LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE ET LA PROCRÉATION: DE L'OBLIGATION AU DROIT, SANS PASSER PAR LA LIBERTÉ.
C'est un article du philosophe Bertrand Guillaume, publié dans le "Monde" daté du 8 Octobre 2014 (page "débats", 15), qui relance ma réflexion sur ce sujet d'actualité.
L'auteur met en relief la valeur qui sous-tend la pratique de la GPA dans les pays où elle est légale:la liberté de procréer, garantie à toute personne qui se préoccupe de son prolongement génétique.
Il m'a toujours paru évident que notre société française, qui a placé la Liberté en tête de sa devise, se contentait de ce symbole, et délaissait ses "petits", les libertés.
Elle préfère parler de droits*, comme limites ou exceptions à l'absence de liberté, réelle. Plus particulièrement en matière de procréation, elle a nettement préféré l'obligation, d'abord par son choix du catholicisme à l'issue de la Réforme et des guerres de religion qu'elle a déclenchées, ensuite, par inquiétude pour sa démographie, déclinante dès le 19ème siècle**.
Ma génération a participé, ou s'est opposée, au remplacement de l'obligation par la liberté, celle de ne pas procréer. Pour les opposants à la contraception, la liberté d'en user allait permettre de remplacer une obligation par une autre, contraire. Dont le résultat serait un effondrement de notre natalité et de notre démographie.
La question de l'IVG se posa dans la foulée, et la menace s'en trouva aggravée: toutes les femmes enceintes se feraient avorter. Plus récemment, la suggestion d'examiner au cas par cas la prolongation de la vie, quel que soit son état, allait pousser toutes les familles françaises à liquider leurs vieux.
À peine refermées ces pages, s'ouvrit celle du mariage pour tous et de ses conséquences logiques: le droit des couples naturellement infertiles à recourir à la PMA, pour les couples de femmes, à la GPA (mère porteuse) pour les couples d'hommes. La nouvelle liberté fut privée des droits afférents. Et le recours aux libertés disponibles à l'étranger fut immédiatement considéré comme une transgression, punissable, y compris les enfants obtenus.
La République a remplacé le Roi en prenant le relais de sa paternelle autorité. Elle a fait sienne l'autorité morale de l'Église Catholique, représentante de la volonté divine, responsable de son troupeau de pécheurs irresponsables. Si la République ne se veut pas trop contraignante, elle veille sur les valeurs sacrées léguées par ces institutions historiques.
Étonnant, non?
Sceptique
*Ce qui n'est pas autorisé est présumé interdit. Au moins, dans les esprits.
**Le droit civil, légué par Napoléon Bonaparte, en créant l'égalité des enfants face à l'héritage, a incité les possédants à limiter le nombre d'enfants.