Élections Régionales: leçons du scrutin
Au premier tour des élections régionales, 45% des électeurs inscrits ont exprimé leur opinion, au profit des partis opposés, pour des raisons diverses, à la politique du Président Sarkozy et de l'Alliance UMP-Nouveau Centre.
Il ne fait pas de doute que de part et d'autre de l'échiquier politique, ce sont les citoyens préoccupés de l'orientation politique de la Nation qui se sont dérangés pour apporter leur soutien ou la désapprouver. Les enjeux locaux ne semblent pas avoir beaucoup joué.
Pourtant, les candidats se sont donnés du mal pour faire valoir, qui leur bilan, qui leurs projets en laissant cependant un maximum de place à la critique du Président de la République, ou, au contraire, à son soutien. Dans la tête des opposants globalement vainqueurs, la démission du Président et la convocation immédiate à une élection présidentielle, leur procurerait une joie méchante. Mais les institutions sont là pour défendre la stabilité de l'exécutif. Car on sait bien que la politique nationale ne se résumant pas à la somme arithmétique des intérêts de chacun, les déceptions, les frustrations, les condamnations, pleuvent dès le lendemain de l'installation d'un nouveau pouvoir, et les sondages mesurent la plongée de la confiance.
Voilà un sondage en grandeur nature qui coûte bien cher. 53% des personnes interrogées peuvent se classer parmi les N.S.P. Ne-sait-pas, ça a un sens. En l'occurrence il s'agit de l'échelon régional de nos institutions politiques, créées "ex nihilo" dans les années Mitterand, et labellisées par la loi complémentaire de Jean-Pierre Raffarin.
La centralisation héritée de la monarchie, de la Révolution et de l'Empire avait quelques aspects caricaturaux. Les élus locaux, les conseillers généraux souffraient sans doute de la prééminence du Préfet, représentant de l'État. La Gauche au pouvoir en 1981 entreprit de briser cet ordre, sans qu'à aucun moment elle se pose la question du pourquoi de la centralisation, construite par l'histoire de notre peuple.
Le dogme selon lequel la politique peut faire ce qu'elle veut d'un peuple, qu'elle peut passer sur sa mentalité, ses traditions, ses habitudes, en force, pour son "bien", n'est pas sans logique. Il se fabrique à partir du constat de l'immobilisme naturel d'une société humaine qui se structure au fur et à mesure de son développement. Le raisonnement dialectique aboutit nécessairement à proposer un traitement allopathique* à tout défaut atavique d'une société. Il implique une méconnaissance des raisons qui ont poussé ce peuple à développer ces défauts.
Société aux fondements ruraux, la France n'a existé comme entité que par la force des occupants ou envahisseurs, suivie par la formation d'un État centralisé et fort, jusqu'à la caricature. La révolution n'a pas profondément changé la donne. Elle s'est elle-même constituée en dictature, trop fragile pour ce coup d'essai, et s'est terminée par un empire.
La République, réapparue trois quarts de siècle après son premier tour, très court, s'est appuyée sur la stabilité de l'administration, léguée par la monarchie et l'empire. Sa défaillance politique, de nature structurelle, a abouti au désastre de 1940. Rétablie après quatre ans d'occupation, sur le même mode d'un régime des partis, elle a du s'en remettre à un homme "providentiel", qui l'a fait doter d'une constitution fondée sur le fait majoritaire et la prééminence du Président de la République élu au suffrage universel direct. Ce président est chargé maintenant d'une mission de cinq ans, appuyée sur une majorité parlementaire élue dans la foulée de la présidentielle, disposant de toutes les chances d'être un appui sûr au projet présidentiel.
Les mésaventures qu'ont subi les présidents succédant au Général De Gaulle montrent que la majorité ne résiste pas à cinq ans d'une politique quelconque, de droite, ou de gauche. Au bout de ce terme, il vacille, ou tombe. Le septennat(encore en vigueur) a permis à François Mitterand de profiter en 1988 des deux ans de pouvoir de la droite. Et une erreur tactique, à Jospin, de s'emparer du pouvoir en 1997. Après deux ans de pouvoir, les carottes sont presque cuites. Qu'on s'en souvienne, pour qu'on en soit pas surpris!
Le dernier niveau d'organisation territoriale, les Régions, semble avoir servi depuis son début, à faire savoir au pouvoir central l'état de l'opinion à l'égard de sa politique. La droite en avait conquis beaucoup pendant les années Mitterand et se les est fait reprendre, pratiquement toutes, en 2004. Comme il fallait s'y attendre, la droite étant encore au pouvoir six ans plus tard, le désaveu de sa politique nationale a plus de poids que celui mérité par les politiques locales. Les abstentionnistes sont massivement fournis par ceux qui ne comprennent pas la politique menée à l'échelle nationale, ou qui lui font porter la responsabilité de leur situation particulière.
Ce serait un miracle si le deuxième tour corrigeait le premier. Bien sûr, les vainqueurs potentiels ont déjà conclu que le Président élu en 2007 devrait leur remettre la réalité du pouvoir, en pratiquant la politique exigée par les vainqueurs. La constitution ne la lui impose pas par la lettre, mais l'esprit la justifierait! Il semble, aux dernières nouvelles de la Présidence, qu'il n'en est pas question, que le projet sarkozien sera mené à son terme, jusqu'en Mai 2012. Le président et sa majorité en ont le droit et le devoir.
La question qui n'est pas posée, c'est le bien fondé, à l'usage, de cette décentralisation qui a fondé une nouvelle féodalité, qui s'oppose systématiquement au pouvoir central. Le destin d'un Georges Frêche, qui a même balayé les liens de suzeraineté avec son parti d'origine, est le paradigme de cette évolution, qui était inscrite dans la décentralisation dès sa conception. Les régions, disposant de pouvoir, n'en font pas des merveilles, et mettent un maximum de bâtons dans les roues du carrosse gouvernemental. Si la Gauche gagne en 2012, elle endurera le même désaveu en 2014 que celui que la droite sarkozienne subit maintenant. En fait, ce n'est pas un problème des forces politiques en présence, l'une incarnant le bien, l'autre le mal, c'est le problème institutionnel qui a empoisonné la monarchie pendant quelques siècles, et qui fera de même avec la République, jusqu'à ce qu'elle revienne sur cette réforme.
Sceptique
*allopathique: qui soigne par le contraire ou le différent.