Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sceptique
22 avril 2009

La Légion Généraliste

Il y a une réalité dans l'exercice de la médecine: la médecine générale est en première ligne, répondant à une demande imprécise de diagnostic et de soin. La grande majorité de la profession médicale y consacre l'ensemble de sa carrière. En seconde ligne sont les spécialistes. Ils se sont formés à une catégorie particulière de diagnostic (radiologie, laboratoire, par exemple) ou de soin (dermatologie, cardiologie, psychiatrie....) En troisième ligne, on peut mettre les hôpitaux, où les médecins travaillent en équipes, dans des "services", où les malades sont hébergés et nourris pendant le temps nécessaire au diagnostic, plus compliqué, ou au traitement de leur maladie, incompatible avec leur existence habituelle. Depuis toujours, cette hiérarchie, ou cette organisation, est très stable. Une fois les études terminées, il est très difficile de les reprendre pour changer de catégorie et de statut. Il y a des obstacles institués, comme l'incompatibilité entre la condition d'étudiant et un exercice rémunéré, entre la possession de la thèse et un internat, et aussi un effort important à accepter, peu compatible avec une vie de famille. La promotion à l'intérieur de la profession ne vient pas d'en haut, n'est pas automatique en fonction de l'âge. Elle vient des preuves que l'on peut présenter aux autres. Depuis toujours, aussi, il était plus avantageux et plus prestigieux d'être spécialiste que généraliste. Les spécialistes étaient ceux qui avaient réussi le concours de l'internat, ou qui avaient consacré quelques années d'études supplémentaires pour se former à une spécialité. Il fallait à la fois de meilleures notes et plus de travail. Par contre, le statut des médecins hospitaliers n'est pas toujours en harmonie avec leur niveau de compétence, et il y a eu de longues périodes où ce mode d'exercice était délaissé. Le rapport offre-demande ne se règle pas au premier niveau mais à celui de la politique nationale, ce qui s'associe à une forte inertie. L'essentiel de la rivalité entre catégories de médecins se situe donc entre généralistes et spécialistes d'exercice libéral. La possibilité de passer d'une catégorie à l'autre ne fut ouverte que pendant quelques années après Mai 1968. Un nombre conséquent de médecins généralistes reprirent des études et devinrent spécialistes. Une réaction, d'inspiration malthusienne, mit fin à cette liberté. Bien sûr, il n'était pas dit:"il est interdit de...". Mais il fallait prendre quelques années "sabbathiques" pour changer de niveau. Deux phénomènes étaient venus compliquer la situation: en raison d'une demande de soins se développant avec le progrès social et une meilleure éducation sanitaire, le déficit de l'Assurance Maladie ne cessait de se creuser, les ressources ne pouvant jamais suivre. À la tête de l'État, "on" se dit qu'avec moins de médecins, les choses ne pourraient aller que mieux. La réduction du nombre de médecins, tant généralistes que spécialistes, se fit à la source. L'accès aux études fut drastiquement limité. C'était indolore, invisible, car étalé sur dix ans, durée moyenne des études. Enfin, vint la pénurie. La demande de soins avait de plus en plus de mal à être satisfaite. Et un divorce entre le pouvoir politique et la profession mécicale était manifeste. La médecine générale gagna plus, politiquement, de la pénurie, que la médecine spécialisée. Elle demanda, et obtint, la maîtrise de l'ensemble de la profession, fit accepter sa prééminence, la spécialité de médecine générale, son enseignement pratique par des généralistes d'exercice libéral, le "parcours de soins", et pour finir, le statut de "spécialiste en médecine générale". Un de ces jours*, "inch'allah", les mêmes honoraires que les spécialistes. Les politiques ont accepté ces évolutions, estimant qu'elles étaient des facteurs d'économies pour l'assurance maladie. C'était d'ailleurs un des principaux arguments du syndicat des généralistes. Cependant, au stade de leur "fabrication", les futurs médecins ont toujours le regard de Chimène pour la médecine spécialisée. La compétition est rude pour ne pas hériter des postes d'interne en médecine générale. Et, s'il faut y passer, l'étudiant cherche des échappatoires pour une perspective de carrière plus libre. Le résultat est, selon l'Ordre des Médecins, que seuls 30% des jeunes médecins formés à la médecine générale exercent finalement la médecine générale. Cela fait un sacré taux de fuite. De désertion, n'ayons pas peur des mots! Du coup, le ministère se fait "plombier", il cherche les fuites, les colmate comme il peut, en fermant l'accès à des formations complémentaires qu'il ne serait jamais venu à l'idée de la génération précédente, de suivre**. J'ai été frappé par la ressemblance de cette situation avec celle de la Légion Étrangère. L'engagement y est chose sérieuse, il doit être mené à son terme, la désertion est sévèrement punie, la promotion interne est limitée aux grades de sous-officiers. Mais la récompense de cette sévère institution militaire est le défilé très applaudi, le 14 Juillet sur les Champs Élysées, en queue des troupes à pied, en raison du pas lent et majestueux. Quelle allure! Alors, je suggère que pour redonner le moral aux étudiants de médecine générale, on les fasse participer, Faculté après Faculté, au défilé du 14 Juillet, dans un bel uniforme dessiné spécialement pour eux, juste derrière la Légion Étrangère, sur la même musique et au même pas***. Sceptique *Les cordons de la bourse sont bien serrés pour cette dépense là. **La gériatrie (Le Quotidien du Médecin,21/04/2009). Avec les progrès de la médecine, la prise en charge de cette catégorie de population est devenue plus gratifiante. ***Les futurs généralistes recevront un acompte d'applaudissements. Ils deviendront tellement rares, plus tard!
Publicité
Publicité
Commentaires
Sceptique
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité