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Sceptique
8 septembre 2016

LA BELLE COLÈRE DE THOMAS PIKETTY.

Thomas Piketty est un économiste "de gauche", ce qui est plutôt rare, cette discipline, touchant, "in fine", à l'argent, point de départ et point d'arrivée de toute réflexion économique, de notre temps.

Ce positionnement ne peut que le rendre critique de notre société, telle qu'elle est, libérale par principe, en laissant chaque individu choisir les éléments de sa vie, études, métier, amours, résidence. 

Ce qui aboutit à une société ,au départ, indéterminée, puis auto-organisée, chacun cherchant sa place là où elle est possible, et en retire son revenu, dont les facteurs sont le niveau de nécessité, le niveau de compétence, et celui de concurrence.

Depuis deux bons siècles, depuis les révolutions industrielles, les sociétés ne connaissent plus une économie stable, permettant une sécurité, une stabilité de toute une vie, garanties à chacun. En plus des guerres totales qui sont survenues, l'internationalisation, devenue mondialisation, a créé une grande instabilité sous forme de crises, affectant une forte proportion des métiers, les privant de leur garantie, de leur nécessité, de leur valeur en terme de revenu espéré. Les mutations technologiques, devenues permanentes ont aggravé ces incertitudes, l'instabilité qui caractérise désormais une carrière quelconque.

Une des solutions à cette évolution vers l'aléatoire de l'économie et de ses résultats humains a été celle d'un interventionnisme préventif de la société, se substituant aux familles et aux individus dans le choix d'un niveau de compétence et de revenu attendu.

L'État planifie les besoins de tous et ses besoins propres, assigne à chacun le métier qu'il fera, le niveau d'études qu'il aura à atteindre pour y être admis, le revenu qui lui sera attribué. L'État est propriétaire de tout, des terres, des usines, des maisons. Les individus ne conservent que le choix de leur conjoint, de leurs meubles, de leurs vêtements, et du nombre de leurs enfants.

On connait le sort de ces sociétés, vite intenables et déviées de leurs idéaux et beaux principes, leur chute finale, terriblement inégalitaire. Mais leur nostalgie est tenace, et les raisons qui ont abouti à la religion socialiste, sont toujours aussi présentes. Chaque individu cherche, en fonction de la valeur qu'il s'attribue, à élever sa place dans la société, à obtenir le revenu qui lui parait juste, et, enfin à préparer ses enfants à la conservation, au moins, au dépassement, au mieux, du niveau social qu'il a acquis.

L'enseignement public, peu sensible aux fluctuations politiques, conserve globalement le projet égalitariste qu'il a adopté depuis l'après-deuxième guerre mondiale. Combattre l'inégalité des chances par l'égalité des niveaux acquis.

Malheureusement, pour atteindre cet idéal, il a été nécessaire d'abaisser globalement le niveau de l'enseignement. La stricte égalité à l'arrivée n'est pas atteinte, mais le niveau moyen est bas, et ne permet pas à la majorité d'accéder à l'enseignement supérieur professionnel. 

Les familles ne réagissent pas "égalitairement" à cette situation. Celles qui sont dans la partie supérieure des niveaux de compétence et de revenus, entreprennent de faire échapper leurs enfants de ce système nivelant par le bas. Elles sélectionnent les établissements réputés, manoeuvrent pour échapper à la carte scolaire, et, si elles échouent dans cette recherche, elles recourent à l'enseignement privé, qui essaie de satisfaire les désirs des familles, se sent une obligation de résultats.

Thomas Piketty enrage de constater que les collèges et lycées, publics ou privés, de l'ouest parisien, plus friqué, ont des résultats nettement meilleurs que ceux de l'est, plus populaire. Sa solution, authentiquement socialiste, est une nationalisation partielle de l'enseignement privé, contraint d'appliquer la répartition résidentielle en usage dans l'enseignement public.

L'argument de l'économiste est la participation financière de l'État au fonctionnement de l'enseignement privé. Il n'est que partiel, et sans commune mesure avec le coût de l'enseignement public. Cette participation, arrachée et restée douloureuse, s'est appuyée sur les principes de liberté et d'égalité* de notre société, supérieurs aux opinions politiques et religieuses présumées des citoyens. 

Une partie des impôts est destinée à l'éducation. Dès lors qu'une famille remplit ses obligations en la matière, il ne peut lui être opposé son choix. Une ristourne partielle de l'impôt, au profit de l'établissement choisi est justifiée.

Sceptique

*Les familles ont même le droit d'instruire elles mêmes leurs enfants, sous réserve d'appliquer les programmes et de se soumettre aux inspections. Mais, à ma connaissance, elles ne bénéficient pas d'une ristourne sur leur imposition.

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Commentaires
D
Je suis là pour les rappeler...surtout la dissert de philo de terminale;-)
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S
J'ai quitté l'école depuis si longtemps...j'ai oublié les bons principes!
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D
Aucun souci! Par déformation professionnelle je fais toujours ce que je fais en classe! Je définis les notions et les place dans un contexte plus large...historique et notionnel!
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S
Je me suis relu pour retrouver le mot de libéralisme (le néo-libéralisme ne me dit pas grand-chose). En fait, je n'ai parlé que de la liberté de choix des parents, encore rarement exercée, mais de plus en plus revendiquée, face à la défaillance de l'institution scolaire.<br /> <br /> Quant au libéralisme, il n'a eu une influence en France que sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, mais il a une incompatibilité de fait avec notre histoire, politique, religieuse, et économique. Il n'aura toujours qu'une influence partielle et précaire, malgré ses avantages évidents.
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D
Rappelons quelques fondamentaux: le libéralisme et le néolibéralisme sont deux notions à ne pas confondre. Le libéralisme est une doctrine de philosophie politique du début du 19ème (même si ses racines sont bien plus anciennes) qui affirme la liberté comme principe politique suprême ainsi que son corollaire de responsabilité individuelle, et revendique la limitation du pouvoir du souverain. Mais il y a différents courants au sein de ce libéralisme... Quant au néo-libéralisme, c'est est un terme ayant une connotation surtout péjorative, pour désigner tout à la fois une idéologie, une vision du monde, des modes de gouvernement, des théories marquant un renouveau et une radicalisation du libéralisme, forme actuelle du capitalisme. La question est très complexe à la fois sur le plan historique et notionnel mais je vais me concentrer sur ceci: Quel est notre rapport aujourd'hui dans notre société libérale (de façon généraliste) au Bien Commun, notion reprise dans tant de discours politiques; qui n'est pas l'"intérêt commun" avec lequel on le confond souvent? Et si on dénonce si souvent les ravages du néo-libéralisme, cela ne devrait pas apparaître comme une critique de l’exigence de pluralité, mais comme une critique de sa tendance non seulement à absolutiser l’individu, mais aussi, paradoxalement, à autonomiser, contre les individus, un dispositif technique qui les réduit à une totalité indifférenciée.
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Sceptique
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