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Sceptique
31 août 2015

LA LIBERTÉ ET SES AVATARS.

Encore dans le monde d'aujourd'hui, la liberté que tout homme revendique, pour lui-même, est loin d'être universelle. Dès qu'elle est acquise, elle se sent à l'étroit en raison d'un principe: elle s'arrête où commence celle des autres. Il en résulte que la majorité des hommes s'accommodent d'une restriction de leur liberté, pour ne pas avoir à souffrir de celle des autres.

La structuration des sociétés tient compte de cette réserve, fait de la liberté une valeur relative et limitée, compatible avec ce qu'on appelle l'ordre public, un ordre au service de tous (en principe). La recherche du bon équilibre, satisfaisant le plus grand nombre, se fonde sur le niveau de conscience de chacun des limites à respecter. Plus il est élevé, meilleur est le fonctionnement ordinaire de la société, plus rares sont les débordements des limites, individuels (incivisme, crimes et délits) ou collectifs (manif, émeutes, actions contre "la société", refus de la Loi commune).

À ma connaissance, il n'y a plus de société dans le monde qui ne connaisse des désaccords sur la notion de liberté et ses limites, justifiant des transgressions diverses. Les individus, de plus en plus, définissent eux mêmes les contours de leur liberté.

Mais à l'inverse, il existe encore de nombreuses sociétés pour lesquelles le concept de liberté n'a pas grand sens, et menace immédiatement l'ordre public. Défini par le pouvoir en place, pouvoir résultant généralement s'un rapport de forces favorable. La seule liberté consentie est celle de se taire, de ne pas se mêler des affaires du pouvoir. Les protestations, qu'elles soient individuelles ou collectives, sont toutes réprimées, par la force immédiate, par les condamnations pénales.

Les sociétés "libérales" (relativement), et les sociétés "autoritaires", ne sont pas rassemblées de manière cohérente, en deux blocs distincts. Il y en a plus de deux, et aucun n'est vraiment homogène. Des intérêts étrangers à la valeur liberté lient des sociétés très différentes par leur traitement de cette valeur.

Ainsi, dans le contexte géo-politique centré sur le Moyen-Orient, en état de guerre civile et de religions, notre monde "libéral", aux prises, à distance, avec un adversaire déterminé de ses valeurs, compte sur des alliés locaux pour le contenir, en acceptant leurs propres limites sur ce plan envers leurs peuples.

Parmi ceux-ci, l'Égypte, une puissance numériquement importante, tenant une place stratégique (le Canal de Suez), et contrainte de limiter ses libertés, pour les défendre efficacement contre....ses ennemis.

En 2011, l'Égypte, relativement stable sous un régime d'origine militaire, pas vraiment librement choisi, a été "emballée' par la Révolution née en Tunisie d'un sursaut de sa jeunesse, révoltée par le régime dictatorial de Ben Ali. La jeunesse égyptienne, informée du monde par les réseaux sociaux et internet, a sauté sur l'occasion pour faire de même, contester le pouvoir établi, exiger de vraies libertés, une véritable démocratie. Elle s'est heurtée à la fois à la résistance du régime hérité du nassérisme, et au conservatisme des pères, fidèles aux principes de la religion. Une institution interdite et clandestine, les Frères Musulmans, était prête à la récupération du conservatisme des adultes, et a réussi à détourner vers elle la majorité des votes exprimés. Malgré son déplaisir, l'institution militaire, maitresse de l'ordre public, accepta le verdict des urnes, et laissa la confrérie prendre et organiser le pouvoir.

Cet exercice parut rapidement catastrophique à une partie grandissante de l'opinion, qui utilisa les leviers de la révolte, des manifestations, violentes, souvent meurtrières. La société était profondément déstabilisée, désorganisée, désespérée. Et l'allié occidental, inquiet.

La seule force organisée du pays, l'armée, sous les ordres du Maréchal Al Sissi, déposa le Président Mohamed Morsi, et organisa une nouvelle élection présidentielle, dont le candidat le mieux placé était le Maréchal Al Sissi lui-même. Il fut élu sans conteste. Mais il entreprit ce qu'on peut appeler une "épuration", visant  à écarter définitivement les responsables de l'expérience des Frères Musulmans, élus démocratiquement, renversés par la force.

Parmi les victimes collatérales de la répression, trois journalistes de la chaine d"information quatarie "Al Jaziraa", un citoyen canadien,Mohamed Fahmy, un Australien, Peter Greste, un égyptien, Baher Mohammed. Ils ont probablement défendu le gouvernement légitime de Mohamed Morsi, avec leurs stylos, leur seul armement. Ils ont été emprisonnés et accusés d'avoir livré de "fausses nouvelles". 

Condamnés à dix ans de prison, malgré le mécontentement évident des Occidentaux, parmi lesquels, le Canada et l'Australie, défenseurs de leurs nationaux. 

L'enjeu géopolitique fut le plus fort. L'allié égyptien était incontournable, indispensable. Les pressions en faveur des journalistes, dont la condamnation était impensable en Occident, restèrent discrètes. Un procès en apppel fut programmé, et les journalistes sortirent de prison, mais durent rester en Égypte. La peine de prison fut ramenée à trois ans.

C'était encore trop, par principe. Des ambassadeurs occidentaux, dont l'anglais, exprimèrent publiquement leur désapprobation de la décision judiciaire. Le Ministre égyptien des affaires étrangères le prit très mal.

Mais il semble bien que le Maréchal Al Sissi, chef de l'État, s'apprête à faire un geste de magnanimité, dont il faut le prier. La parole est aux intéressés, mais aussi, je le pense, aux chefs d'état occidentaux alliés de l'Égypte, directement auprès de leur collègue et ami.

Nous n'en saurons rien, mais si les affaires des journalistes se terminent par leur liberté pleine et entière...de quitter l'Égypte, nous aurons...la liberté...de supposer une suggestion fraternelle.

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