguées comme stériles. Tsahal n'a pas eu plus de mal à s'identifier à Josué.

Si je reviens sur l'aspect religieux, bi-latéral, du conflit, c'est parce que, parmi les commentaires de la situation actuelle, déclenchée, il faut le rappeler, par l'exécution sommaire de trois adolescents d'une communauté religieuse juive, imprudemment sortis du périmètre protégé, un commentateur du Figaro a imputé l'antisémitisme des pro-palestiniens occidentaux à la nature "confessionnelle" du gouvernement israélien d'aujourd'hui. Les "droits" sur la terre sainte qui le mobiliseraient réveilleraient du même coup l'antisémitisme historique que le peuple juif aurait suscité. Que le gouvernement israélien renonce à son alliance avec les religieux, à ses références bibliques, écrit Monsieur Saint-Clair, et l'antisémitisme retombera à zéro. Ce retour à la laïcité des références ne concerne pas le Hamas. Si c'est parce qu'il en est jugé incapable, ce n'est pas un éloge!

Or, les fondateurs politiques du sionisme le désiraient laïque, sans référence autre qu'historique. Le peuple juif s'était défini par un mythe fondateur, le liant, par la volonté divine (il n'en existait pas d'autre) à ce territoire désigné comme devant être le sien. Cette histoire, même mouvementée, s'inscrit dans un millénaire. Le rapport religieux à ce territoire fait que sa perte résulte d'une punition divine*, sa récupération, d'une réconciliation. Ne perdons pas de vue que ce mythe fondateur a été composé "après-coup", comme interprétation des malheurs récurrents du peuple juif.

L'État d'Israël naissant ne se voulait qu'un espace où les juifs ne seraient plus persécutés comme intrus, comme ils l'avaient été partout, dans l'ancien monde, né sur les ruines de l'empire romain. L'insécurité, d'abord, la guerre déclarée, ensuite, ont écorné, puis balayé le projet originaire. Les victoires, unifiant et élargissant le territoire initial, ont conforté les religieux qui accompagnaient les conquérants. Ils ont pu faire valoir que ces victoires pouvaient signifier un pardon de Dieu, une fin des épreuves, une autorisation à restaurer la Terre Promise. Chaque attaque, chaque victoire qui la concluait, confortait, pour les religieux, leur vision. La reconquête de Jérusalem en fut le couronnement.

L'argument religieux brandi par les ennemis d'Israël ne pouvait que renforcer ceux qui puisaient les leurs dans la Bible. Si le salut réside dans la laïcisation des arguments, il est évident qu'elle doit être bilatérale. Les protagonistes en sont encore loin.

Sceptique

*La logique religieuse ne conçoit pas le hasard, l'aléa, le fait fortuit. Toute théologie de la punition s'appuie sur cette logique. Si les autres religions "du livre" ne se positionnement aussi clairement dans leur interprétation de l'histoire, c'est parce qu'elles engagent d'abord des individus, et non des peuples. Les malheurs des peuples malgré leur foi ne sont imputables qu'aux chefs qui ont failli.

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