UN POINT DE VUE SUR LE DJIHADISME.
L'article, qui bouscule les idées reçues, occupe une page entière, la 14, du "Monde", daté du 25 Novembre 2015. Il est signé par Olivier Roy, politologue, spécialiste de l'islam, professeur à l'institut universitaire européen de Florence (Italie).
Il a de la suite dans les idées. Ses publications en direction du "grand public" s'échelonnent de 2008 à 2014.
J'avoue que j'ignorais son point de vue, que c'est la première fois que je saisis au vol un de ses articles. Alors qu'il a envoyé son avis au journal à de multiples reprises. Pourtant, il n'est pas cité par d'autres intervenants sur cette question. Il ne semble pas avoir été repris par des politiques, ni, par des criminologues.
Comment résumer un long article? Pour faire court, il situe le phénomène critique comme exclusif des jeunes migrants de deuxième génération, en échec social (délinquance) et professionnel.
Leur utilisation de leur religion ne repose sur aucun modèle familial. Le salafisme favorise l'exclusion, tant du côté familial que de celui du pays d'accueil et d'intégration. Leur réalité n'est ni un retour à la communauté musulmane, ni vers la famille, mais une sortie vers un néant affectif, un nihilisme, selon l'auteur. Le radicalisme est la seule forme de pensée qui leur convient. Leur vie et celle des autres perd tout sens, tout intérêt. Un partage avec des frères ou des amis proches crée une intimité de substitution.
Ils constituent une chair à canon idéale pour les utilisateurs de l'E.I., qui ne discutent pas leur interprétation de la religion, bien au contraire.
Ce point de vue m'a semblé clair et productif, se substituant favorablement aux autres explications. J'en retiens surtout le rôle secondaire, voire fictif, de la religion.
Notre nosographie psychiatrique n'a d'autre modèle approchant que la dépression grave avec haine de soi et risque suicidaire. Mais l'évolution de nos sociétés a bousculé la clinique mentale, déplaçant l'agressivité, de "soi", à "l'autre". "On" ne débarrasse pas la société d'un "soi", mauvais, mais d'un "autre", pire, qu'on entraine dans la mort.
Cette autre approche devrait modifier la prise en charge préventive par la société de la dérive djihadiste. Ne pas faire à ces jeunes un "procès d'intention", mais les contraindre à une prise en charge psychothérapique ciblée sur leur souffrance particulière, en milieu fermé, non psychiatrique. Il est nécessaire de les protéger d'eux mêmes, mais aussi de leurs "utilisateurs".
Par contre, s'il ont fait l'expérience du crime réel à l'occasion d'un séjour combattant, la sanction est nécessaire. Il ne faudra plus laisser les djihadistes "de retour", dans la nature, avec, simplement, un fichage. Leur arrestation, leur présentation à un juge, et leur traitement en milieu fermé garantiront plus sûrement leur "guérison", leur sortie de la fiction.
Quant à ceux qui ont accompli jusqu'au bout leur projet criminel, il apparait qu'ils échappent systématiquement à la justice par la mort, partagée avec leurs victimes, ou dans un ultime combat.
Je pense que les lecteurs de ce billet trouveront sur internet les titres et les éditeurs des ouvrages de Mr Olivier Roy.
Sceptique
Note additionnelle du 2 Décembre 2015:Dans le "Monde" daté du 1er Décembre 2015, page 16(débats) Paul Berman, essayiste américain, conforte à sa façon l'analyse d'Olivier Roy. Il récuse ce qu'on appelle les "causes profondes", économiques, sociales, religieuses, ethniques ou politiques, toutes proposées par leurs experts. Il met en cause le développement d'une haine individuelle, qui trouvera éventuellement l'occasion de s'associer à d'autres pour "se" conforter et "se" rendre plus efficace. mais peut, aussi, faire d'un individu un tueur "de masse" (Anders Breivik, Andreas Lubitz...)